Comment un agriculteur des environs de Bouaké a t'il pu survivre à la guerre civile qui déchira la
Côte d'Ivoire en 2002 ? Comment peut faire un homme ordinaire quand le monde devient fou autour de lui ? Quand la violence de déchaine, qu'aucune règle n'existe plus, si ce n'est de s'en tirer quel qu'en soit le prix et, si possible, de faire sa place au soleil d'un côté ou d'un autre?
L'auteur s'est trouvé en zone rebelle, où se situe sa ferme, au moment du coup d'état. D'abord, il va fuir vers Abidjan puis le Ghana avant de tenter de revenir dans sa région natale et retenter sa chance à Abidjan, plus tard. Désespéré, il va aussi envisager le départ en France.
A travers ses pérégrinations, en le suivant dans ses hésitations et ses tentatives de se faire une place ici où là, il nous fait rencontrer des rebelles d'un côté et des patriotes de l'autre, souvent des hommes cherchant une revanche sociale, désireux de rompre avec un destin qui les place au bas de l'échelle. Mais ne sont-ils pas plutôt les jouets, les pantins d'hommes politiques dans leurs grosses voitures et leur villa de luxe qui les encouragent à la haine et à la violence. Ne pas tenir un discours de haine est suspect. Faut-il choisir entre "le patriotisme de terreur distillé par les milices qui proliféraient à Abidjan ou le patriotisme féroce, propre aux rebelles" (page 180).
L'auteur, certainement un homme de paix, se trouvera parfois face à la tentation de gagner de l'argent en exploitant le chaos. Parler d'activités illicites n'a plus de sens dans un moment où tout va à vau-l'eau. Il faut bien vivre dans le monde qui nous est donné.. Il reste toutefois attaché à des valeurs ... et à la solidité de la terre qui lui garde les pieds sur terre. Parfois, j'ai tout de même eu l'impression qu'il esquivait certains moments dans son écriture, qu'il ne voulait pas raconter certaines choses. En outre, il s'agit du récit d'un solitaire sans attache familiale apparemment, ce qui est tout de même étonnant. Mais respectons sa discrétion et sa pudeur.. Tout n'est pas toujours dicible! Il en reste un témoignage riche sur cette période de l'histoire africaine et sur la vie en pleine guerre civile.