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EAN : 9782343113333
222 pages
Editions L'Harmattan (01/06/2017)
5/5   1 notes
Résumé :
Quand Anacaona, princesse taïno, meurt en 1503 sur l'île d'Haïti, pendue par la justice des conquistadores espagnols, sa réputation de chef politique et de poétesse de talent, déjà bien établie dans la réion, va prendre son envol. Au fil des siècles, cette indienne, qui continue à porter le témoignage d'un peuple massacré, réapparaît régulièrement dans la littérature caribéenne, la peinture, sa sculpture, la musique.
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
J'ai lu avec beaucoup d'intérêt ce livre, FIGURE D'ANACAONA DANS LE THEÂTRE HAÎTIEN » . Anacaona est une héroïne de l'histoire d'Haïti, dont on ne sait, sur le plan historique que peu de choses, sauf au travers de chroniques rédigées par les colonisateurs espagnols du XVe siècle, donc des sources peu fiables. Elle occupe dans la conscience collective des Haïtiens, aux diverses époques, la place d'une héroïne fondatrice, tragique au sens propre du terme puisqu'elle porte en elle l'amour de son peuple, dont elle voudrait défendre l'indépendance, et en même temps voudrait éviter la guerre avec les envahisseurs espagnols. Elle paiera de sa vie sa volonté de paix et sa fidélité à son peuple, trahie par ruse sur l'ordre du « grand » commandeur espagnol Nicolas de Ovando, puis pendue en 1503.
J'y ai trouvé trois choses passionnantes :
- - Un mythe en formation : archéologie d'un mythe. Ce qui nous manque, pour comprendre comment un fait devient mythe, c'est que dans nos grands mythes classiques européens on ne connait pas ou peu la base factuelle qui a donné naissance à ces histoires. Et donc ce qui est intéressant dans la démarche chronologique suivie par I. Jezequel, c'est que nous voyons comment un fait devient mythe, et comment ce mythe se déploie dans le temps. En lisant ce livre, je pensais à un texte de Duby, où il écrit ceci : « Enfin, ces traces instruisent d'autres manières sur le milieu culturel au sein duquel l'événement vient éclater, puis survit à son émergence. Elles font voir comment la perception du fait vécu se propage en ondes successives qui, peu à peu, dans le déploiement de l'espace et du temps, perdent de leur amplitude et se déforment. Je me risquerai donc aussi à observer (…) l'action que l'imaginaire et l'oubli exercent sur une information, l'insidieuse pénétration du merveilleux, du légendaire et, tout au long d'une suite de commémorations, le destin d'un souvenir au sein d'un ensemble mouvant de représentations mentales. » Je me trompe peut-être, mais c'est l'intérêt premier que j'ai trouvé à ce livre : comment un fait (dont on ne sait pas grand-chose) devient mythe, et comment les générations suivantes s'en emparent comme signifiant de leur propre présent. On pourrait penser en équivalence dans l'histoire de France à Jeanne d'Arc, vénérée à la fois comme icône Gaulliste, pendant la Résistance, et par les pétainistes, ravis de trouver une héroïne capable d'incarner la lutte contre l'ennemi héréditaire, pouvant être au choix l'allemand ou l'anglais ! Bravo pour cette analyse fidèle et précise où, à partir d'une base factuelle très restreinte, l'auteur(re) décrit parfaitement le déploiement du mythe et son expression dans l'histoire du théâtre haïtien.
- Autre élément que je trouve lumineux dans ces analyses, c'est la rencontre des cultures comme facteur dynamique de la construction de l'identité haïtienne. Melting pot d'indigènes, d'espagnols, d'esclaves africains, de français, d'américains… voici une rencontre bouillonnante et un chaudron de sorcière qui, en dépit des malheurs et des sacrifices, finit par accoucher d'une langue, d'un imaginaire, d'un théâtre. Isabelle Jezequel rend ici, sans le citer, un hommage à Lévi-Strauss, lui qui a fait de l'échange interculturel (généralement dans le sang et dans les larmes, plus rarement dans la convivialité) le facteur principal du développement des civilisations.
- Enfin, je trouve remarquable cette réappropriation par un peuple colonisé des modes culturels (langue, écriture théâtrale, scénographie) de ses oppresseurs. Parfois complices des colonisateurs, dont ils singent les alexandrins, et s'en moquent gentiment en leur faisant dire des choses triviales (sur le tabaco par exemple ! (p 113)
« avec lui nous pourrons fumer le tobaco […]
Bercés dans nos hamacs, près de nos indiennes »
Rappelons que, dans la même veine on peut trouver chez Théophile Viaud :
« Ah! voici le poignard qui du sang de son maître
S'est souillé lâchement. Il en rougit le traître! »
Après tout, même le grand Corneille au eu (involontairement !) de ces faiblesses :
« Vous me connaissez mal : la même ardeur me brûle,
Et le désir s'accroît quand l'effet se recule » Corneille, Polyeucte.
La grandiloquence alexandrine se retourne parfois contre elle-même, et ne craint ni le ridicule, ni la contrepèterie !

Anacaona n'est pas seulement un mythe du passé. Isabelle Jezequel nous montre comment elle peut incarner aujourd'hui d'autres combats des Haïtiens, comme ceux menés contre l'impérialisme américain, la dictature duvaliériste ou les odieux trafics de sang humain.
« Notre sang ne sera plus vendu sur les marchés européens… »
(Saint-Arnaud NUMA, dit « Nono », Anacaona, reine martyre (1959)

Un livre à conseiller à tous ceux qui s'intéressent à l'acculturation/déculturation des peuples, et comment, en dépit des violences impérialistes, militaires, idéologiques, économiques, une culture authentique et libératrice peut naître. « Il faut que quelque chose change ici » (S.S. Jean-Paul II homélie prononcée en 1983 à Haïti)
Michel le Guen de K.
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Anacaona (c.1464-1503) femme indienne taino, vit sur l'^le amérindienne de Quisquya (Haïti) dans les grandes Antilles, lors de l’arrivée vers 1492 des premiers conquistadors espagnols en route vers les Indes. Elle va endurer avec son peuple, jusqu'à sa propre mise à mort par les Espagnols, les violences de la conquête et de la colonisation.
Cette femme, poète et musicienne réputée, est également un personnage politique important : elle est l'épouse de Caonabo, cacique du Maguana , et soeur de Beheuchio, Cacique de Xaragua. Fait prisonnier par les conquérants, Caonabo meurt en captivité. Beheuchio qui déjà laissait gouverner sa sœur, meurt à son tour et Anacaona se retrouve à la tête de deux cacicats.
Le nouveau gouverneur espagnol de l’ile, Nicolas de Ovando, cherche à mettre fin à la rébellion dans la région du Xaragua. Trompée par le dirigeant espagnol, Anacaona le reçoit en grande pompe. Mais le gouverneur déclenche le massacre : ses soldats s'emparent des "lieutenants" d'Anacaona et les brûlent vifs. Anacaona, elle, sera pendue peu après.
(...)
Les éléments requis pour lancer le mythe d'Anacaona sont dès lors en place : une femme jeune, réputée pour ses talents de poète, sa beauté, son caractère doux et aimable,son habileté politique, son intelligence, exécutée par l'envahisseur et occupant. La mort d'Anacaona va inspirer au fil des siècles de nombreux écrivains, mais aussi des peintres, des sculpteurs, des musiciens, des cinéastes, espagnols, caribéens, américains.
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