Leur coup de main a échoué. Ils recommenceront demain, après-demain, pour tâter le terrain jusqu’à l’assaut final, écrasant. Peu leur importe de perdre des hommes. Le matériel humain ne compte pas pour eux : pour un Russe abattu, deux surgissent pour prendre sa place. Et pourtant, plusieurs fois déjà, le Führer a annoncé que l’ennemi, avec ses millions de morts et de prisonniers, était saigné a blanc et allait s’écrouler lors de la prochaine offensive…
C’est un cas de légitime défense. Si je le tue, c’est seulement pour sauver ma vie. Au fond, qu’importe un soldat de plus ou de moins. Et celui-ci est déjà blessé. À la tête ! C’est sans doute très grave. Il n’en réchappera certainement pas. Tandis que moi, je suis un homme important au point de vue de la guerre, et je ne suis pas blessé ! Je jetterai son corps dans un buisson. Si nos troupes reviennent ici – ce qui n’est pas sûr – on croira que les partisans l’ont tué et se sont débarrassés de son cadavre… si jamais on le découvre… »
Lore Sommerfeld était une Marguerite frêle et gracieuse, touchante dans son amour sans espoir.
Ses longs cheveux blonds retombaient en deux tresses épaisses sur ses épaules. Aucun des hommes rassemblés dans cette salle ne pensait, en la voyant, qu’il était privé de femme depuis des mois interminables. Même les cœurs les plus insensibles ne ressentaient que de la pitié pour elle. Un instinct de protection longtemps enseveli sous les atrocités de cette guerre impitoyable s’éveillait à l’appel de cette tendresse blessée.
Un homme averti en vaut deux et voit bien des choses qui échappent au commun des mortels. Tout ce que je vous rapporterai aura pour base des documents et des témoignages incontestables. J’ai commis quelques fautes, comme tout le monde, mais je prouverai qu’il s’agit d’une campagne de calomnie dont je ne m’explique pas encore la raison. Certains milieux sèment sciemment la méfiance, ils veulent abattre ceux qui croient à la victoire finale de notre peuple.
Il est tellement différent des soldats qu’elle a connus jusqu’ici, avides de manger sans faim, de boire sans soif, de jouir sans tendresse, poursuivis par la mort qui leur a laissé hier un délai parce qu’elle est sûre de les avoir à sa merci. Lui, il s’est montré tendre, attentionné, chevaleresque dans sa simplicité.
Il n’a même pas profité de la situation. Elle abaisse son regard vers la main, cette main d’homme, qui enserre gentiment sa taille.