Mon premier
Stephen King. Des années que j'attends ce moment, que je (presque) fantasme sur ce qu'il adviendra quand je tournerai la dernière page. Des années qu'on m'en parle enfin, qu'on me promet un tête-à-tête inoubliable, spécial, un tournant majeur dans ma carrière de lectrice.
Sans doute n'aurais-je pas dû différer autant ma rencontre avec cet auteur, me laissant ainsi tout le loisir de l'idéaliser au gré des critiques plus élogieuses les unes que les autres et donc, fatalement, me condamnant à la déception. Oui car, vous l'aurez sans doute compris, ce ne fut malheureusement pas le coup de foudre escompté.
C'est donc avec une certaine confusion que je vous livre cette chronique d'un rendez-vous manqué avec le maître de l'angoisse.
Jessie questionne l'instinct de conservation : jusqu'où est-on prêt à aller, physiquement comme moralement, pour survivre ? Suite à une escapade coquine qui va littéralement virer au cauchemar, l'héroïne se retrouve en effet livrée à elle-même – puisque menottée aux montants d'un lit – et en proie à ses vieux démons.
Stephen King explore donc, au gré d'un soliloque intérieur, les méandres de l'inconscient.
Afin de rendre cette descente aux enfers – qui commence d'ailleurs bien plus tôt qu'on ne l'imagine et semble découler de ce qu'on appelle plus communément l'effet papillon – plausible, l'auteur opte pour un rythme non pas effréné mais lent, presque apathique. Choix on ne peut plus judicieux puisque
Stephen King parvient à faire coïncider le temps de la narration avec celui de nos montres et ainsi à accroître la tension psychologique.
Cette concomitance temporelle exacerbe également l'intensité dramatique. Cette dernière est d'ailleurs renforcée par la plume éminemment descriptive de
Stephen King qui confère un hyperréalisme opportun, quasi synesthésique, au récit. On imagine ainsi parfaitement les décors, on perçoit la puanteur du cadavre de Gerald, on entend le claquement incessant de la porte au gré de la brise... Jamais superflus, les détails servent une atmosphère générale à la fois obsédante et oppressante.
Ce rationalisme forcené mène toutefois, à mon grand dam, à une clarification systématique des visions qui assaillent
Jessie, clarification qui n'était pas, à mon sens, nécessaire et qui a complètement annihilé mon plaisir. Il aurait été plus judicieux selon moi de ne pas trancher – sont-elles le reflet de la réalité ou le fruit de son imagination ? – et ainsi, de laisser le lecteur se faire sa propre opinion sur le caractère hallucinatoire ou non de la présence que ressent
Jessie.
Ma lecture a par ailleurs été extrêmement refroidie par les séquences gores sur lesquelles l'auteur insiste tout particulièrement et que pour ma part je juge sans grand intérêt. Ces passages n'inspirent en effet aucune terreur mais simplement un profond dégoût qui certes, peut à titre ponctuel servir l'intrigue mais certainement pas lorsqu'il se déploie sur près de quatre cents pages. La surenchère macabre est ici d'autant plus inutile que les thèmes abordés (pédophilie, nécrophilie) m'apparaissent déjà suffisamment lourds.
Enfin j'ai maudit les voix intérieures qui accompagnent
Jessie tout au long de son calvaire. J'ai en effet trouvé cette polyphonie harassante et les voix qui la constituent (Ruth, Nora, Bobonne) agaçantes – je n'ai jamais eu affaire à autant de "ma cocotte" et à ce jour j'ignore si c'est de la fainéantise de la part des traductrices françaises ou une réelle redondance de la part de l'auteur – et pour le moins stéréotypées. Ce recours incessant a donc fini par me rendre insensible au sort de
Jessie et sans doute, indirectement, aux qualités indéniables de ce livre.
En résumé, un huis clos plus oppressant et gore que terrifiant, au réalisme remarquable et éminemment réussi d'un point de vue psychologique mais qui, à terme, s'enlise dans un monologue intérieur interminable, lui-même galvaudé par l'insupportable symphonie des voix intérieures de
Jessie et une fin éminemment bâclée.
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