Je retrouve une nouvelle fois avec le plus grand plaisir une oeuvre des éditions
Bruno Doucey.
Je me suis encore une fois fait cueillir par la présence du texte en langue originale. Non pas que je parle ni déchiffre le coréen, mais de ces signes naît déjà le voyage ; des sons, des lumières, une atmosphère - réminiscences cinématographiques.
Le premier texte de chacun des onze poètes et poétesses est proposé dans ces signes énigmatiques, et cela m'a à chaque fois plongée dans une observation, telle une peinture, à l'affut des motifs qui se répètent, parfois par grappes - laissant deviner des rimes et échos sonores qui ne peuvent le plus souvent pas franchir la barrière de la traduction.
Aiguillonée par l'amour des langues et la soif de comprendre, je n'ai pu m'empêcher de consulter la bible de Jean Sellier, Une histoire des langues et des peuples qui les parlent, pour approcher les mystères de ces traits complexes et des lois qui les régissent - passionnant.
Autre point précieux de cette maison d'édition, les notices biographiques des auteur.es en fin d'ouvrage, encore une fois brillamment rédigées, donnant quelques clés ou au moins quelques indices sur le profil de chacun.e (biographie, études, thématiques, style), fort appréciable pour des textes d'une culture aussi éloignée de ce que je connais.
De fait, je dois avouer que j'ai très souvent pensé "il y a quelque chose qui m'échappe". Ce n'est pas rare quand je lis de la poésie, mais ici j'ai été régulièrement déstabilisée par des associations ou enchaînements d'idées ou de construction, des parallélismes, me laissant assez extérieure, me donnant un fort sentiment d'étrangeté, ne parvenant pas à faire de liens.
Cela dit, certaines de ses images ou constructions m'ont tout de même plu, parfois seulement par bribes. J'ai beaucoup aimé la sensibilité à la nature, à l'altération voire l'absence de frontières entre les êtres vivants, entre les âges voire les vies de l'humain. J'ai été subjuguée par plusieurs des poèmes de Moon Tae-Jun, d'inspiration totalement bouddhiste - j'adorerais lire ces recueils, malheureusement non traduits en français ; éditions
Bruno Doucey, si jamais vous me lisez ;-D. D'autres ont des références plus occidentales et internationales dans les thèmes (références à l'Amérique latine, à la Russie, à de grands auteurs de la littérature classique européenne, à la guerre en Syrie et à la situation israélo-palestinienne) mais un regard ou un style qui reste original.
Des plaisirs de lecture variés au final, mais un panorama très intéressant de l'art poétique et de la sensibilité des poètes et poétesses de ce pays lointain et relativement exotique.
Un travail remarquable de
Kim Hyun-ja qui a effectué les choix des auteur.es, des textes et les traductions : un grand merci ! Et même si le coup de coeur n'est pas total, l'expérience de lecture a été riche et fructueuse, et cette opportunité me semble inestimable.