Superman's Pal, Jimmy Olsen

Ce tome peut être lu indépendamment de tout autre, même s'il fait partie de l'ensemble appelé Fourth World (quatrième monde) comprenant 4 séries écrites et dessinées par Jack Kirby entre 1970 et1973 : Jimmy Olsen (15 épisodes), New Gods (11 épisodes + un graphic novel), The Forever People (11 épisodes), Mister Miracle (18 épisodes). Il y est également son propre responsable éditorial. Il comprend les épisodes 133 à 139 et 141 à 148, parus de 1970 à 1972, encrés par Vince Colletta, à l'exception des épisodes 146 & 147 encrés par Mike Royer. L'identité du coloriste n'est pas indiquée. Murphy Anderson a retouché le visage de Superman dans plusieurs pages. Ce tome comprend également une page de Who's Who consacrée à Mother Box et 6 pages de crayonnés de Kirby.

À Metropolis, dans un garage implanté dans un quartier populaire, Jimmy Olsen découvre la véritable identité de son rendez-vous : 5 jeunes adolescents qui constituent la Newsboy Legion, et qui se tiennent devant un véhicule futuriste appelé Whiz Wagon. Il s'agit d'Anthony Rodriguez, Jonathan Gabrielli, Patrick MacGuire, Tommy Thompkins et Walter Johnson. Au même moment, Morgan Edge, le patron de la chaine télé Galaxy Broadcasting, explique à Clark Kent qu'il a confié à Jimmy Olsen, la mission d'aller enquêter dans la Zone Sauvage, en s'y rendant avec ledit véhicule. Kent quitte son bureau peu rassuré par la dangerosité de la mission. Dès qu'il est sorti de la pièce, Edge téléphone à un mystérieux contact au sein d'Inter-Gang pour commanditer l'assassinat immédiat de Kent. Effectivement, celui-ci se fait renverser par un chauffard devant le building de Galaxy Broadcasting. le Whiz Wagon atteint la Zone Sauvage et il se fait assaillir par des motards se faisant appeler les Outsiders. Jimmy Olsen réussit à estourbir leur chef, ce qui le promeut de facto chef à son tour. Lui et les Petits Rapporteurs sont introduits dans l'Habitat. Superman les rejoint bientôt mais il est vite neutralisé par les Outsiders et leur nouveau chef.

Au cours des différentes aventures, Jimmy Olsen et les Petits Rapporteurs vont s'enfoncer plus profond dans la Zone Sauvage pour découvrir le Projet, la Montagne du Jugement. Ils vont se heurter aux créatures créées par Simyan et Mokkari, oeuvrant pour le mystérieux Darkseid, être parfois aidés par Superman, rencontrer Dubbilex, recruter Scrapper Trooper. Par la suite, Jimmy Olsen et les Petits Rapporteurs, parfois aidés par Superman ou Golden Guardian (Jim Harper) se heurtent à Don Rickles (1926-2017) et son double Goody Rickles, au comte Dragorine (qui a ensorcelé Laura Conway, la secrétaire de Morgan Edge) de Transilvane et Lupek, au monstre tapi dans le Lac Trevor, à une nouvelle expérimentation génétique de Mokkari & Simyan qui ont transformé Jimmy Olsen en un anthropoïde préhistorique, à Victor Volvanum et son ambition de conquête du monde.

En 1958, Jack Kirby arrête de travailler comme freelance pour DC Comics et est engagé par Marvel Comics. En 1970, le cocréateur de nombreux superhéros Marvel et de leurs histoires revient chez DC Comics, et y reste jusqu'en 1975. Il commence par reprendre la série Jimmy Olsen avant de lancer 3 nouvelles séries mettant en scène de nouveaux personnages, des néo-dieux (New Gods). Il a jeté son dévolu sur cette série parce qu'elle n'avait pas d'auteurs attitrés et qu'il ne risquait donc pas de prendre la place de quelqu'un. Au fil des épisodes, il intègre des références à Darkseid qui fait de très brèves apparitions sporadiques. le lecteur voit également passer Lightray le temps de quelques cases dans un épisode, et bénéficie d'un bref aperçu d'Apokolips et de New Genesis. L'impact du Quatrième monde se ressent dans le fait que les ennemis de Jimmy Olsen (essentiellement Simyan et Mokkari) travaillent pour Darkseid et utilisent une technologie génétique en provenance d'Apokolips. le lecteur curieux de découvrir la Quatrième Monde peut donc parfaitement se passer de lire la série Jimmy Olsen : il ne lui manquera pas d'élément essentiel de cette mythologie.

La série fonctionne donc sur le principe d'ennemis à combattre pendant 2 ou 3 épisodes d'affilées, Simyan et Mokkari ayant génétiquement engendré des créatures monstrueuses dotées de superpouvoirs. Dès le premier épisode, Jack Kirby déploie toute sa puissance créatrice : le véhicule extraordinaire Whiz Wagon, la Zone Sauvage, l'Habitat, Morgan Edge, Inter-Gang. Ça continue de plus belle par la suite avec le projet ADN (plus tard rebaptisé Projet Cadmus), Dubbilex, la Montagne du Jugement, Laura Conway, un monstre évoquant celui du Loch Ness, un vampire avec un mode de fonctionnement très différent. En découvrant le rutilant Whiz Wagon, le lecteur sent bien que Jack Kirby s'adresse avant tout à un lectorat d'enfants, et pas à un lectorat d'adolescents. Il en a la confirmation avec l'adjonction de Scrapper Trooper, un mini-soldat qui tient la poche. Il remarque également que le créateur réutilise des personnages qu'il avait cocréé avec Joe Simon en 1942 : les membres de la Newsboy Legion et Golden Guardian. Il leur apporte un peu de nouveauté. En particulier, il met en scène une nouvelle génération de la Newsboy Legion (les enfants des originaux), Jimmy Olsen se retrouvant ainsi à la tête d'un groupe d'enfants, ce qui confirme encore la tranche d'âge du lectorat. En outre, les responsables éditoriaux demandent à Al Plastino, puis à Murphy Anderson de redessiner les visages de Jimmy Olsen et de Superman afin de les adoucir et de les rendre plus conformes aux canons en vigueur dans la gamme DC.

Pour autant, un lecteur venu chercher sa dose de Jack Kirby est à la fête. Il se rend vite compte que Vince Colletta encre plus respectueusement que d'habitude le dessinateur, évitant d'écraser ses crayonnés avec ses propres tics graphiques pour complètement se les approprier. le lecteur s'en rend compte à la fois parce qu'il n'a pas l'impression de regarder des visages interchangeables avec tous les autres finalisés par cet encreur à la forte personnalité, à la fois parce qu'il peut comparer son rendu avec celui de Mike Royer qui a encré 2 épisodes (146 & 147), encreur très respectueux des crayonnés de Kirby. Ce dernier reprend son habitude d'ouvrir chaque épisode par un dessin en pleine page, et d'en réaliser un autre, souvent en double page, pour la page de titre. Ainsi le lecteur découvrir le Whiz Wagon dans un dessin en double page, occupant les pages 2 & 3 du premier épisode, rutilant, issu d'une technologie d'anticipation à la fois massive et élégante. Par la suite, il se régale de la force primitive d'éléments tels que l'architecture des constructions en bois de l'Habitat, les motos à trois roues bondissant dans les airs lors d'une course-poursuite, le carénage délirant et mythologique de la Montagne du Jugement (en double page), l'installation technologique de Simyan et Mokkari pour engendrer de nouvelles créatures, l'apparition bondissante de Golden Guardian, la beauté à couper le souffle de Laura Conway, les paysages sauvages de l'Écosse, etc. Il retrouve les caractéristiques graphiques puissantes de Jack Kirby, des dessins habités par une vitalité extraordinaire et dégageant un mystère mythologique. Il observe également que l'artiste réalise à plusieurs reprises des collages à partir de photographies en noir & blanc pour concevoir des environnements étrangers, avec sensibilité et intelligence.

L'habitué des oeuvres de Jack Kirby se sent également rapidement chez lui avec les intrigues. Si les personnages ne sont pas très développés (un unique trait de caractère pour définir chacun des membres de la Newsboy Legion) et parfois un peu ridicules (Walter Johnson qui ne quitte jamais sa tenue de plongeur sous-marin et qui se déplace avec des palmes pendant tout le premier épisode), les intrigues sont animées par un souffle épique, faisant la part belle à l'action et au merveilleux. À chaque fois, les héros explorent de nouveaux territoires, affrontent de nouveaux périls, triomphent par la force de leur volonté, leur courage et leur inventivité. Les ennemis ne sont finalement pas interchangeabes, ne serait-ce que parce qu'ils disposent de capacités différentes. Les aventures fleurent bon les romans de la fin du dix-neuvième siècle, de l'exploration d'une cité inconnue, à l'intervention d'un individu issu d'une ancienne noblesse et maître de la force des volcans, personnage qui n'aurait pas déparé dans un roman de Jule Verne. le lecteur adulte se laisse vite emporter par la fougue des aventuriers, par la verve de l'auteur, par l'inventivité des situations, des environnements et des pouvoirs. Il apprécie facilement cette lecture tout public, sans dramatisation excessive, avec des phylactères explicatifs parfois un peu copieux, pour un divertissement énergique et bon enfant.

Ces aventures de Jimmy Olsen et Superman ne présentent pas l'intensité d'autres créations de Jack Kirby pour DC Comics comme Jack Kirby's The Demon, ou l'envergure mythique de New Gods by Jack Kirby, ou la dramatisation de The Losers. Mais elle recèle son énergie créatrice, sa force de composition des cases, et sa vitalité débordante.