La qualité de la vingtaine de nouvelles qui composent ce recueil posthume est certes inégale, mais les meilleures d'entre elles me poussent à vous recommander vivement ce livre (les autres nouvelles ne sont pas mauvaises: elles sont juste moins bonnes).
Je continue ici ma découverte de
Thierry Jonquet que j'avais commencée avec «
La Bête et la Belle », dont la chute, comme je l'avais relaté sur Babelio, m'avait laissé sans voix.
Dans sa préface,
Hervé Delouche qualifie
Thierry Jonquet d' « écrivain à hauteur d'homme ». Cette jolie expression qualifie à merveille ce qui fait la spécificité de l'auteur. le premier texte du recueil, « Voilà comment ça s'est passé… » n'est pas une nouvelle mais bien une courte autobiographie où
Thierry Jonquet nous raconte comment il en est arrivé à écrire des romans noirs. Il a d'abord été ergothérapeute dans un centre de gériatrie, pour ensuite officier dans un hôpital où l'on rééduquait notamment les bébés amputés congénitaux, avant d'être affecté dans un centre de neuropsychiatrie infantile et terminer dans une institution d'aide à des mineurs délinquants. Il a également milité à la LCR, la Ligue communiste révolutionnaire.
Les textes de
Thierry Jonquet mettent à l'honneur des personnes que la société des nantis voudrait plutôt cacher. Pour cela, il est manie une palette littéraire d'une remarquable diversité. Ainsi, on le voit peindre le désespoir avec une pudeur toute poétique dans « Nadine ». Dans « Abel dans le tunnel », il fait preuve d'humour et d'imagination décalée pour mettre en scène le terrible trajet d'un diablotin depuis l'enfer jusqu'à la sortie d'une bouche de métro. Je citerai encore la noirceur caricaturale de « Art conceptuel » où il imagine la mise en place d'une exposition où l'on exhiberait des SDF (autant j'ai déjà affiché ici toute ma fierté d'être belge, autant je préfère oublier les Congolais exhibés au musée de Tervuren en 1958…). Et je terminerai en mettant en évidence un autre récit noir qui m'a fait froid dans le dos: « Ma puce ». On y libère des prisonniers à condition qu'ils acceptent de se faire implanter une puce qui permettra de les localiser. Mais on leur implante également, un peu partout dans le corps, des leurres. On voit ainsi certains d'entre eux se faire amputer un membre après l'autre, jusqu'à retrouver leur « liberté », mais complètement hors d'état de nuire. La société a gagné… Horrible !
Bref, du noir, de l'humour et de la poésie pour brosser de fins portraits des oubliés qui vivent en marge de notre société, tout cela dans un style enlevé qui rend la lecture fort plaisante. Découvrez
Thierry Jonquet !