Comment
Geoff Johns réussit-il à maintenir ce niveau d'excellence ? Ce recueil fait suite à Green Lantern: Secret Origin et il comprend les numéros 26 à 28 et 36 à 38 de la série mensuelle, ainsi que le numéro spécial intitulé "Final Crisis : rage of the Red Lanterns".
La première histoire (épisodes 26 à 28) se déroule juste après la guerre des Sinestro Corps. Dans sa cellule, en attendant son exécution, Sinestro explique à Hal Jordan en quoi il estime avoir gagné la guerre. John Stewart se recueille dans le système solaire de Xanshi (référence aux événements de "Odyssée cosmique" de
Jim Starlin et
Mike Mignola) et effectue une analyse inattendue et cynique du mode de décompression de Guy Gardner, Hal Jordan et Kyle
Rayner (moment de psychologie exceptionnellement lucide et péntrant de
Geoff Johns).
Cette histoire nous explique la création des Alpha Lanterns (police des polices, avec un nom incoyablement ironique qui renvoie à la notion d'alpha mâle) et les conséquences de la mise à mort d'Amon Sur (le fils d'Abin Sur) par une Green Lantern. Cette partie est illustrée par
Mike McKone qui est un illustrateur de comics d'un niveau moyen. Il est fâché avec les décors (plusieurs pages sans aucun décor) et ses personnages manquent de détails (il faut jusqu'à 3 encreurs dans le même épisode pour atteindre un niveau tout juste passable). Cette baisse de qualité au niveau des illustrations n'arrive pas à tirer vers le bas le scénario de Johns qui aborde intelligemment le thème de la peine de mort en temps de guerre et qui présente la première Red Lantern.
La deuxième histoire débute par le numéro spécial qui est immédiatement suivi des 3 autres épisodes de la série mensuelle. le numéro spécial est illustré par
Shane Davis, un jeune dessinateur qui nous en avait mis plein la vue dans Mystery in Space with Captain Comet 1. Tous les personnages sont dotés d'une vitalité et d'une identité remarquables.
Shane Davis a fait un travail de conception graphique des personnages (sur la base d'indication de Ethan van Sciver) d'une rare efficacité.
Les Red Lanterns sont vraiment réussis : ils ne sont pas beaux à voir, ils disposent d'une aura maléfique en parfaite adéquation avec l'émotion qu'ils représentent (même le chat Dex-Starr est rendu crédible, alors qu'il s'agissait au départ d'un gag visuel de Davis). Pour être tout à fait honnête,
Shane Davis a également un penchant appuyé à oublier de représenter les décors. Mais la finesse d'interprétation des protagonistes permet de reléguer au second plan ce défaut. le travail effectué par le metteur en couleurs dans les scènes spatiales aide bien également. le reste des épisodes est illustré par
Ivan Reis, le dessinateur attitré de la série. Son style évoque toujours le mariage réussi entre l'efficacité et la singularité de
Neal Adams et les rondeurs d'Alan Davis.
Alors que Sinestro est acheminé vers le lieu de son éxecution publique (rendue possible par la nouvelle première loi du Livre d'Oa), le convoi est attaqué par un groupe de Red Lanterns qui souhaitent l'exécuter sans plus de cérémonies. Cette partie répond parfaitement à la mention "prelude to Blackest Night" apposée sur la couverture. Mais ne vous y trompez pas, le scénario de
Geoff Johns de se limite pas à mettre en place les pions pour le grand crossover. Cette intrigue se suffit également à elle même et elle jouit d'un équilibre parfait entre opéra spatial, interaction entre les personnages, apparition d'une nouvelle couleur de Lantern (autre que vert, rouge et rose), ancrage terrestre avec les personnages humains qui sont encore sur notre planète, conflit d'intérêts complexe du héros principal.
Geoff Johns a concocté un scénario calibré au millimètre près. Chaque case a son importance, chaque bulle apporte une information ou un sentiment.
Ce tome est encore une réussite exceptionnelle : une histoire de superhéros de haut vol, des conflits psychologiques complexes, des personnages attachants, des enjeux cosmiques, un soin du détail et une logique saisissante apportés à la signification des différentes couleurs. Il est évident que vous apprécierez mieux cette histoire si vous avez lu les tomes précédents (je n'en reviens toujours pas de l'apparente facilité avec laquelle Johns gère un tel nombre de personnages), y compris celui sur les origines de Green Lantern qui a l'avantage de remettre à plat les relations des uns et des autres, ainsi que leur passé commun. Pour autant ce tome peut également constituer un prologue bienvenu à Blackest Night pour vous permettre de vous familiariser avec cette mythologie riche et savoureuse. Ce tome se poursuit dans "Agent Orange", dernière étape avant Blackest Night.