Roman très spécial sur lequel il est vraiment difficile de se fonder un avis…
Je précise ici que je n'ai jamais rien lu de
Joseph Kessel, et que
Belle de jour résonnait chez moi davantage comme un film que comme un livre, tant le film avec
Catherine Deneuve a été connu et critiqué.
Belle de jour retrace l'histoire d'une femme, Sévérine, qui a l'âge de huit ans a subi des attouchements sexuels. Ce détail – essentiel probablement – est donné dans le prologue du livre, au premier paragraphe, mais de façon très furtive et sans aucun détail. de ce drame, Sévérine ne se souvient de rien.
Des années et des années plus tard, Séverine est mariée à Pierre, qu'elle aime profondément et très tendrement. Mais l'exercice de « chair » – comme dirait
Kessel -l'ennuie, elle n'y prend jamais aucun plaisir. Un jour, elle apprendra que l'une de ses connaissances traîne dans une « maison de rendez-vous » ; Médusée, attirée et sans savoir pourquoi, Sévérine suivra ce même itinéraire, c'est-à-dire le passage à la prostitution. C'est dans la soumission extrême qu'elle finira par prendre du plaisir. Pour l'intrigue en tant que telle, je ne dirai plus rien, à vous de lire le livre.
Le sujet m'intriguait pas mal : l'idée de voir une bourgeoise naïve et prude s'encanailler dans des sortes de maisons closes était originale, bien que Sévérine ne s'encanaille jamais, elle reste cette femme froide et détachée. Pourtant, le livre ne m'a pas plu du tout, mais alors pas du tout. D'abord, j'ai trouvé que ce qu'annonce
Joseph Kessel dans son prologue n'est pas ce que j'ai trouvé dans le livre. En effet, l'auteur dit :
« Certains m'accusèrent de licence inutile, voire de pornographie. On ne trouvera rien à leur répondre. [...] En abordant le sujet que j'avais choisi, je savais quel risque je courais. Mais le roman achevé, je n'ai pas eu le sentiment qu'on pût se méprendre sur le dessein de l'auteur. [...] Ce que j'ai tenté avec
Belle de Jour, c'est de montrer le divorce terrible entre le coeur et la chair, entre un vrai, immense et tendre amour et l'exigence implacable des sens. Ce conflit, à quelques rares exceptions près, chaque homme, chaque femme qui aime longtemps, le porte en soi. [...] le sujet de
Belle de Jour n'est pas l'aberration sensuelle de Séverine, c'est son amour pour Pierre indépendant de cette aberration et c'est la tragédie de cet amour. »
Je n'ai pas du tout trouvé cela au fur et à mesure des pages. Je n'ai pas vu une femme tourmentée entre son amour pour son mari et une envie profonde de jouir. J'y ai vu une femme très amoureuse de son mari, certes, mais pas pour autant heureuse ou contente ou même clairement attirée par l'idée du plaisir. Sévérine apparaît froide, sans caractère ou sans joie, sans idée, recul ou cheminement, sans vraiment d'humanité. A aucun moment l'on perçoit qu'elle y gagne à devenir
Belle de jour, bien qu'elle y gagne forcément puisqu'elle continue de le faire.
On peut alors se dire qu'elle cherche dans la prostitution quelque chose qui serait liée au viol qu'elle a subi petite fille. Hypothèse grandement envisageable. Seulement
Joseph Kessel sabre aussi cette piste de compréhension dans ce même prologue, en disant que nombre de psychologues et psychiatres lui ont écrit pour cerner le personnage de Sévérine, et qu'ils n'ont tous rien compris car les actions de Sévérine ne sont pas le résultat d'un processus psychique. Bon ben okay, donc je ne vois pas plus trop l'intérêt du coup du viol de départ, car le lecteur construit forcément un pont entre la violence d'un viol et ce que peut être la violence de la prostitution.
Qui plus est, je n'ai pas du tout aimé le style d'écriture : phrases longues, qui en disent beaucoup sans ne rien amener, descriptions qui veulent présenter le personnage principal mais qui dans le fond nous en éloignent…
Enfin, je suis déçue car dans le fond, le but annoncé n'est pas du tout servi. Probablement que l'immense majorité des couples traverse dans leur vie des moments où l'un des deux – voire les deux – est tiraillé par le plaisir de la chair avec une autre personne que celle aimée. Or, le cas de Séverine n'est pas à ce titre emblématique, puisqu'elle a un passif lourd, remontant à l'enfance, de la sexualité, ce qui j'espère n'est pas la norme pour une majorité de femmes. le cas de Séverine reste un cas particulier, qu'on le veuille ou non, d'une femme qui a subi une violence sexuelle bien trop jeune pour en avoir une conscience nette.
Bref,
Belle de jour m'a dérangée mais pas là où je l'attendais. le livre m'a dérangé car dans le fond il traite le sujet d'une femme à l'origine victime en essayant de faire comme si cela n'avait pas plus d'importance que cela et qu'au final, tout le monde est confronté à un choix entre l'amour et la chair.
Non vraiment, ce n'était pas pour moi.
Jo la Frite
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