Le dîner
Tout se passe donc au cours d'un dîner. Deux frères, l'un, Serge, pressenti futur premier ministre des Pays bas et l'autre Paul, professeur d'histoire doivent discuter en présence de leurs épouses des dérives de leurs enfants respectifs au cours d'une scabreuse histoire d'assassinat.
Le ton est assez drôle et le propos pertinent, pour qui s'est déjà fait piéger dans un restaurant chic et gastro où le personnel coupe la parole aux hôtes pour pérorer sur les plats et leur composition. Assommante et vaine cette pratique vaut sans doute d'être dénoncée, encore que les victimes sont consentantes dés-lors qu'elles reviennent et jouissent de leur notoriété en se moquant bien du menu et des convives lambda qui payent une fortune pour tomber dans ce panneau.
Paul, le professeur d'histoire souffre beaucoup plus que son frère de cette ambiance artificielle et snob, d'autant qu'il vit intérieurement un enfer. Comme son successeur dans «
villa avec piscine » il est un parfait misanthrope arguant que les guerres ont fait autant de victimes parmi les bons et les méchants et que ces derniers l'ont bien mérité. Que serait le monde aujourd'hui si toutes les victimes des massacres des deux derniers conflits ainsi que celles des récents holocaustes étaient encore en vie ? Où trouveraient-elles un espace pour subsister ? Un tel raisonnement mérite un avertissement de sa hiérarchie et un suivi médical qui détecte une maladie mentale rare qui vite deviendra un alibi.
Transmissible génétiquement cette maladie est censée justifier les opinions et les comportements corolaires les plus criminels de chaque génération corrompue par ce mal. Et surtout l'absence totale de culpabilité. du coup le lecteur, confronté à tant de cynisme et d'amoralité se retrouve bien seul face à l'auto-apitoiement et les excuses bafouillées du narrateur.
Le frère politicien exonère sa progéniture de toute responsabilité mais par orgueil et solipsisme veut prendre toute la faute à sa charge et accentuer la déconnexion du monde qu'elle engendre pour son entourage.
Les ados eux se satisfont de la protection offerte par leurs parents trop lâches et s'apprêtent a vivre une carrière satisfaite de criminels en liberté.
Cet éprouvant récit, sauvé par la narration désopilante du dîner atteint la cible. Encore faut-il savoir quel est le « mille » qui est visé…
Succès mérité en tout cas.