Joseph Kariuki
Viens mon amour
Viens mon amour, loin des rues
où des yeux hostiles nous divisent,
et où les vitrines reflètent nos différences.
Repose à l’abri de ma chambre fidèle.
Là, hors d’atteinte des propos laissés
derrière moi, je ne puis ne voir que toi
et dans mes yeux noirs tes yeux gris
vont se dissoudre,
La lumière des bougies projette
deux ombres noires sur le mur
et puis une, quand je me rapproche de toi
Lorsque enfin, s’éteignent les lumières
et que je sens ta main dans la mienne
deux souffles humains se rejoignent
et le piano tisse
Son incomparable harmonie.
Le temps d'Afrique - Notre chef de village portait une inutile et onéreuse montre-bracelet en or - il ne croyait pas qu'on pût emprisonner le temps dans une petite boite métallique (« le temps des blancs ») qu'il avait reçue de l'administration et qu'il dédaignait, méprisait, simple parure qui lui étranglait le poignet, en continuant à lire l'heure au soleil à l'instar de nos ancêtres, avec une inflexion du cou sur l'épaule gauche, l’œil rapetissé, canaille, comme s'il eût regardé par le trou d'une serrure, et répétant à qui voulait l'entendre que seuls le ciel, la mer et la forêt étaient assez vastes pour contenir son temps à lui.
2007 - [MS 129, p. 221] Ferdinand Oyono
LILYAN KESTELOOT : PROPOS SUR LA LITTÉRATURE AFRICAINE