Frédérica Hauffe, communément appelée la voyante de Prevorst, dont le père remplissait les fonctions de garde-chasse du district forestier, avait été élevée, par une conséquence naturelle de l’isolement de la localité, dans le plus grand état de simplicité et d’ingénuité. Dans l’air vif de la montagne, endurcie par les longs hivers qui y règnent souvent ; n’étant amollie ni par les chauds vêtements, ni par les lits moelleux, elle devint une joyeuse enfant aux vives couleurs. Tandis que ses soeurs, dont l’éducation fut la même, étaient dès leur première enfance, atteintes de la goutte, rien de semblable ne fut observé chez elle. Mais comme contrepartie à cette immunité, on lui découvrit à un âge encore très peu avancé une faculté, qui n’était que trop incontestable, d’anticipation supranaturelle ou de pressentiment, qui se manifestait surtout sous forme de songes prophétiques. Si elle avait subi des reproches, éprouvé des ennuis, ou si d’une façon quelconque son esprit était irrité ou ses sentiments blessés, elle était constamment, pendant le repos de la nuit, conduite dans ces profondes retraites dans lesquelles elle était visitée par des visions instructives, prémonitoires ou prophétiques.
Dans l’état magnétique le plus évident et le plus profond, il n’existe pas de sens de la vue, de l’ouïe, du toucher ; ils sont remplacés par quelque chose de plus parfait que tous les trois réunis, par une faculté de perception infaillible, qui nous permet de pénétrer le plus sûrement au fond de notre propre vie et de la nature. Plus l’homme reste simple et près de la nature dans son état normal, plus son esprit se trouve dégagé de l’âme et du corps ; plus aussi il peut pénétrer profondément dans la connaissance de lui-même.