Puisque l'éternité nous appartient...

Quelques petites pilules, rien de bien dangereux.
Des bonbons en somme, à l’arrondi amer.
Plus vite elle les porterait à sa bouche, plus vite elle serait débarrassée. Faire ses preuves. C’est ainsi qu’elle devait interpréter la situation. Au fur et à mesure que la distance séparant les friandises de ses lèvres diminuait, c’était sa lucidité qu’elle anesthésiait. Le geste encourageait l’arrêt des pensées, l’arrêt des pensées nourrissait l’aplomb du geste.
Il ne servait à rien de dramatiser, tout rentrerait dans l’ordre après ingestion. Les premiers cachets entrèrent en contact avec sa langue, ce n’était pas aussi éprouvant qu’elle aurait pu l’imaginer. Cette constatation la conforta dans l’idée que tout jugement en pareilles circonstances était inutile. Les petits bonbons prenaient désormais place dans sa bouche, accomplissant naturellement et à petite échelle leur grande destinée.
Il ne servait à rien de dramatiser, tout n’était que molécules et réactions chimiques. Ce qui pouvait être fait pouvait également être défait. Un verre rempli, posé sur la table basse, vint à la rescousse et chaque gorgée aidait à l’œuvre. Puis, le verre se remplissait de nouveau.
Les plaquettes de bonbons furent vérifiées, elles étaient bien vidées de leurs contenus. Il n’y avait donc plus qu’à attendre que la suite des évènements se mette en place, comme s’était écrit. Pas de hasard dans le déroulement des existences. Elle avait fait ce qu’elle devait faire. Le destin était un mécanisme implacable, mieux valait ne pas faire tâche dans sa réalisation.
La lumière faiblissait déjà. Que c’était agréable de ne plus avoir le contrôle de rien, de n’avoir qu’à attendre que ça se passe…