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sur 691 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Quelle belle idée de rendre hommage à cette femme au destin si particulier! La photographe célèbre s'inscrit au coeur d'une histoire d'exils, de fuites, de rencontres déjà remarquable. Mais ce qui est plus frappant est l'incroyable rôle du hasard qui a permis d'exhumer cette oeuvre magnifique, qui, de portraits en scènes de vie dresse un état des lieux remarquable des Etats-Unis d'après guerre.

Totalement inconnue de son vivant, elle n'a jamais cherché ou peu insisté pour faire connaitre ses travaux, et n'en a pas tiré profit. Plus étrange encore, elle n'a pas vu toutes ses photos, comme si l'instant même de la scène captée comptait plus que le résultat.

Si les âmes peuvent assister en spectateur à la suite de ce qui fut leur film, combien elle doit se réjouir de ce succès posthume. Encore que la part de mystère qui entoure sa personnalité puisse permettre d'en douter. Car peu d'éléments permettent d'affirmer avec certitude qui elle fût. Pas de journal, pas de commentaires des clichés, pas d'avis de son entourage, qui s'est limité longtemps aux familles qui l'ont employée en tant que nurse. Sa propre famille est trop bancale ou en dérive pour aider à construire le portrait de l'artiste. Monstre ou ange gardien? Les témoignages font parfois douter du fait que l'on parle d'une personne unique.

C'est avec la plume élégante et délicate que l'on connait que s'esquisse la silhouette inachevée, avec sa part d'ombre, sans romancer ce qui reste nébuleux, laissant la part au doute et aux questions.

"Entrer dans une vie, c'est brasser les ténèbres, déranger des ombres, convoquer les fantômes. C'est interroger le vide et tendre l'oreille vers les échos perdus."


Très bel hommage à cette artiste qui a sans doute elle-même ignoré son talent.

#UneFemmeEnContrejour #NetGalleyFrance

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En 2007, John Maloof achète, aux enchères, tout un fatras de photographies, de planches-contacts, de pellicules non développées, de négatifs et de papiers entassés. Malheureusement, rien de tout cela ne peut lui servir pour son projet d'écrire sur Chicago. Ignare en photographie, il poste parfois, sur internet, quelques photos. Ces clichés font l'unanimité. On lui propose d'en acheter, un professeur d'art attire même son attention sur le travail exceptionnel de l'auteur. Mais qui, justement, est l'auteur ? Et qui est cette femme qui apparait dans d'innombrables clichés ? En 2009, il finit par découvrir un nom, à peine lisible sur une enveloppe. Vivian Maier. Sur internet, il tombe avec stupéfaction sur son avis de décès, rédigé par les frères Gensburg. Il les contacte et apprend que Vivian était nurse et qu'elle ne se séparait jamais de son appareil. John Maloof en est alors certain : il a découvert un trésor...

Vivian Maier, c'est cette femme sur la couverture du livre. Une femme discrète, androgyne, presque austère. Les cheveux courts, retenus par une barrette, les lèvres bien dessinées, une silhouette solide. le regard grave, concentré, jamais un sourire. C'est cette femme à qui Gaëlle Josse rend un vibrant témoignage... de son enfance chaotique, de la France aux États-Unis, à son travail de nurse en passant par ses nombreux voyages, l'auteure retrace, à travers cette biographie, certes romancée, la vie de celle qui ne quittait jamais son appareil-photo. Méconnue de ceux qui l'ont côtoyé, Vivian Maier laisse derrière elle des milliers de clichés, la plupart en noir et blanc, qu'elle n'a jamais eu l'occasion de voir. Des clichés pris sur le vif, pleins de vie, d'humanité mais aussi mélancoliques. Des scènes de l'Amérique d'après-guerre au coeur desquelles elle dévoile tous ses talents. Des auto-portraits si brillamment mis en scène. Artiste unique, femme insaisissable et indépendante, Vivian Maier prend vie et âme à travers la plume sensible de Gaëlle Josse.

Pour en savoir plus : un documentaire coréalisé par John Maloof et Charlie Siskel, intitulé "Finding Vivian Maier", le site de l'Association Vivian Maier et le Champsaur (www.association-vivian-maier-et-le-champsaur.fr), le site "officiel" réalisé par John Maloof (www.vivianmaier.com).

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John Maloof découvre dans un lot qu'il a acheté dans une vente aux enchères, des photos, des pellicules jamais développées, des papiers ayant appartenu à Vivian. Il va lancer des recherches sur Internet et découvrir peu à peu qui est cette femme et prend contact avec les frères Gensburg dont elle a été la nounou autrefois. Ils sont les auteurs de la nécrologie parue dans le journal.

C'est grâce aux frères Gensburg qu'elle a pu échapper à l'indigence : ils lui ont trouvé un logement lorsqu'ils l'ont découverte, quelques années plus tôt dans l'indigence absolue, dans la détresse. Une ancienne nurse qui faisait les poubelles.

Peu à peu on découvre l'histoire de Vivian, qui naît le 1er février 1926, deuxième enfant de Maria Jaussaud et Charles Maier qui ont déjà un fils Karl, alias Charles comme son grand-père, alias Carl. Tous deux sont des enfants du rêve américain. Mais, le couple s'entend mal, du fait de l'alcoolisme et la violence et Carl est très vite confié à un foyer…

Comment grandir quand on naît dans une famille dysfonctionnelle ? du côté maternel, sa grand-mère Eugénie, a confié sa fille Maria âgée de trois ans à sa soeur avant de partir en Amérique car le père biologique n'a pas voulu la reconnaître. On sait comment étaient considérées celles qu'on appelait les filles-mères. Elle la rejoindra quatorze ans plus tard. L'entente sera compliquée.

Une partie d'elle est restée dans la vallée de son enfance, dans les Hautes-Alpes, mais quand elle tente d'y retourner elle n'est pas la bienvenue, c'est l'Américaine.

On a donc une répétition des scenarii : des abandons, des mensonges qui se répètent d'une génération à l'autre, des perturbations mentales : il s'avère très vite que Carl dérive vers la psychose et Vivian n'est pas en reste, car en interrogeant les enfants dont elle a été la nurse, certains ont conservé un souvenir chaleureux d'elle alors que d'autres disent qu'elle a été violente maltraitante.

Ceci se retrouve dans ses autoportraits où les images se renvoient, se multiplient comme autant de personnalités différentes, qui cohabitent. Elle a photographié aussi les laissés pour compte, lors d'un périple de neuf mois, dans le monde, et là encore, les clichés sont fascinants.

Cette femme, hors du commun, m'a fascinée tant par son histoire que par son talent. Je suis allée sur le site internet qui lui est dédié, ou les vidéos, expos que j'ai pu trouver, et son parcours, tout comme la manière dont elle devenue célèbre alors que, de son vivant, elle était inconnue, voire insignifiante, comme d'autres artistes de l'époque, sont passionnants.

J'ai retrouvé la sensibilité qui me plaît tant chez Gaëlle Josse lorsqu'elle brosse des portraits d'artistes ou de gens ordinaires comme vous et moi… J'aime beaucoup découvrir des artistes méconnus, qu'il s'agisse de peintres, sculpteurs, ou comme ici, une photographe… Il s'agit ici plutôt d'une « biographie romancée » mais Anne Marx a écrit une biographie complète sur Vivian Maier que j'aimerais bien découvrir.

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Notabilia qui m'ont permis de découvrir ce livre…

#UneFemmeEnContrejour #NetGalleyFrance
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Destin étonnant que celui de Vivian Maier. Aujourd'hui considérée comme une des plus grandes photographes du vingtième siècle, elle fut de son vivant totalement ignorée des experts, et donc inconnue du grand public.

C'est l'extraordinaire parcours d'une solitaire, née à New-York dans une famille franco-américaine totalement dysfonctionnelle, qui travailla ensuite comme nurse pour de riches familles de Chicago, avant d'être sortie de la clochardisation totale grâce au soutien de trois des enfants dont elle s'était occupée, que nous raconte ce petit livre de Gaëlle Josse.

L'appareil photo de Vivian Maier remplace pour nous ses yeux. C'est à partir de la découverte, posthume et tout à fait par hasard, de ses dizaines de milliers de clichés, dont la plupart n'avait jamais été développée, qu'elle est devenue célèbre et que son parcours artistique a pu être reconstitué.

L'auteure apporte ici une pierre à la reconnaissance de l'artiste. Cette biographie romancée, accessible au plus grand nombre, éclaire les principales étapes de la vie de Vivian Maier, et en fait ressortir les zones d'ombre.

Un livre écrit avec simplicité, plus riche en informations qu'il pourrait y paraître, et qui se lit avec beaucoup de plaisir.
Lien : http://michelgiraud.fr/2021/..
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"Entrer dans une vie, c'est brasser les ténèbres, déranger des ombres, convoquer des fantômes".
Si j'ai mis en exergue cette citation de Gaëlle Josse c'est qu'elle résume assez bien la problématique de l'auteure lorsqu'elle écrivit cette biographie de la photographe de rue VIvian Maier dont le talent fut miraculeusement découvert par John Maloof au début des années 2000. C'est grâce à la curiosité et l'acharnement de ce dernier que fut portée à la connaissance du grand public les milliers de clichés qui étaient jusque là entassés dans des cartons...
Destinée hors du commun que celle de cette femme : sous les feux de la rampe à titre posthume, elle mena par ailleurs, dans "l'effacement" le plus complet, une existence anonyme et douloureuse.
La scène inaugurale de l'essai résume bien à elle seule ce que fut la vie de Vivian Maier. Gaëlle Josse nous donne à voir dans ce passage très visuel, une vieille femme, seule, assise sur un banc devant le lac Michigan à Chicago. Un beau cliché en noir et blanc... Nous tenons là les deux clés de l'existence de Vivian Maier : solitude et passion pour la photographie.
Avec un talent de conteuse qui ne se dément pas tout au long du récit, l'auteure nous emmène sur les chemins de vie de celle qui fut "un regard sur le monde". Mais avant de trouver sa voie et ce qui donna un sens à sa vie , que d'errances, d'absences et de manques de liens a-t-elle dû affronter. Une enfance dévastée, aux côtés d'un père violent et d'une mère complètement instable, tous deux enfants d'immigrants aux Etats-Unis. Une adolescence livrée à elle-même auprès de sa mère et de son frère schizophrène, elle ne trouvera de réconfort qu'auprès de ses deux grands-mères et devra très vite gagner sa vie.
C'est là que vont commencer ses déambulations photographiques dans New-York avec un modeste Kodack. Bientôt "sa vie avance entre deux pôles le plus souvent emmêlés, son métier de gouvernante de jeunes enfants à domicile et ses déambulations photographiques". Cette "carrière" de photographe de rue connaîtra son apogée lorsqu'elle devra quitter le foyer des Gensburg au service desquels elle resta dix-sept ans. Sans doute la période la plus stable de sa vie et celle où elle tissa des liens suffisamment forts pour que les trois fils Gensburg prennent soin d'elle lorsqu'elle tombera dans l'extrême pauvreté.
La suite de son existence ressemble un peu à une descente aux enfers et Gaëlle Josse aborde cette période avec tact en nous renvoyant à une séries de questionnement relatifs à l'équilibre mental de Vivian Maier, peut-être rattrapée, à cette époque par la lourde hérédité familiale sur le plan psychologique... Ce qui demeure et ce que défend l'auteure avec beaucoup d'empathie et de chaleur c'est le talent de Vivian Maier fait d'une ouverture sur le monde, d'un sens aigu de la rencontre et du moment à saisir, ainsi que d'une poignante humanité, celle qui montre sans voyeurisme l'abandon et la pauvreté.
Les dernières pages de l'essai sont très belles et émouvantes car l'auteure élargissant son propos, rend aussi un vibrant hommage à toutes celles et tous ceux qui vécurent leur art jusqu'à la mort et parfois la folie, dans le dénuement et l'abandon le plus complet...
PS Si vous êtes touché(e) par la destinée hors pair de cette femme et par son talent, allez faire un tour sur le site créé par John Maloof www.vivianmaier.com
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Je ne retracerai pas l'histoire des planches - contact, photos , pellicules et la trace d'un nom presque effacé , découvert par le jeune John Maloof, agent immobilier , carton acquis dans une vente aux enchères en 2007 , d'autres l'ont fait avant moi.

Ce qui m'importe c'est la découverte de la personnalité de Vivian Maier.
Mais qui était - elle vraiment ? Une gouvernante , une nourrice ? Une photographe talentueuse à l'égal des plus grands ? Une oeuvre découverte par hasard ? Par erreur ?

La plume sensible , la prose incomparable de l'auteure nous convoque à entrer dans la vie de cette femme discrète , insaisissable et austère , cheveux courts retenus par une barrette, regard grave , jamais un sourire , lèvres bien dessinées, solide silhouette, enfance chaotique , personnalité ambivalente , complexe, indépendante , méconnue, une ombre grise , anonyme , dans les rues de la ville ....ouverte sur le monde , obsédée par le secret , sacrément têtue, téméraire, si méconnue ....

Elle met un cadenas sur ses émotions , serrure à double tour toute sa vie, le silence , son leitmotiv......
L'histoire de sa vie , son destin particulier : fuites, exils, rencontres, recommencements ... la création comme oeuvre de réparation , mais avait- elle conscience de son talent ?

J'ai surtout apprécié la dernière partie de l'ouvrage , passionnante , vraiment intéressante où L'auteure fait un parallèle entre le métier d'écrivaine et celui de photographe ....

«  Entrer dans une vie, c'est brasser les ténèbres , déranger des ombres, convoquer les fantômes .
C'est interroger le vide et tendre l'oreille vers Les Échos perdus ... »

L'auteure décrit avec une rare empathie comme elle sait si bien le faire dans chacun de ses livres (je les ai tous lus ) , le portrait en creux des blessés de la vie, des perdants, des abandonnés , des blessures, des ruptures , des douleurs d'une vie , des secrets familiaux éprouvants, d'une abyssale solitude, d'une personnalité ambivalente , déroutante , d'une effacée magnifique à l'histoire désespérante ....mais passionnément humaine, ancrée, aux facettes multiples , de celles qui ne « sont » rien, qui ne demandent rien, n'attendent rien, n'exigent rien . ....une invisible ....
Elle prenait des clichés en noir et blanc , pétris d'humanité, mélancoliques , des centaines de milliers de visages fixés sur la pellicule avec ce désir de déchiffrer les êtres ...

Elle fait le parallèle avec Camille Claudel et d'autres artistes , Séraphine de Senlis ....
L'auteure voit la «  littérature tel l'or des Mots, qui transfigure un banal voyage en traversée
Transssibérienne .
C'est la première fois que je ne mets pas cinq étoiles , seulement quatre même si cet ouvrage est un bel hommage à une artiste qui ignorait sans doute son talent .
Peut - être l'accumulation des faits concernant les tourments de sa vie familiale ....Je redis ma préférence pour les parallèles entre l'écrivaine et la photographe ....
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Dans ce court roman inclassable, Gaëlle Josse nous présente une biographie comme condensée, ramassée, de la photographe Vivian Maier, dont l'oeuvre est restée inconnue de son vivant - en tout cas pour le public, car les personnes qui l'ont connue la voyaient prendre des photos mais n'y accordaient pas grand intérêt.

J'ai apprécié la construction de ce récit : une première partie fait état du contexte de la découverte de cartons entiers de photographies vendus aux enchères, par un agent immobilier, John Maloof, qui ne sait tout d'abord que faire de ces photos, puis se lance dans des recherches, jusqu'à comprendre qu'il détient un trésor. C'est lui qui frappera aux portes et la fera connaître, de même qu'il sera à l'origine du site internet où l'on peut admirer bon nombre des photographies. Puis les chapitres suivants relatent les étapes de sa vie, en commençant par ses origines (sa grand-mère Eugénie, puis sa mère, Maria), enfin une dernière partie tisse des liens, évoque des échos entre le travail photographique et l'acte d'écrire.

D'une part, Vivian Maier est une véritable artiste, elle a fait oeuvre en photographiant des portraits au hasard des rues, ou de ses voyages. Rien n'échappait à son oeil acéré, rien ne lui était étranger des maux de l'humanité en ces années 50-60. Elle trouvait d'instinct le cadrage juste, le détail qui racontait l'histoire d'une personne, un point de départ pour un voyage immobile. Celle qu'on a appelée par commodité ou sens du cliché "la nounou-photographe" ne quittait jamais son Rolleiflex (qui lui permettait une prise de vue discrète), et prenait des photos lorsqu'elle emmenait les enfants dans des quartiers excentrés, dans d'étranges périples...

D'autre part, Vivian était une personnalité complexe, pétrie d'obsessions mais aussi indépendante, courageuse ; elle a dû se construire quasiment seule, sans appuis, ses parents étant défaillants en tout, comme elle a dû prendre de nouveaux départs ou tournants plusieurs fois dans sa vie, quitter des lieux qu'elle aimait, où elle se sentait tranquille, en sécurité. Elle a connu des difficultés financières, qui peut-être lui facilitaient la lecture d'autres vies démolies, usées par le mode de vie américain. Elle est dans tous les cas restée un témoin majeur de son époque, il n'est que de rechercher ses photographies (quand on n'a pas eu la chance de les découvrir dans une exposition).

D'une certaine manière, Gaëlle Josse restitue bien la figure de la photographe, sa façon de travailler, même si je m'interroge sur ses choix narratifs. J'ai l'impression qu'aujourd'hui, on est perdu si on se lance au premier degré dans une biographie narrative au long cours. Pourtant, cette narration en éclats, si elle correspond en un sens aux techniques d'autoportraits de Vivian Maier, saisis dans des reflets, parcellisés, dissimulés, ou encore dans des ombres portées, dérobe plus qu'elle ne dévoile la vie de cette femme intègre, fidèle à elle-même. Cela va un peu trop loin, comme s'il fallait deviner Vivian à travers une vision expérimentale sensée peut-être mimer sa supposée schizophrénie.

Par ailleurs, je n'apprécie pas vraiment le récit au présent, j'aime la rondeur, l'envolée des temps passés. Je n'ai donc pas tout à fait été happée, emmenée par le récit, comme je le suis devant ses photos, toutefois l'auteure a le mérite de susciter la curiosité, de faire lever les interrogations, de donner envie de voir plus loin.
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Vivian Maier loin des clichés
En exhumant la vie de la photographe Vivian Maier, Gaëlle Josse réussit non seulement à retracer un parcours hors du commun, entre la France et l'Amérique, mais nous offre aussi une réflexion sur l'émigration et le rêve américain.

«La femme qu'on emmène dans un hurlement de sirène s'appelle Vivian Maier, elle aura quatre-vingt-trois ans le 1er février. Personne, ici, ne sait qui elle est. Une silhouette familière du quartier, une de celles qui semblent faire partie d'un lieu, comme un élément du décor, et un jour elles ne sont plus là. On se fait la remarque, on s'interroge un instant, et on oublie. Une vieille dame solitaire qui perd un peu la tête par moments. Qui se montre encore drôle, parfois, et sacrément têtue. 
Les seuls qui pourraient en dire quelque chose, ce sont John, Matthew et Lane Gensburg, les trois frères que cette femme âgée a élevés pendant dix-sept ans. Aujourd'hui, ce sont eux qui paient son loyer; ils lui ont trouvé ce logement lorsqu'ils l'ont découverte, quelques années plus tôt, dans l'indigence absolue, dans la détresse. Oui, leur ancienne nurse faisait les poubelles.
À sa sortie de l'hôpital, ils l'installeront dans une maison de repos pour qu'elle guérisse sans avoir à se soucier de rien. La chute, le choc à la tête, les médecins ont prévenu, vous savez, à cet âge-là, on ne peut rien dire. Nous ferons tout ce que nous pourrons. Pendant quatre mois, Vivian va errer, entre conscience et inconscience, dans cet état cotonneux, assourdi, où se dénoue doucement l'écheveau d'une vie et qui préfigure le grand sommeil. Puis ce 26 avril 2009. Elle ne verra pas ce printemps, cette reverdie qui s'épanouit derrière les fenêtres. La photo se brouille, devient floue. Illisible. C'est fini.» 
C'est avec la fin de Vivian Meier que Gaëlle Josse a choisi d'ouvrir son roman, à la fois parce que cette scène forte raconte le destin de la femme sur laquelle elle va se pencher et parce que le hasard veut qu'au moment où les frères John, Matthew et Lane Gensburg dispersent les cendres de leur «seconde maman», un homme fait l'acquisition de quelques milliers de clichés réalisés par la défunte et qui dormaient dans un garde-meubles.
L'acquéreur, à la recherche de photos d'un quartier de Chicago pour un livre, est déçu de son achat. Mais en fait John Maloof a entre les mains un trésor. Si les prises montrent surtout les immigrés, les afro-américains, les gens de rien, ils racontent aussi l'Amérique, comme les spécialistes ne tardent pas à s'en rendre compte. Des clichés superbes qui vont assurer une gloire posthume à celle dont le nom griffonné au dos d'un cliché mérite une place dans le panthéon des plus grands photographes.
Par l'intermédiaire de généalogistes engagés pour la circonstance, John Maloof va essayer de démêler le vrai du faux et refaire le parcours de Vivian et de ses parents et grands-parents depuis la France jusqu'aux États-Unis. «Il remonte aux sources. Il va retrouver des témoins, d'anciens employeurs et des enfants naguère élevés par Vivian, il part sur la piste de ses séjours en France, dans le Champsaur, ce territoire des Hautes-Alpes, le berceau familial de sa mère, où il rencontre des cousins de Vivian et offre au village une série de clichés qu'elle a pris là-bas.»
Une quête passionnante qui permet de découvrir une personne tout sauf lisse. Certains témoins la voient comme une femme désagréable et sévère, d'autres en font un portrait d'une mère de substitution, attentionnée et soucieuse de leur bien-être et de leur éducation. Ses rapports familiaux et avec la France sont de même nature. Ses allers et ces retours ne permettent pas une lecture claire de ses desseins. Reste un grand mystère: elle n'a jamais indiqué ce que l'on devait faire de ses milliers de clichés, de cette oeuvre magistrale.
Gaëlle Josse semble elle-même fascinée par l'artiste et dubitative sur la femme, même si la création, l'art doit sans doute toujours l'emporter. Son livre souligne à la fois le côté romanesque de la vie de Vivian Maier et remet en lumière une oeuvre que je vous invite à découvrir sans plus attendre sur vivianmaier.com


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J'attendais avec impatience son dernier roman. Chaque lecture est un voyage poétique dont l'anonyme devient personnage central ; l'invisible prend forme sous sa plume délicate. Gaëlle Josse revient avec » Une femme en contre-jour « publié en cette rentrée littéraire 2019 aux éditions Noir sur Blanc, dans la collection Notabilia. Un récit poignant et humble de la vie de la photographe Vivian Maier. C'est seulement après sa mort que son travail sera reconnu, par la main réparatrice du destin. Vivian Maier se révélera alors comme l'une des photographes les plus brillantes de la street photography. Et ce roman de Gaëlle Josse est un vibrant hommage à cette femme libre et audacieuse.
C'est par un pur hasard que le jeune John Maloof découvre un lot contenant des milliers de négatifs, ainsi que des pellicules non développées et quelques tirages, lors d'une vente aux enchères à Chicago en 2007. Agent immobilier de vingt-cinq ans, il ne connaît alors pas la valeur de son acquisition. Intuitif mais ignare, Maloof entreprend des recherches sur internet et questionne les réseaux sociaux pour connaître la qualité et la valeur de ces clichés. Il finit par comprendre qu'il tient quelque chose de rare, probablement unique.
Mais lorsqu'un avis de décès est publié en 2009 dans le Chicago Tribune, indiquant que Vivian Maier est décédée quelques jours plus tôt, à l'âge de quatre-vingt-trois ans, John Maloof a la sensation d'un rendez-vous manqué. Il a alors l'incroyable idée de lui redonner vie, à travers son oeuvre.
p. 16 : » John Maloof va en effet inventer Vivian Maier. La révéler, au sens photographique du terme. Naissance et résurrection d'une artiste de génie. Naissance d'une énigme. «
Malgré l'indifférence initiale du monde artistique, John Maloof organise une première exposition de ses clichés au Centre culturel de Chicago, en partie financée par ses ventes sur eBay. C'est un succès planétaire, la reconnaissance d'une artiste inconnue jusqu'alors. En collaboration avec Charlie Siskel, l'agent immobilier produit un documentaire : » À la recherche de Vivian Maier « .
p. 19 : » Sa surexposition posthume est aussi brillante que sa vie fut obscure. «
Il est indéniable que pour pénétrer et comprendre les oeuvres de Vivian Maier il faut avant tout connaître sa vie. le temps des origines…
Vivian Maier est née dans le Bronx aux Etats-Unis en 1926. D'un père austro-hongrois et d'une mère française. de cette union né tout d'abord un garçon, Carl. Mais la mésentente entre les parents s'intensifie, dans l'alcoolisme et la violence, et sur fond de difficultés financières. C'est alors que Vivian vient au monde, alors que son frère sera placé en foyer peu de temps après. Toute son enfance n'est que négligences et mensonges. Triste héritage de trois générations de femmes au parcours chahuté.
p. 49 : » Elle a l'énergie de ceux qui n'attendent rien, qui n'ont rien reçu en héritage. «
Dans cette enfance difficile, elle fera néanmoins une rencontre décisive, une amie de sa mère, la célèbre photographe Jeanne Bertrand.
p. 35 : » Rien ne saurait mieux lier deux vies que de semblables secrets, de semblables blessures. «
On imagine que c'est par elle que le virus de la photographie a transité, pour devenir rapidement omniprésente.
p. 54 : » La photo est déjà au coeur de sa vie. C'est son oeil, sa respiration, son toucher, sa façon d'être. «
Rapidement livrée à elle-même, elle devient gouvernante pour enfants, seul moyen, estime-t-elle, de pratiquer quotidiennement sa passion, tout en subvenant à ses besoins, aussi minimes soient-ils. Ainsi, elle fera l'acquisition de son premier appareil, un Rolleiflex. Elle profitera alors de chaque instant libre pour arpenter les rues, son Rolleiflex au cou, portant un regard aiguisé sur l'humain dans la ville et laissant des portraits saisissants. Elle utilisera même sa propre salle de bains pour y établir son laboratoire de développement de clichés.
p. 59 : » Son travail se focalise sur les visages, le portrait, et sur les exclus, les pauvres, les abandonnés du rêve américain, les travailleurs harassés, les infirmes, les femmes épuisées, les enfants mal débarbouillés, les sans domicile fixe. «
Vivian Maier est une femme audacieuse, à l'esprit libre et à la conscience sociale aiguë. Toutes les détresses trouveront refuge dans son objectif.
Mais les témoignages sont nombreux sur l'ambivalence de cette nourrice photographe.
p. 72 : » Ouverture sur le monde et obsession du secret, deux mouvements contradictoires, deux extrêmes d'un balancier. «
En plus de son immense talent, le mystère autour de cette femme créé sa légende, ou du moins l'amplifie.
Gaëlle Josse retrace dans ce roman, une vie en pointillés, avec toute la difficulté de rapporter une vie qui n'est plus, et dont les témoignages sont rares. J'ai retrouvé la qualité incomparable de l'écriture et la sensibilité à fleur de plume de l'auteure ! Un lien unit Gaëlle Josse à Vivian Maier. Si l'une figeait les portraits dans des clichés, l'auteure en dessine les contours dans des histoires singulières et poignantes. D'où cette intime confession en fin d'ouvrage…
p. 91 : » Les visages. Je suis, comme Vivian Maier, fascinée, obsédée par les visages. «
Lien : https://missbook85.wordpress..
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Il y a beaucoup de si dans le destin de Vivian Maier, qu'on a découvert dans le beau documentaire de Charlie Siskel et John Maloof il y a quelques années.

Nounou anonyme née à New York, Vivian Maier réalisa plus de 100 000 clichés tout au long de sa vie, qu'elle conserva cachés. C'est en 2007 que John Maloof découvre son travail, qu'il n'a cessé de mettre en lumière depuis avant que Vivian Maier ne soit aujourd'hui exposée partout dans le monde...

Il y avait dans ce film beaucoup de questions et beaucoup moins de réponses dans la destinée de l'artiste .

De son enfance sans amour et sans repères à la découverte fortuite de ses photos par un agent immobilier, il y a une telle dose de romanesque dans la vie de Vivian Maier qu'écrire sur elle pouvait être casse gueule.

Mais c était sans compter la si belle plume et la finesse d'analyse de Gaelle Josse. qu'on avait déjà tant aimé dans son précédent roman," une longue impatience. "

Les super pouvoirs d'une femme à contre jour ? :

Éviter les clichés et l'hagiographie face à une femme si complexe et peu ordinaire.

Éveiller la curiosité sur cette photographe dont j avais vu passer le nom et aller voir ses photos saisissantes d'humanité puis noter le documentaire à son sujet.

Montrer qu'on peut avoir un immense talent et rester inconnue (et être célèbre sans talent particulier).

Si vous ne lisez pas ce roman, allez voir au moins ses photos d' anonymes sur le site internet qui lui a été consacré. Elles saisissent un instant, une émotion avec une telle justesse qu'on a du mal à croire que l'oeuvre de Vivian Maier soit restée totalement dans l'ombre de son vivant.

Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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