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Soit d'une exubérance folle mais incompréhensible avec Ulysse, soit d'une grande accessibilité mais d'un classicisme plus ennuyeux avec ce Portrait de l'artiste en jeune homme, James Joyce n'a pas encore réussi à trouver l'équilibre qui saura me convertir à son art littéraire.

Cela commençait pourtant bien :


« Il était une fois, et c'était une très bonne fois, une meuh-meuh qui descendait le long de la route, et cette meuh-meuh qui descendait le long de la route rencontra un mignon petit garçon nommé bébé-coucouche… »


Mais la narration ne continue pas sur ce ton-là –et si elle l'avait fait, elle aurait d'ailleurs certainement fini par devenir épuisante.


Le parcours de Stephen est vraisemblablement inspiré de celui de James Joyce. En daignant s'observer, le personnage nous livre surtout un bilan précoce de ce qu'il pense ensuite devenir. La religion prend une place importante dans ses réflexions mais elle est évoquée d'après des enjeux existentiels qui les rendent aujourd'hui obsolètes. de même, le récit de l'éducation de Stephen chez les jésuites a peut-être une valeur de témoignage intéressante mais ne sait pas captiver par elle-même. Quoiqu'il en soit, James Joyce ne s'éloigne pas des préoccupations communes à l'humanité. Quel que soit le système de valeurs en vigueur à un moment et à un lieu donnés, les crises existentielles se manifestent presque toujours sous une forme identique et drainent les mêmes questions : comment donner du sens à sa vie ? que faire de ce matériau offert à la naissance ? …


« Il n'avait pas envie de jouer. Il avait envie de rencontrer, dans le monde réel, l'image insubstantielle que son âme contemplait avec une telle constance. Il ne savait où la chercher ni comment, mais une prescience le conduisait, lui disait que cette image viendrait à sa rencontre, sans aucun acte déclaré de sa part. »


Peu à peu, Stephen confronte ses interrogations à la réalité et voit apparaître une sorte de réponse construite sur les bases sémantiques et culturelles de son environnement :


« Cette notion du sens divin de la nature entière, accordée à son âme, état si absolue et si indiscutable qu'il ne comprenait guère pourquoi il était nécessaire le moins du monde qu'il continuât de vivre. Cependant, cela faisait partie des desseins de Dieu, et il n'osait en mettre l'utilité en question, lui surtout qui avait péché si gravement, si ignoblement contre ces desseins. »


Mais Stephen ne peut pas consacrer sa vie à la fonction ecclésiaste et lorsqu'il cherche une autre voie à sa réalisation personnelle, il penche vers l'esthétique, entre conformité à son éducation jésuite et rébellion –car l'art autorise des prises de position controversées. Cette prise de conscience ne se produit qu'au cours de la dernière partie du livre et ouvre lieu à des discussions vivantes et intéressantes autour de la question de l'esthétique en général et du beau en particulier. Au-delà de ces pages édifiantes, le Portrait d'un artiste en jeune homme ne constitue pas une lecture extraordinaire mais explique peut-être comment James Joyce en est venu à écrire un Ulysse érudit et au langage si personnel.
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PORTRAIT DE L'ARTISTE EN JEUNE HOMME de JAMES JOYCE
On suit l'enfance de Stephen Dedalus qui a sans doute beaucoup à voir avec Joyce lui même. On le découvre à l'école primaire, impressionné et maltraité par les autres, ayant hâte d'être chez les grands. On est à Clongowes, Irlande, dans un environnement très religieux très présent, limite superstition. Stephen est pensionnaire à l'année, retour pour noël. Quand il retrouve ses parents, son oncle et sa tante les discussions sont souvent politiques ou religieuses, le rôle de l'église dans l'assujettissement de l'Irlande, les trahisons et les lâchetés des uns et des autres. A l'école les sévices corporels sont nombreux et souvent injustifiés, Stephen s'interroge car ce sont les prêtres qui pratiquent ces punitions. Très souvent la famille doit déménager, ils sont expulsés par les propriétaires, il réalise qu'il y a des problèmes financiers, voit son père boire trop et le croise en ville avec des filles. Il termine ses études à Belvédère Collège, brille dans ses études, s'interroge sur sa foi, le directeur évoque les franciscains ou les dominicains.
Joyce nous propose un récit qui va alternativement de la petite enfance à la grande adolescence, on trouve l'amorce dans certains passages de ce que sera Ulysse tout en restant totalement lisible et compréhensible. Son Stephen est tiraillé entre le religieux et le profane, il a souvent l'impression que les sermons s'adressent directement à lui avant d'aller traîner dans les quartier des prostituées.
Passionnant pour qui s'intéresse à Joyce.
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James Joyce est généralement reconnu comme un grand écrivain… mais souvent obscur. Ce roman quasiment autobiographique fait mentir cette réputation. On le lit sans difficultés et on n'a pas à y chercher des arrière-pensées littéraires compliquées. Stephen Dedalus, un personnage que l'auteur a fait apparaitre dans plusieurs de ses livres, est clairement un alter ego de Joyce. Dans ce "Portrait", on voit un garçon (fréquentant d'abord un collège) devenir un jeune adulte. Tout est intelligible dans ce parcours. Tout sonne authentiquement. Mais Joyce nous introduit dans une époque et un pays qui nous semblent très éloignés. L'Irlande de la fin du XIXème siècle essaie d'entrer dans l'ère moderne, mais elle reste encore très archaïque. L'emprise de l'Eglise catholique est lourde. Elle est particulièrement sensible à l'intérieur de l'école religieuse où étudie le jeune Stephen D. Les discours - à la fois lénifiants et terrifiants - des prédicateurs paraissent presque incroyables. le jeune garçon est très fortement influencé par cette pression. En outre, l'Eire subit encore la loi britannique, suscitant de graves divisions entre les Irlandais eux-mêmes (encore maintenant, il en reste de forts reliquats en Ulster).

Le roman nous décrit le chemin de Stephen (alias James) vers la maturité. Dans le premier chapitre, une scène remarquable le montre quand il fait valoir sa bonne foi, après une punition donnée par un implacable préfet des études. Puis, devenu adolescent, il est travaillé à la fois par le démon de la chair et par les prescriptions de l'Eglise. Il mettra beaucoup de temps à s'affranchir des contraintes inacceptables. Dans cette démarche, il est foncièrement honnête. Par exemple il explique à un de ses amis: « Tu m'as demandé ce que je ferais et ce que je ne ferais pas. Je vais te dire ce que je veux faire et ce que je ne veux pas faire. Je ne veux pas servir ce à quoi je ne crois plus, que cela soit mon foyer, ma patrie ou mon Eglise. Et je veux m'exprimer, sous quelque forme d'existence ou d'art, aussi librement et aussi complètement que possible en usant pour ma défense des seules armes que je m'autorise à employer: le silence, l'exil et la ruse ».(p. 353). Cette ambition est emblématique du parcours de l'écrivain.

Il y a donc une coexistence entre une évidente authenticité (soulignée par les très nombreuses notes, rassemblées à la fin du livre, qui se réfèrent au vécu personnel de Joyce) et l'impression d'étrangeté que j'ai mentionnée plus haut; ça peut surprendre. Mais, en fait, ceci en fait un roman d'un très grand intérêt.
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Le « Portrait de l'artiste en jeune homme » se propose de peindre un être hors du commun évoluant dans un réalisme quotidien.
Ce roman à caractère autobiographique met en scène, Stephen Dedalus, qui n'est d'autre que l'alter-ego de James Joyce lui-même. le processus qui y est décrit montre notre héros dans la continuité de sa vie : de l'époque de son enfance jusqu'à l'aube de sa vie adulte à travers des événements cruciaux de son existence.
L'oeuvre évoque les tentatives de son père pour se décharger sur lui de ses responsabilités, les efforts des jésuites pour le convertir à leur idéologie, ou encore les pressions des nationalistes qui entendent le convaincre de la validité de leurs solutions politiques et artistiques, etc.
Mais cet itinéraire est porteur d'une leçon : il convient, pour se réaliser (atteindre la pleine maturité et la conscience de soi),de ne pas céder aux conventions, et d'opposer la résistance à la soumission.
Et pour Dedalus (Joyce), cette résistance se trouve dans le langage : le livre est le portrait d'un homme angoissé et renfermé dont le seul moyen de communiquer avec les autres passe par la littérature, les mots. Plus précisément, Joyce nous montre comment l'identité profonde du créateur se trouve dans les mots, dans les souvenirs verbaux issus de l'enfance.
Ainsi, la place qu'il accorde à l'inconscient est très importante. Les rêves et désirs sont, également, des thèmes essentiels dans le roman. Par extension, cette dimension du langage va s'affirmer, plus amplement et largement, dans Ulysse.
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Ce n'est pas le chef d'oeuvre de Joyce, et pourtant c'est déjà un livre époustouflant sur l'éveil à la vie d'un garçon irlandais. Stephen Dedalus, le héros, n'est, au début du roman, ni un artiste ni un jeune homme, mais le petit garçon d'une famille aimante et aisée. Stephen, dans les deux premiers chapitres (il y en a cinq en tout) devient interne dans un collège, est un bon élève, attend les vacances avec impatience, connait des humiliations, etc. J'ai trouvé que Joyce avait très bien réussi à reproduire la vie de l'enfance, avec son incompréhension du monde, ses interrogations toutes fraîches, sa parfaite innocence. Stephen ne comprend pas les tenants et aboutissants du monde adulte et pourtant il éprouve un fort désir d'y accéder rapidement.
Et c'est l'assouvissement de ce désir auquel on assiste dans les chapitres trois et quatre. Stephen découvre donc la sexualité d'une manière assez furieuse, semble-t-il, avec des prostituées. Ces deux chapitres contiennent en grande partie des réflexions religieuses car Stephen est encore très croyant et plein de remords. le troisième chapitre - assez ennuyeux à lire bien que recelant des images fantastiques - montre comment les religieux pouvaient ramener les brebis égarées dans le troupeau ou, autrement dit, comment ils bourraient le crâne des croyants avec des histoires superstitieuses et effrayantes sur l'enfer.
Si Stephen abandonne sa vie luxurieuse, il ne revient pas tout à fait dans le giron de l'Eglise, quelque chose s'est brisé et il finit par comprendre qu'il n'a pas de vocation religieuse mais qu'il doit se consacrer à la poésie. C'est ce qu'il expose dans le cinquième chapitre. L'argot irlandais se mêle au latin, des théories esthétiques côtoient des dialogues scabreux, un morceau de journal intime succède à des descriptions splendides. Mais l'apothéose, ou l'apostasie raisonnée, est dans le dernier dialogue entre Stephen et son ami Cranly. Ce dialogue n'a rien à envier à la psychanalyse ou à la théologie et justifie tout le roman. Un roman sur la religion catholique, sur la politique irlandaise, sur l'art, sur le souvenir (tout est souvenir, échos de souvenirs, plus ou moins bruts ou narrés), sur la jeunesse de Joyce, sa vocation d'écrivain et bien d'autres choses
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En matière d'auto-biographie, c'est très différent des Mots de Sartre par exemple. Ici le récit donne un impression de désordre. Il respecte la chronologie habituelle, mais les idées s'enchaînent par rapport à des détails. Il y a très peu de découpage du texte à travers les chapitres, ce qui accentue l'impression d'un rêve raconté. Il y a beaucoup de noms, de souvenirs non-développés, comme si le lecteur n'était pas concerné. La dimension poétique n'est pas absente, même si le texte est en prose, par exemple par les parallèles non-fonctionnels, il nous ballade dans sa rêverie. L'auteur est aussi plus modeste que Sartre, ou en donne l'impression. Ici on pourrait presque parfois le comparer à un roman d'apprentissage. Alors que Sartre voyait tout, depuis le départ, avec un regard d'adulte. Il disserte parfois sur des thèmes abstraits, mais ce n'est pas de l'érudition-massue. très bien.
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Une définition de l'esprit artistique, selon Joyce.
.
Sept pages seulement dans l'édition Pléiade entre mes mains. Est-ce juste un extrait ???
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Comme le titre le suggère, il s'agit d'un récit des jeunes années du célèbre écrivain irlandais. Stephen Dedalus, que l'on suit de l'enfance à l'aube de l'âge adulte, découvre à travers le regard des autres et grâce à sa propre introspection ce qui sera son destin : celui d'un homme seul, qui se sent différent des autres et ne parvient guère à communiquer autrement que par la littérature et l'érudition. Son angoisse existentielle, fortement imprégnée d'interdits religieux, acquis grâce à une scolarité complète chez les jésuites puis au Trinity College de Dublin, est faite de culpabilité. le conflit entre son caractère rebelle et les modèles prônés par les "bons" pères en charge de son éducation en ont fait un être renfermé, dégoûté de lui-même et de son désir de vivre. Ce récit au pessimisme sublimé par l'écriture, jaillissante d'inventions de toutes sortes (collages de chansons populaires, de citations, report de mille et un faits d'observation courante), rappelle "Mort à crédit" (Louis-Ferdinand Céline) et l'on a vite fait de rapprocher ces deux écrivains, aux destins et aux idées pourtant fort différents. le regard de James Joyce est attentif à tout ce qui fait la richesse du petit peuple de Dublin, dont il observe et nous rapporte les faits et gestes quotidiens (voir aussi "Gens de Dublin", du même auteur). On entre plus facilement dans cette oeuvre de jeunesse, dont le récit reste linéaire, que dans celles de la maturité, comme "Ulysse", dont l'aspect kaléidoscopique peut rebuter le lecteur non averti. Reste qu'il faut, pour apprécier "Portrait de l'artiste en jeune homme", avoir une certaine culture religieuse (catholique romaine) et avoir effectué des études classiques, les nombreuses citations latines qui émaillent le récit échappant sans doute à la plupart des lecteurs actuels, ce qui est malheureusement mon cas...
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Préfiguration d'Ulysse, en ce sens qu'il met déjà en scène Stephen Dedalus, sorte de double de Joyce plus jeune, ce portrait de l'artiste, titre ô combien ironique, commence par l'enfance et l'apprentissage du langage, l'adolescence et ses turpitudes sexuelles vite réprimées par la peur d'aller en enfer, la volonté de rester 'pur', crise mystique qui le mène presque à la prêtrise et enfin la révolte contre une religion qui l'a oppressé chez les pères jésuites et le début de l'écrivain qui observe ce qui l'entoure avec force détails que ce soit la nature ou l'humaine condition
C'est aussi le début pour le Joyce jeune de l'élaboration d'un style qui fera sa réputation, le monologue intérieur. Mais on trouve aussi des dialogues philosophiques à la Platon ou encore des extraits de poèmes et de journal intime.
Mais ce qui m'a le plus marqué dans ce roman est la description minutieuse et effrayante que le père jésuite fait de l'enfer, une espèce d'espace moyenâgeux avec tourments divers. Joyce réussit à faire sourire le lecteur tant ce genre de délire relève plus du fantastique et du film gothique très flamboyant.
Je suis donc revenu à "Portrait de l'artiste" après avoir lu Ulysse mais ça se faire dans les deux sens.
Un roman essentiel pour entrer dans l'univers joycien.
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Si je n'ai pas eu de mal à entrer dans le récit, j'ai eu beaucoup de mal, par la suite, à résister pour ne pas abandonner ma lecture tant je me suis ennuyée... J'ai fini ce roman en diagonale, malgré un roman tout de même riche en événements, les références bibliques, les références politiques, la vie en Irlande en cette fin de XIXe siècle. On suit un jeune homme de son enfance à sa vie d'étudiant, et son essor artistique. Mais on passe d'un sujet à un autre, on y revient un tant soit peu, l'auteur survole, n'approfondit pas, n'analyse pas, n'intensifie pas, le lecteur reste sur la touche. Je suis déçue d'être déçue, c'est James Joyce tout de même...
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