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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
« La poésie ne doit pas périr. Car alors, où serait l'espoir du monde ? »
Léopold Sédar Senghor

Après avoir lu Ombre parmi les ombres, cette citation publiée par Sagesse66 a été une évidence. Elle devait figurer en ouverture de ce petit billet. Je remercie les Éditions Bruno Doucey et Babélio pour l'envoi de ce roman dans le cadre d'une Masse critique, un roman qui m'a appris beaucoup. de la vie dans le camp de Terezin au travers des yeux d'un gamin sensible, mais également de celle de Robert Desnos, ses dernières heures et ses songes qui renvoient le lecteur à des bribes de sa vie passée. J'ai été très touchée et émue par cette double découverte. le théâtre dans ce camp décrit par ce petit gars qui n'a plus rien que les yeux bleus de Desnos, des petits poissons libres comme l'air que rien ne peut emprisonner, sauf une paupière. Mais reste ses textes et c'est un bel hommage qui lui est rendu par Ysabelle Lacamp, mettre un poète avec un enfant. Tout l'espoir du monde.

« Qu'il aurait aimé être un mot, libéré du temps, de la pesanteur, de la réalité ! Une petite balle lisse et facétieuse bondissant dans l'espace ! »
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Ce court et magnifique roman fait revivre le poète surréaliste et résistant Robert Desnos à partir des derniers jours qu'il a vécus dans le camp de Terezin (ou Theresienstadt), à 50km de Prague, où les allemands l'avaient laissé, malade, en avril 45, dans leur fuite devant l'armée soviétique. Extrêmement affaibli après son transfert dans des conditions dramatiques depuis le camp de Flöha en Saxe, sans doute atteint du typhus, Desnos mourut dans ce camp quelques jours après que les nazis l'eurent abandonné aux mains de la Croix Rouge. Au cours de certaines séances de rêves éveillés qu'il avait vécues avec André Breton et le groupe des surréalistes, Desnos avait, dès les années 20, prophétisé son départ et sa disparition en camp de concentration, comme le rappelle le poème d'Aragon "La complainte de Robert le Diable", mis en musique et chanté par Jean Ferrat :

Je pense à toi Desnos qui partis de Compiègne
Comme un soir en dormant tu nous en fis récit
Accomplir jusqu'au bout ta propre prophétie
Là-bas où le destin de notre siècle saigne

Ysabelle Lacamp imagine que Desnos se lie d'amitié avec Leo Radek, un enfant juif d'origine tchèque, rescapé de ce camp de Terezin d'où des convois partaient régulièrement vers les camps de la mort. Aussi en même temps que nous revivrons, par des flashs sur le passé, certains des moments de la vie du poète, nous apprendrons aussi l'histoire de ce camp qui a eu une place à part dans la logistique de la "Solution finale".

J'ai trouvé vraiment superbe la construction et le style de ce roman, mêlant des poèmes de Desnos à la narration, elle-même particulièrement poétique, chargée d'émotion et aussi d'horreur à l'évocation de ce qu'ont subi Desnos, son ami Leo et leurs camarades, mais aussi (et c'était une gageure !) pleine de fantaisie et d'humour, ces deux derniers traits étant intrinsèquement liés au poète. C'est pour moi un magnifique hommage (ou "tombeau") qu'a su écrire Ysabelle Lacamp à l'un des plus grands poètes du XXe siècle.
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En lice pour le Prix Hors Concours 2018 (Gaëlle Bohé) ce récit est un pan d'amour à l'orée de ce temps poétique où la douleur de vivre semait des morceaux de verre sous les pas des hommes. Elle est belle l'écriture d'Ysabelle Lacamp. Douce et empreinte de ce souffle qui appelle l'autre à l'aide par l'art du mot ciselé en délivrance à venir. Robert Desnos est ce grand poète aux vers fraternels et purs, caresses sur le front de l'enfant de Terezin. Sauveur, allié d'une fleur qui pousse sur les barbelés de l'horreur, ce sage, ce soldat de tendresse, sanglote de froid, de rage, d'impuissance, de souffrance, lui le donnant. Ce récit est lumière. Il est plus que cette bouée de sauvetage qui s'égare en pleine mer barbare et folle. Il est ce que la nuit doit au jour vaillant et endurant. Cet hymne fondateur est une bataille, la fraternité contre la haine. Les mots d'Ysabelle Lacamp sont feux et forces, piliers et endurance. Robert Desnos de loin, de près, entre les lignes porteuses de sens est osmose avec cette écriture qui écarquille le Verbe à l'aube inspirante. L'enfant rescapé, l'unique symbole de ce qui résiste au glas du malheur est ce regard qui affole et qu'on voudrait protéger et vite. La barbarie, tache d'encre sur la page noble, foudroie en plein vol, le mot survivre. La force littéraire, magnificence de ce récit, étouffe le mal par sa puissance. L'ampleur humaniste de ce récit gagne sur la barbarie, sur le sang fou des tortures intestines. Ce récit est notre Histoire. Robert Desnos est ce pas de côté cher aux êtres de courage. « le chant du coq est –il vraiment mort ? » « Ombre parmi les ombres » est beau à pleurer. Ses couleurs sont celles de l'engagement, de la formidable générosité d'un homme qui donne le verbe en nourriture pour l'enfant de Terezin et bien plus que cela encore. « Les petits êtres de Terezin »(Page 114) ne tremblent plus. « Ombre parmi les ombres « est un hommage, une mémorielle reconnaissance. Ce récit est de l'or pur. Personne ne peut froisser le langage courageux et noble de l'auteure si attentionnée au vivant des mots. Ils assemblent l'épars et font oeuvre de rédemption. Publié par Les Editions Bruno Doucey, indispensable, bénéfique, ce récit est à apprendre par coeur.
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La dureté de la vie sur le camps de Terezin vu à travers les yeux d'un p'tit gars. La libération, la maladie, des fragments de la vie passée De Robert. Et enfin la fin de vie très dure de ce poète qu'était Robert Desnos. Ysabelle Lacamp est dotée d'une très belle plume pour raconter.
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En écrivant Ombre parmi les ombres, Ysabelle Lacamp écrit là deux livres majeurs. L'un dédié à L Histoire oubliée de Terezín, l'autre en hommage à un grand poète et humaniste inoubliable : Robert Desnos. J'ai été soufflée par la beauté de ces deux hommes bien sûr mais aussi par la beauté de langue qui danse, qui lutte, qui transmet. Par ces phrases qui envoient en plein visage la force de la poésie, pas seulement celle de Desnos mais aussi la sienne, celle propre à Ysabelle Lacamp. Et qui m'a profondément émue. Je suis ressortie de ma lecture un peu tremblante comme si j'avais participé moi aussi à un sommeil hypnotique.

Ce roman d'une rencontre imaginée est une passation, celle d'un poète qui croit encore en la beauté de l'homme à un jeune homme qui lui survivra. Une passation d'une auteure admirant Desnos à un lecteur qui n'a plus qu'une envie en refermant ce court récit, (re)lire Desnos. Dévorer ses oeuvres, puiser dans son humanité, s'imprégner de sa lumière. Si forte. Si brillante.

Lien : http://www.livresselitterair..
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L'année n'est pas encore achevée, mais j'ai une certitude : Ombre parmi les ombres sera le roman le plus déchirant et le plus lumineux que j'aurai lu en 2019. D'une beauté et d'une poésie sans pareilles, le récit est l'ultime dialogue, imaginé par Ysabelle Lacamp, d'un poète fraternel, son testament poétique qu'il confie à Léo Radek, dernier des enfants poètes de Terezín.

Terezín, ou Theresienstadt, et le terrible mensonge nazi. D'abord une forteresse, puis une ville de garnison, et enfin, un ghetto pour les juifs tchèques, allemands et autrichiens, des artistes, des diplomates, des universitaires, un camp de concentration, un camp de transition avant Auschwitz. Un camp modèle pour les nazis, mettant en scène des conditions de vie idyllique pour la Croix-Rouge. de fausses boutiques bien achalandées, des baraquements repeints, une surpopulation que l'on cache à la hâte par un convoi massif vers les camps d'extermination, de la vraie musique, privilège ultime et pervers dont les autres étaient privés, et même un opéra pour enfants résonne entre les murs du ghetto. Une fausse abondance pour mieux cacher la Solution finale et son réel cynisme. Car en son sein, c'est la communauté juive pragoise elle-même qui se voit confier la tâche immonde de désigner ses semblables en partance pour l'Est.

Comment rester homme quand on vous réduit à un numéro ? Comment résister face à la déshumanisation ? L'éducation et l'écriture sont les solutions mises en place au coeur de Terezín. Les enfants vont à l'école, les artistes, les universitaires présents transmettent leur savoir et leur connaissance. Et eux, dans le secret de leur baraque, s'organisent en République, lui donne plus de sens qu'un simple système politique, lui donne la teinte d'un espoir, la couleur de l'humain. La République de Škid et son organe de presse clandestine, Vedem, un magazine publié au nez et à la barbe des bourreaux, des critiques littéraires, des dessins, de la satire et des poèmes. L'écriture comme un rempart à la bestialité. La poésie pour conserver sa dignité. À défaut d'éviter la mort, mourir en homme.

Mai 1945. le camp est libéré. La plupart des enfants de Terezín sont morts à Auschwitz-Birkenau, seul reste un enfant, épuisé, exsangue, désespéré. Mais il croise un regard, un regard myope, un regard d'huître. Robert Desnos vient d'arriver après une longue « marche de la mort ». Il est mourant, probablement atteint du typhus. Que se joue-t-il entre eux ? Se reconnaissent-ils comme semblables ? comme poètes, comme hommes libres ? Léo Radek le choisit, il veillera cet homme et l'accompagnera vers la mort.

Desnos, qui dans ses sommeils hypnotiques rêvait de rails, de trains et de l'Est. de la mort. de sa mort ? Dans le délire de la fièvre, dans la brume de la mort, il rêve encore. Il rêve à la vie, il revoit ses amitiés, parfois tumultueuses, ses coups de sang et ses colères, ses deux grands amours, la belle et terrible Yvonne, qui se refusa toujours à lui, abîmée par les hommes et par les drogues, et la séduisante et papillonnante Youki, celle qu'il refusa de laisser derrière, celle pour qui il ne fuira pas. L'amour et la liberté, ses deux grands combats, ses deux plus beaux engagements. Et la poésie pour les servir.

Lui et sa formidable pulsion de vie qui ne l'a jamais quitté, lui qui s'est laissé porter par sa bonne étoile, renonce pour la première fois. Il sait sa mort prochaine. Cet enfant, son dernier lien vers ce qu'il a été, son dernier espoir de transmettre ce qu'il est. Un homme libre, que la barbarie et la folie des hommes n'ont jamais pu briser. Une pulsion qu'il redonne à ce jeune garçon, un espoir qu'il lui rend, une vie qu'il lui offre. Et un ultime bonheur : celui de retrouver son nom avant de sombrer.

Et dans les cendres et dans les barbelés, repousse une fleur plus éclatante que la neige.

L'écriture d'Ysabelle Lacamp est merveilleuse et lumineuse. Un écho déchirant à celle de Robert Desnos, et un hymne puissant à la vie, à la poésie comme une force qui transcende l'horreur et la barbarie. C'est bouleversant, d'une beauté à pleurer, une ode fraternelle qui se dresse contre le malheur, contre la mort, contre l'oubli. Un récit généreux, essentiel, humaniste.

Comment meurt une étoile ? en éclatant en milliers d'autres étoiles.
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