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Sheriff of Babylon tome 1 sur 2

Mitch Gerads (Illustrateur)
EAN : 9781401264666
160 pages
Vertigo (19/07/2016)
4.2/5   5 notes
Résumé :
Baghdad, 2003. The reign of Saddam Hussein is over. The Americans are in command. And no one is in control.

Former cop turned military contractor Christopher Henry knows that better than anyone. He’s in the country to train up a new Iraqi police force, and one of his recruits has just been murdered. With civil authority in tatters and dead bodies clogging the streets, Chris is the only person in the Green Zone with any interest in finding out who kil... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Ce tome est le premier d'une série indépendante de toute autre. Il contient les épisodes 1 à 6, initialement paru en 2016, écrits par Tom King, dessinés, encrés et mis en couleurs par Mitch Gerads. Les couvertures sont l'oeuvre de John Paul Leon.

L'histoire se déroule en février 2004 à Bagdad, en Irak, après la chute de la ville en 2003 sous l'attaque de la coalition. Chistopher Henry est un ancien policier qui a choisi de devenir un entraîneur des forces de police iraquienne, pour une société privée. Il a en charge de former des iraquiens pour constituer une nouvelle police pour la ville. le récit débute alors que 2 militaires américains retrouvent le cadavre d'Ali al Fahar, en dehors de la zone verte sous commandement américain. Il s'agit d'un des individus formés par Henry. Ce dernier est appelé pour récupérer le corps et le rendre à sa famille.

Ne sachant pas trop comment s'y prendre, Christopher Henry contacte une officielle iraquienne Saffiya al Aquani (surnommée Sofia par les anglophones). Cette dernière contacte Nassir al Maghred, un ancien policier ayant exercé sa profession du temps du régime de Saddam Hussein. Maghreb convient d'un rendez-vous avec Henry pour aller récupérer le corps d'Ali al Fahar, et le ramener dans la zone verte. Puis il accompagne Henry pour aller avertir la famille du défunt, dans un quartier shiite. Ils découvrent un carnage.

Il y a des histoires à prendre avec des pincettes : un auteur américain qui évoque Bagdad en 2004, après l'invasion de la coalition en 2003, ça fait peur. On peut craindre un parti pris nationaliste appuyé, une phobie des musulmans, et un triomphalisme éhonté. le lecteur ne se laisse pas abuser par les petites phrases louangeuses tirées de la presse comics, ou même du Guardian. En fait, il commence par constater que le récit repose sur trois personnages principaux : un instructeur privé américain (ex-policier), une femme voilée iraquienne sunnite, et un ex-policier shiite sous le régime de Saddam Hussein. D'une certaine manière, ce choix rend déjà compte de la complexité de la situation. Ensuite, au cours du récit, il est question de religion, de fierté d'un peuple, des valeurs des États-Unis, de la nécessité d'une police dans un état, fut-il en reconstruction et sous surveillance des États-Unis.

Les dessins n'ont rien de jolis. Les traits pour détourer les formes sont cassants et effilés, rendant compte d'une réalité coupante et sans afféterie. le lecteur finit d'être convaincu par l'honnêteté de la démarche du scénariste par l'épisode 5 qui est constitué à 90% par une discussion entre 2 personnes descendant une bouteille de vodka, ne trouvant pas le sommeil pendant la nuit. On est loin d'une sorte de racolage spectaculaire et puant. Tom King raconte son récit de manière linéaire, avec des conversations entre adultes où tout n'est pas dit. Au départ, le lecteur doit un peu s'accrocher car il ne parvient pas à cerner l'approche du scénariste. Tout part du cadavre d'Ali al Fahar, mais sans qu'on comprenne bien son lien avec Christopher Henry. Il faut un peu de patience pour apprendre le rôle d'Henry et la raison de sa présence. de la même manière, il faut accepter le rythme de la narration pour les informations concernant Saffiya al Agani, pour se faire progressivement une idée sur cette femme, son histoire personnelle, son rôle, ses relations, sa place dans cette société très mouvante. Par comparaison, le personnage de Nassir al Maghreb semble plus facile à cerner rapidement.

Au bout de 2 épisodes, le lecteur a pu établir la dynamique du récit : il ne s'agit ni plus, ni moins que d'une enquête criminelle. L'enjeu est de trouver le meurtrier d'Ali al Fahar. Comme un romancier chevronné, Tom King utilise cette mécanique de genre pour observer le milieu dans lequel se déroule l'enquête. Il a choisi un endroit en pleine mutation, soumis à des contraintes et à des forces difficilement cernables. Il faut un peu de temps pour entrevoir l'enjeu qui va avec l'établissement d'une police en bonne et due forme, formée par des individus sans attache avec le précédent régime, c'est-à-dire celui de Saddam Hussein. Il faut un peu de temps pour mesurer l'influence de Saffiya al Agani, les conséquences de ses interventions, la manière dont elle met la main à la pâte. Il faut un peu de temps pour s'assurer du point de vue de l'auteur.

En fait dans ces épisodes, Tom King ne prend pas parti pour l'un de ces 3 principaux protagonistes. Il ne porte pas de jugement de valeur tranché en faveur de la présence des États-Unis, ni en sa défaveur. le scénariste n'adopte pas la solution de facilité d'être neutre et descriptif non plus. Chacun des personnages dispose de sa propre motivation, fortement dictée par sa culture, sans en devenir caricaturale. Les tensions restent sous-jacentes du fait des différences culturelles, mais elles sont bien présentes. le scénariste montre avec doigté comment ces cultures et ces histoires façonnent le positionnement de chacun et conditionnent leurs rôles. Il réussit également à les faire exister en tant qu'individu, ce qui n'est pas une mince affaire. Aucun d'entre eux n'est parfait ou lisse. Aucun d'entre eux n'est au-dessus de céder à la tentation de la vengeance contre des crimes de guerre. Mais chacun des 3 se rattache à des valeurs issues d'un monde avant la guerre.

Tom King adopte une narration résolument adulte. Il fait confiance au lecteur pour être capable de patienter plus pages, voire plusieurs chapitres, pour comprendre la situation d'ensemble. Il évoque des éléments bien réels de cet endroit du globe à cette date : les chats prenant goût à la chair humaine, les vidéos de soldats égorgés, les enjeux économiques de la reconstruction, la volonté de la population de revenir à une vie normale en ne cherchant pas trop à provoquer les questions, l'existence de factions armées prêtes à recourir à des actions radicales (utilisation de lance-roquette en pleine rue), la barrière de langue entre anglophones et arabes, les interprètes plus ou moins légitimes de la religion. Au cours de l'épisode 5, les compagnons de boisson évoquent des sujets aussi divers que les bombes intelligentes contre les avions avec des pilotes en chair et en os, les attentats du 11 septembre, le ressenti sur les attentats du 11 septembre, une relique dissimulée dans le sol, le berceau de la civilisation.

Tom King n'hésite pas à faire en sorte que ses personnages abordent des sujets graves et prégnants, mais il ne transforme pas son récit en cours d'histoire ou en pamphlet. Il n'est pas besoin de connaître l'Histoire de cette région à cette époque pour comprendre l'intrigue, et pour saisir les tensions culturelles. Il n'est pas besoin de connaître quelque chose à la religion musulmane pour l'apprécier. Par contre, le lecteur curieux peut vérifier les exactions attribuées à Oudaï Hussein (le fils de Saddam Hussein) pour se rendre compte que l'auteur a bien fait son travail de recherches. de la même manière, s'il ne connaît pas le monument des Épées de Qādisīyah, construit dans les années 1980 (une arche triomphale, également désignée sous le nom des Mains de la Victoire), il peut aussi aller se renseigner à son sujet.

Mitch Gerads s'était déjà fait remarquer dans des récits de guerre ou d'armée, dans une série du Punisher (à commencer par Black and white) et dans la série The Activity, toutes les 2 de Nathan Edmondson. Il utilise un trait fin et un peu cassant pour détourer les formes. Il appose très peu d'aplats de noir, et à chaque fois de petite taille. Il utilise les couleurs pour conférer des textures aux éléments en arrière-plan, ou aux étoffes, sans abuser des nuances. Pour chaque scène, il adopte une teinte principale qui recouvre toute les pages concernées, et il y ajoute de discrètes variations de nuance, sans chercher à modeler les surfaces, à leur donner plus de volume. Cela participe à renforcer la narration sèche et factuelle du récit.

Mitch Gerads dessine de manière naturaliste, sans avoir l'obsession du détail photographique. Il représente des individus avec des morphologies normales, des tenues vestimentaires ordinaires, des lieux de vie banals, mais cohérents avec les endroits. Par exemple, Christopher Henry loge dans un baraquement modulaire. Saffiya al Aqani loge dans une belle demeure, dont les fenêtres sont ornées de moucharabiehs. Il représente avec aisance et précision les matériels militaires et les différentes armes à feu. Il conçoit des prises de vue rigoureuses, sans être paresseuses, ni monotones. En particulier, le lecteur a du mal à croire que la discussion entre les 2 personnages occupe vraiment 14 pages sur les 22 que compte l'épisode 5, car il n'éprouve aucun ennui visuel. Lorsque la séquence comprend des actes violents, les dessins restent et secs et pragmatiques, se tenant à l'écart de la tentation d'introduire une dimension romantique ou viril aux tueries. Si le lecteur est vraiment tatillon, il pourra regretter une légère exagération dans les flaques et les traces de sang, mais rien qui ne relève du grand guignol.

Alors que le lecteur était en droit de craindre le pire de la propagande au vu de l'environnement du récit et de la nationalité de l'auteur, il plonge dans une enquête criminelle rendue ardue par le contexte dans lequel elle se déroule. Tom King et Mitch Gerads utilisent les conventions du polar, et s'inscrivent dans ce qui se fait de meilleur dans le genre, c'est-à-dire qu'ils utilisent les conventions de genre à leur profit, pour sonder la complexité et les recoins de la société concernée. le scénariste montre qu'il voue une réelle affection à ses personnages, sans pour autant les idéaliser. Il prouve qu'il ne se limite pas à abuser de la situation volatile de Bagdad en 2004, en évoquant l'origine du prénom Saffiya de belle manière. le récit n'exploite pas une situation complexe pour un divertissement sans âme, mais parle de la complexité de cette situation pour des individus avec leur propre histoire.
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Lors du FIBD d'Angoulême, nous avons eu l'opportunité d'échanger avec Stevan Subic, dessinateur serbe du comics The Riddler Year One paru chez Urban comics et scénarisé par Paul Dano qui interprète le personnage dans le film The Batman de Matt Reaves. Ce fut l'occasion de lui poser des question sur la réalisation de ce projet, ses techniques de travails et ses projets futur (notamment avec le scénariste Tom King)
La chronique de l'ouvrage est à retrouver sur notre site au lien suivant : https://www.planetebd.com/comics/urban-comics/the-riddler/annee-un/53761.html#serie
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