Jessie est dans une situation "inconfortable" : pour faire plaisi
r à Gérald, son avocat de mari, elle s'est laissée menotter aux montants du lit. Gerald gît part terre, victime d'une crise cardiaque. Et
Jessie est coincée, seule, dans leur maison isolée au bord du lac...Autant dire que l'escapade coquine s'est transformée en cauchemar !
Ce roman, c'est à peine plus de 24h d'angoisse, de recherches fébriles d'un moyen de se libérer, des heures d'introspection et de souvenirs qui affleurent.
Jessie fait face non seulement à sa situation qui semble désespérée, mais aussi à son passé qu'elle avait soigneusement cadenassé.
Le personnage de
Jessie ne m'a pas plu, j'ai eu du mal à m'apitoyer sur son sort. Elle se comporte au début du roman comme une petite fille capricieuse, qui a l'habitude d'obtenir ce qu'elle veut, elle se laisse porter mais râle sans cesse.
Jessie s'ennuie au lit, les petits jeux de domination de son mari ne l'excitent plus autant et le regard qu'elle porte sur Gerald est désenchanté. Malgré tout, c'est elle qui a prévu cette escapade, elle qui se laisse menotter...et qui soudain change d'idée, elle ne veut plus, frappe Gerald et...zut...sans doute trop fort, il est mort... Ça l'attriste un peu, mais soyons honnête, l'inconfort de sa situation passe avant tout.
Plus on avance dans le roman, plus le comportement de
Jessie, son manque apparent d'empathie, son détachement, prend sens :
Jessie porte un secret depuis ses dix ans, comme une sale petite croix honteuse. Elle pense être responsable de quelque chose qu'on lui a fait subir, et à laquelle elle ne veut absolument pas penser. Elle a éloigné d'elle le peu de personnes qui ont essayé de l'aider, est-ce si étonnant qu'elle ait choisi un mari obnubilé par sa carrière et intéressé uniquement par son propre plaisir ? Elle a traversé sa vie en fuyant le plus vite possible, et la voilà coincée, menottée, incapable de se cacher : elle doit faire face pour la première fois à la petite fille qu'elle était et à la femme qu'elle est devenue.
Stephen King nous livre un huis clos angoissant :
Jessie est à la fois menottée sur ce lit, coincée dans la chambre, mais aussi prisonnière de ses souvenirs.
Mention spéciale pour l'histoire de Prince, chien errant, qui est véritablement poignante et m'a rappelé ma lecture de
Cujo. Qu'il s'agisse d'émouvoir en racontant l'abandon d'un chien, ou de révolter en peignant le malsain de l'inceste,
Stephen King est d'une justesse impressionnante.
Je devais avoir 12 ou 13 ans quand j'ai lu
Jessie pour la première fois. J'ai eu du mal à dégoter un exemplaire pour continuer mon "défi King" d'ailleurs. de ma première lecture, je gardais un souvenir écoeuré de la "libération" de la pauvre
Jessie. Je me suis accordée un petit plaisir cette fois ci : j'ai sauté le passage en question...Car si ma lecture de Ça m'a, comme beaucoup d'autres lecteurs, poussé à croire que derrière chaque clown se cache un tueur, ma première lecture de
Jessie est à l'origine de ma trouille de tout ce qui est tranchant et des coupures... Pas facile de lire en ayant envie de vomir, je me suis épargnée ce désagrément...
Un roman qui remue donc. Pas un de mes préférés, mais un vrai tour de force de l'auteur, qui est d'une justesse incroyable quand il s'agit de nous plonger dans les marécages nauséabonds de l'inconscient.
Les clins d'oeil :
Dolores Claiborne est en filigrane tout au long du roman, puisque "le jour de l'éclipse", central dans ce roman,a une grande importance aussi dans la vie de Jessie; Jessie et Dolores ont été "en contact" quelques instants, elles se sont aperçues mutuellemet lors de "flashs" étranges ce jour là.
Il est question d'un [i]Ça[/i], p.355 éd J'ai Lu : "Jessie fut précipitée dans l'abîme des ans, en proie à cette terreur paralysante et inexprimable des enfants qui sentent qu'une créature sans visage et sans nom-un Ça- attend patiemment sous le lit qu'ils laissent dépasser un pied ou une main..."
L'auteur fait également allusion à Norris Ridgwick, le shérif qui a remplacé Alan Pangborn, tous deux bien connus des lecteurs de King.