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Citations sur La plaisanterie (142)

...un chez-soi qui n'est que la maison des parents, ce n'est pas un fil ; c'est seulement le passé : les lettres qui arrivent de tes parents, ce sont des messages d'un continent dont tu t'éloignes ; pis, cette sorte de lettres ne cesse de te répéter que tu t'es égaré en te rappelant le port d'où tu appareillas dans des conditions si honnêtement, si laborieusement réunies ; oui, te dit une telle lettre, le port est toujours là, immuable, sûr et beau dans son ancien décor, mais le cap, le cap est perdu ! (p.88)
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Les histoires personnelles, outre qu'elles se passent, disent elles aussi quelque chose ? Malgré tout mon scepticisme, il m'est resté un peu de superstition irrationnelle, telle cette curieuse conviction que tout événement qu'il advient comporte en plus un sens, qu'il signifie quelque chose ; que par sa propre aventure la vie nous parle, nous révèle graduellement un secret, qu'elle s'offre comme un rébus à déchiffrer, que les histoires que nous vivons dorment en même temps une mythologie de notre vie et que cette mythologie détient la clé de la vérité et du mystère. Est-ce une illusion ? C'est possible, c'est même vraisemblable, mais je ne peux réprimer ce besoin de continuellement déchiffrer ma propre vie.
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Et comme Lucie m'était devenue un passé définitif (qui en tant que passe vit toujours, et en tant que présent est mort), lentement elle perdait pour moi son apparence charnelle, matérielle, concrète, pour de plus en plus se défaire en légende, en mythe écrit sur parchemin et caché dans une cassette de métal déposée au fond de ma vie.
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Depuis toujours j'imagine maman au ciel. Non, je ne crois plus au bon Dieu, à la vie éternelle ou à de pareilles choses. Il ne s'agit pas de foi. Il s'agit d'imagerie. Je ne sais pas pourquoi je devrais l'abandonner. Sans elle, je me sentirais orphelin. Vlasta me reproche d'être un rêveur. Il paraît que je ne vois pas les choses telles qu'elles sont, mais, outre les visibles, j'en perçois d'autres. Ce n'est pas pour rien que l'imagerie existe. C'est elle qui fait de notre foyer un chez-soi.
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Combien de fois, ces dernières années, des femmes de toutes sortes m'ont reproché (seulement parce que je ne savais pas payer leurs sentiments de retour) ma suffisance. C'est un non-sens, je ne suis pas suffisant, mais, à vrai dire, je suis moi-même navré d'être incapable, dans mon âge adulte, de trouver le rapport véritable à l'égard d'une femme, de n'en avoir, comme on dit, aimé aucune. Je ne suis pas sûr de connaître les causes de cet échec, je ne sais pas si ces défauts du cœur sont innés ou plutôt s'ils plongent leurs racines dans ma biographie ; je ne veux pas tomber dans le pathétique, mais c'est comme ça : dans mes souvenirs très souvent s'éclaire une salle où cent personnes, en levant le bras, décrètent la cassure de ma vie ; cette centaine de gens ne savaient pas qu'un jour les choses commenceraient lentement à changer ; ils supputèrent que ma proscription serait à perpétuité. Non pour le plaisir de remâcher l'herbe amère, mais, par un entêtement qui est le propre de la réflexion, j'ai à maintes reprises inventé des variantes de mon histoire, imaginant ainsi ce qui eût pu se passer si l'on avait proposé, au lieu de mon exclusion, ma pendaison. Je ne suis jamais arrivé à conclure autrement que, même dans cette éventualité, tout le monde aurait levé la main, surtout si le rapport préliminaire avait, en termes lyriques, motivé la bénéfique opportunité de la peine. Depuis, faisant de nouvelles connaissances, hommes et femmes, nouveaux amis ou maîtresses possibles, je les transforme en pensée dans cette époque et dans cette salle et je me demande s'ils lèveraient la main ; personne ne résiste à cet examen : tous lèvent la main comme naguère le firent (qui avec empressement, qui à son corps défendant, par conviction ou par crainte) mes amis et connaissances. Admettez alors : il est difficile de vivre avec des gens prêts à vous envoyer en exil ou à la mort, il est difficile d'en faire ses intimes, il est difficile de les aimer.
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En fait, j'aime chez la femme non pas ce qu'elle est pour elle-même, mais ce par quoi elle s'adresse à moi, ce qu'elle représente pour moi. Je l'aime comme un personnage de notre histoire à nous deux. À quoi rimerait un Hamlet privé du château d'Elseneur, d'Ophélie, de toutes les situations concrètes qu'il traverse, du texte de son rôle ? Qu'en resterait-il hormis je ne sais quelle essence muette et illusoire ? Pareillement, Lucie, sans les faubourgs ostraviens, sans les roses glissées dans le grillage, sans ses robes râpées, sans mes longues semaines d'attente sans espoir, ne serait sans doute plus la Lucie que j'aimais.
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"La faute", se dit Ludvik, i.e. l'origine de la dévastation, "était ailleurs et elle était si grande que son ombre couvrait bien loin à la ronde l'univers entier des choses innocentes et les dévastait".
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L‘idée me vint que cette influence s’exerçait de la même façon que, selon les astrologues, les mouvements des étoiles influencent la vie humaine ; au creux du fauteuil (face à la fenêtre ouverte qui expulsait l’odeur d’Helena) je pensais être venu à bout de mon rébus superstitieux, en devinant pourquoi Lucie avait traversé le ciel de ces deux journées : seulement pour réduire à rien ma vengeance, pour résoudre en brume tout ce qui m’avait conduit ici, car Lucie, cette femme que j’avais tant aimée et qui, inexplicablement, m’avait échappé au dernier monment, était la déesse de la fuite, la déesse de la vaine poursuite, la déesse des brumes : elle tient toujours ma tête entre ses mains
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Que fait-elle au juste , l'âme, pendant que le corps s'unit (de ce mouvement si immémorial, universel et invariable) à l'autre corps? Tout ce qu'elle s'ingénie à inventer pendant ce temps-là, réaffirmant ainsi sa supériorité sur la monotonie de la vie corporelle! De quel mépris est-elle capable à l'égard de son corps qui ne lui sert (comme le corps de l'autre) que de prétexte à l'imagination mille fois plus charnelle que les deux chairs réunies!
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Toutes les situations capitales de la vie sont pour une fois, sont sans retour. Pour qu'un homme soit un homme, il faut qu'il soit pleinement conscient de ce non-retour.
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