J'en attendais beaucoup de ce titre, qui m'avait été recommandé par mon libraire préféré. On y parle de magie interdite, de musique, d'une jeune fille exilée pour avoir accidentellement tué sa petite soeur, traquée par des forces qui la dépassent, et d'un prince sans pitié manipulé par son aîné.
Mais cette histoire était un peu décevante. Pour trois raisons : les personnages manquaient de profondeur, l'univers était très mal présenté, l'écriture était plate et fade.
Que je m'explique !
Je ne me suis pas attachée aux personnages parce qu'on ne peut s'inquiéter de leur survie à aucun moment. Et on ne s'inquiète pas pour eux parce qu'eux-mêmes ne semblent pas vraiment considérer leur fait que leur vie soit en jeu quand ils sont en danger.
En témoigne le moment où Jeric se fait poursuivre par des Ombres en arrivant à Skanden. Je n'ai senti aucune angoisse devant ces créatures surnaturelles inconnues, aucun doute quant au fait que la ville soit à côté et suffise à les protéger, lui et ses compagnons. Et puis, qu'est-ce que c'est que cette habitude pour un prince de protéger les arrières ? C'est tout à son honneur, bien sûr, mais en tant que prince, sa vie est infiniment plus précieuse que celle de ses hommes.
Ce n'est pas un problème isolé : l'histoire se répète quelques dizaines de pages plus tard avec Sable, en s'enfuyant de la ville. Par ailleurs, juste avant cette scène, quand elle se réveille dans une charrette pleine de cadavres, je l'ai sentie surprise, dégoûtée, peut-être horrifiée… Mais pas terrifiée, ni même choquée ou révulsée de découvrir les corps de personnes qu'elle côtoyait depuis dix ans. A-t-elle l'habitude de fréquenter la mort ? Si oui, il aurait fallu en parler avant ! À l'inverse, vers la fin du roman, lorsqu'elle est enfermée dans les geôles de Descieux et qu'Hagan tue une petite fille pour l'inciter à utiliser son pouvoir, c'est le drame : la flaque de sang que cette innocente laisse sur le sol de sa cellule la traumatise… J'ai esquissé un sourire ironique : dans cette fameuse charrette, il y avait un petit garçon, aussi. Quelle incohérence dans les réactions !
Ces personnages, je les ai trouvés trop manichéens : la gentille Sable qui vole aux riches pour donner aux pauvres, offre ses herbes les plus rares et les plus chères pour sauver un enfant… le trait est trop forcé ! Jeric, lui, incarne le mâle dangereux, violent, mais désirable – en témoigne son surnom de Loup. (D'ailleurs, pourquoi un PRINCE serait surnommé ainsi ? Pourquoi ne lui donne-t-on pas du Monseigneur, votre Altesse, et ne murmure-t-on pas respectueusement ce surnom dans son dos ?) Mais évidemment, ce trait de caractère cache un grand coeur que seule l'héroïne parvient à ouvrir. Hagan, son frère, est l'exemple-type de l'homme qui aime le pouvoir et qui vit pour en abuser. Il aime dominer, prendre les choses par la force et contraindre autrui – surtout les jeunes femmes. Hypocrite et manipulateur, il a toute sa place au milieu d'une cour de menteurs, et il est là pour qu'on le déteste.
J'ai cependant été surprise par Astrid, la soeur de Jeric. Un personnage plein de ressources...
Pour ce qui est de l'univers, je l'ai trouvé mal présenté car l'auteure nous fait gober à toute vitesse des noms étranges pendant les dix premières pages et plante rapidement (trop rapidement) un décor qui semble pourtant très important pour le développement de l'univers. J'aurais préféré une découverte un lente et plus « naturelle » des Cinq Provinces. Remonter le fil des leçons d'une petite princesse de neuf ans pour connaître le contexte historique manquait d'habileté.
Outre cela, le monde dépeint par
Barbara Kloss est très classique : cinq pays avec des alliances et des tensions, un autre royaume humain au sud détesté de tous pour avoir utilisé la magie pour tenter de s'étendre (la double perception de la conquête : glorieuse d'un côté, tyrannique de l'autre), rendant hérétique tout type de magie (la nuance, grands dieux, la nuance !). La population de ce royaume déchu est désormais asservie pour avoir osé… heu, osé exister, quoi. La faune et la flore sont très classiques. Hormis le fait que Sable évoque plusieurs simples parce que c'est une guérisseuse, les ours sont appelés des gris, et la seule race inventée sont les Ombres
(qui ne sont pas vraiment des créatures, d'ailleurs, mais plutôt des humains corrompus par la magie). C'est un peu pauvre. D'autant que ces bestioles ne vivent pas exactement dans les Cinq Provinces, mais plutôt dans les Landes Sauvages : des terres désolées qui sont le lieu d'exil des malfrats des Cinq Provinces. Les Landes Sauvages sont donc des terres peu accueillantes – ce qui est très classique, en fantasy.
Dernier point négatif : beaucoup de noms de lieux ou de fêtes avaient le même nom que des villes de notre monde (Corinthe, Belfast, etc.). Ça me sortait de l'histoire à chaque fois, malheureusement.
Et puis quelques fois, l'histoire s'assoit sur la logique. En neuf jours de cheval, on passe d'un climat tempéré à un climat presque subarctique, avec de la neige à ne plus savoir qu'en faire, et même des journées plus courtes. Ça me paraît franchement exagéré, mais admettons : Gods of Men se passe peut-être sur une planète plus petite que la nôtre.
Et lors d'une échauffourée contre des monstres plutôt costauds, Sable se saisit d'une arbalète et tire sur l'un d'entre eux… Heu, sans recharger ? Bon, admettons : le mécanisme devait déjà être remonté. Sauf que le monstre se jette immédiatement sur elle et qu'elle lui tire dans la jambe juste après avoir saisi un autre carreau…
Madame Kloss, voyons ! Si les arbalètes sont beaucoup plus puissantes que de simples arcs, c'est parce que c'est un mécanisme remontable qui tend la corde !
L'écriture ne m'a pas du tout faite vibrer. L'essentiel des phrases tenaient à des descriptions concises, courtes et neutres et des dialogues plats. Aucun style : très peu de métaphores, de comparaisons, et presque pas de poésie. J'avais l'impression de lire un rapport – la chiantise en moins, on lit quand même une histoire d'amour, c'est fait pour être accrocheur.
Il faut cependant reconnaître que l'histoire avait un côté addictif : les rebondissements s'enchaînent, le flirt entre Jos et Sable est plutôt crédible et donne un petit côté piquant à la lecture. Rien de bien novateur, en sorte. Mais je dois admettre, malgré cette critique très négative, que j'ai lu ce roman beaucoup plus vite que je ne le pensais. Leur relation (qui est le coeur du roman, on va pas se mentir) est assez intéressante. Elle ne va pas trop vite, et même si on sait déjà qu'ils vont finir ensemble, l'auteure n'a pas manqué d'imagination pour l'enrichir de rebondissements.
En outre, l'ouvrage est absolument magnifique et je félicite les éditions Rivka pour avoir su créer un si bel objet pour un prix si abordable ! C'est plaisant de l'avoir dans sa bibliothèque.
Je suis cependant heureuse que ce premier tome se suffise à lui-même car rien ne garantit que j'achèterai la suite. le manque de profondeur des personnages et de l'univers, ainsi qu'une plume dépourvu de style et une histoire principalement centrée sur de la romance m'ont lassée.
Définitivement, le young adult n'est plus un genre pour moi !
Et puis merde ! Qu'est-ce que c'est que cette fin où Sable et Jeric se disent au revoir devant tout le monde en se disant « il faut pas qu'on flirte ensemble, on est roi et princesse, on ne doit pas s'embrasser »… tout en flirtant ensemble, justement ?? Et vas-y que je pose ma main sur ta joue, que je te fais un petit bisou sur le coin de la lèvre, que je te fais un baise-main… Roulez-vous une pelle devant tout le monde et on n'en parle plus, grands dieux !