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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Terrible de vivre avec le secret de Cléo.
Victime de prédateurs sexuels, mais aussi coupable d'avoir permis que d'autres adolescentes soient à leur tour victimes.
Lola Lafon a su nous donner à travers ce roman toute la complexité de la France des banlieues des années 80, des jeunes-filles qui pour réaliser leur rêve se laissent prendre dans les filets des prédateurs, du milieu si dur du spectacle et enfin en filigrane le secret, la culpabililité et peut-être enfin le pardon.
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On est en 1984, Cléo a 13 ans, enfermée dans une existence modeste qui ne lui convient pas. Elle trouve en la personne de Cathy l'espoir d'un avenir, de pouvoir enfin accéder à ses rêves tissés de danse. Mais elle tombe dans un piège savamment préparé, sexuel, monnayable jusqu'à jouer le rôle de rabatteuse dans son collège. On est en 2019, l'affaire refait surface, un appel à témoins est lancé. Il est temps pour elle d'assumer son fardeau, sa responsabilité de victime et de coupable.

Ce roman comme un kaléidoscope, 11 parties, 11 images de Cléo, son être diffracté. Chaque partie nous faisant la découvrir un peu plus, chaque partie avançant dans le temps, aussi. "Chavirer" raconte aussi le monde de la variété populaire des années 90 à 2000, leur horreur comme le visage et le quotidien de toutes ses femmes brillants sur les plateaux de "Champs-Elysées" ou sur la scène du Diamentelles, leurs faux sourires, leur joie fictive.

A travers le destin de ces filles, Lola Lafon nous impose une réflexion sur ces système de prédations, sur le droit au pardon ; où est donc la frontière entre victime et coupable ?

Ce roman est d'une beauté et d'une force extraordinaire, qui se dévore sans que l'on puisse le lâcher, emporté. On ne sent pas ces 350 pages passer, 100 de plus n'aurait pas été de trop. J'avais déjà lu la plupart des romans de Lola Lafon et elle ne cesse de m'étonner, son style évolu, tout comme ces intrigues, la force de sa plume, l'importance de son oeuvre.

L'auteure a aussi l'habitude de chapitres très courts, qui se lisent en une minute, certain faisant parfois moins d'une page.

"Chavirer" est, pour moi, un chez-d'oeuvre qui mérite un grand succès, et incarne le plus beau livre de ces dernières années, si vous ne l'avez pas encore lu, courrez chez votre libraire (ou sur son site en ce moment) !
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Surement un des romans qui a le plus fait parler de lui lors de cette rentrée littéraire 2020, en grande partie à cause de son sujet : les réseaux pédophiles. C'est un sujet qui fait un écho glaçant à l'affaire Epstein.

Cléo n'a que douze ans quand elle est abordée par une femme qui lui parle de la Fondation Galatée et l'entraine à devenir recruteuse à son tour. Mais à douze ans, Cléo ne sait pas la gravité de ce qu'elle fait ça la hantera tout au long de sa vie. Car sans le savoir, elle recrute parmi ses amies, des victimes pour un réseau pédophile.

Le texte est dur, certains passages sont immondes, le tout est porté par la culpabilité sans fin de Cléo. A travers elle mais aussi les personnes qui l'ont connue au cours de sa vie, on retrace son parcours jusqu'à l'absolution offerte par les témoignages lors de l'enquête sur la fondation. Ce roman est un coup de poing dans le ventre. On y découvre ou redécouvre la dureté du milieu de la danse, la passion dévorante qui anime les danseur.se.s qui sont prêt.e.s à tout pour réussir. L'autrice nous montre les biais de manipulation des réseaux pédophiles, la sélection des profils de victimes, la culpabilisation constante alliée à une valorisation des enfants.

Cléo est un personnage particulier, qui nous touche tout en nous rebutant. Car elle est aussi bourreau que victime. Parfois égoïste, elle s'enferme dans un monde rongé par la culpabilité. Je n'arrive pas à mettre des mots assez forts sur ce qu'elle m'a fait ressentir tant ce livre m'a chamboulée.

Lola Lafon nous décrit tout cela avec une plume incisive et en même temps plein de pudeur pour les violences sexuelles dont sont victimes ces jeunes filles. La narration qui parait décousue dans les premières pages, révèle son sens sur les dernières phrases et achève un tableau à la fois triste et plein d'espoir de pardon pour chacune.
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Je découvre Lola Lafon avec ce roman de la rentrée littéraire et c'est une véritable claque. le ton singulier et les chapitres courts maintiennent le lecteur dans le récit et j'ai été happé du début à la fin. L'auteure traite les mécanismes de prédation des hommes sur des adolescentes mais aussi la culpabilité subit par les femmes plus tard dans leurs vies (et les ambivalences pour elles qui vont avec).

Les pensées et les fonctionnements des nombreux personnages autour de Cléo sont très bien retranscrits et cela favorise l'immersion dans le récit. C'est un livre qu'on a envie de relire pour réfléchir à des passages, à des réflexions. Un livre important à prêter autour de soi pour en discuter.

« …elle s'est fabriqué un lexique du silence. L'horizon est empoissonné. »

Au passage je vous conseille l'écoute de l'émission récente de Marie Richeux (Par les temps qui courent sur France Culture) où Lola Lafon est invitée. Cet entretien prolonge à merveille la lecture du roman.
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Chléo a 13 ans dans les années 80, elle habite à Fontenay, dans la banlieue est de Paris et a grandi au sein d'une famille aimante de la classe moyenne. Chléo a un rêve : devenir danseuse professionnelle ; pas danseuses classique, non cela est réservé aux Domitille et autres Clarisse qu'elle a croisées dans un cours une année durant, mais danseuse de modern jazz, découvert à la MJC du coin. Quand Cathy, "plus belle qu'une mère et plus fascinante qu'une copine" se présente à la sortie de son cours de modern Jazz pour lui proposer de postuler à une bourse d'études de la Fondation Galatée, qui soutient "les adolescentes avec des projets exceptionnels", Cléo n'hésite pas une seconde, "prête à sauter toutes les cases du jeu".Et le jeu va s'avérer dangereux et dégradant.... encore plus lorsque Chléo, pour sauver sa peau, va accepter de devenir rabatteuse à son tour.
La narration, qui procède par sauts temporels et ellipses, est redoutablement efficace : elle place le lecteur pendant toute la 1° partie dans la situation d'un spectateur impuissant de tragédie : le lecteur pressent en effet très bien ce qui se cache derrière cette soi-disant fondation Galatée, mais il ne peut prévenir Cléo, il ne peut l'empêcher de se jeter dans la gueule du loup...comme tout personnage de tragédie, donc, Chléo inspire de l'empathie, de la pitié, aurait dit Aristote, jamais de jugement , même lorsqu'elle entraîne la jeune Betty , 12 ans, dans les Enfers, d'autant plus que Chléo va désormais vivre dans la honte et la culpabilité. D'autre part, la narration se distingue par son absence totale de complaisance envers les faits de pédophilie, évoqués le plus souvent par allusion,
Mais au delà de l'évocation d'un réseau pédophile, de ses conséquences à très long terme, sur les jeunes victimes , il y a aussi l'évocation de toute une époque et d 'un milieu : la classe moyenne dans les années 80, que Lola Lafon a vraiment l'art d'encapsuler de façon totalement vraisemblable. Elle écrit ainsi un roman politique, qui dépeint cruellement une sorte de résignation de classe. Elément central de ce roman, le corps est présenté comme un enjeu politique : corps abusé, fantasmé, martyrisé, instrumentalisé, corps qui dit la souffrance, la douleur, sans être entendu par les autres personnages, qui gravitent autour de ces danseuses et parfois pourtant spécialistes : kiné, habilleuses, amis, amant-e-s.... Ces personnages «  secondaires » font souvent l'objet de beaux portraits, c'est une des nombreuses qualités de ce très beau roman , à recommander vivement.
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Lola Lafon narre ici une histoire à travers les âges, croise les regards, brosse des portraits patinés dans le temps, des portraits de femmes abîmées dans l'enfance, porteuses de honte, de blessures crasses. Elle ne s'attarde sur rien, n'alourdit pas le sordide qui est dit mais qui n'a nul besoin de promotion, ne fouille pas le désespoir, ne scrute pas les failles, les symptômes, ne creuse pas davantage les travées qui courent dans les souterrains du terreau familial pour comprendre….Et pourtant, en quelques phrases, nous sommes projetés dans le quotidien d'une famille modeste, dans une cour de collège où une nuée d'adolescents grouille et tremble de ne pas savoir comment exister ; dans un studio au milieu d'une chorégraphie de corps endurés, endurants ; dans les coulisses d'un music hall au coeur des froufrous, plumes, strass et nudités….En quelques phrases, nous ressentons l'emprise refermer son piège sur les toutes jeunes filles animées par le rêve, le rêve qui seul les tient hors de l'eau, le rêve qui va devenir appât des perversités adultes. En quelques phrases, nous accompagnons la frêle Cléo, évanescente, naïve puis insaisissable, proie du silence qui emprisonne et qui coupe à la racine les élans vitaux nécessaires pour grandir. Cléo grandira mais en clandestine, dissociée donc étrange aux yeux de tous. Elle échappe à défaut de s'échapper du gouffre qui grossit en elle. Les rencontres amicales, professionnelles, amoureuses qui égrainent son parcours témoignent et ainsi étoffent son portrait, ajoutant des couleurs, des demi-teintes, des accros…Comment peut-on évoluer, faire une vie sans que jamais, ou pendant longtemps, personne n'arrête, ne stoppe la mécanique du déni destructeur, de la culpabilité infondée, malgré les manettes déposées dans les mains de la poupée manipulée, de la culpabilité fourbe et reine toute puissante au contrôle de tout ce qui anime, agit, aime.
Lola Lafon évite les écueils du tranchant, de la vision manichéenne, d'une colère qui aurait sa place mais qui effraie, essouffle le quidam. (Colère nécessaire pour dire un Non, un Je mais quelle est la place ensuite pour le débat et la réflexion à mener, faire société et préserver l'acte de nommer ? Impossible de ne pas penser au roman de Gabrielle Tuloup, Sauf que ce n'étaient que des enfants ici.)
Lola Lafon n'accorde que très peu de lignes aux responsables, ni en les diabolisant ni en les justifiant : juste ils sont et ils font. Seule la rabatteuse a un prénom car l'affectif est son arme, et happer, ferrer par le biais de la reconnaissance dont on a tous besoin pour se sentir vivant signe le mode de capture. L'auteure n'élude pas la souffrance mais à la façon de beaucoup de ces personnes à jamais marquées, elle empreinte la voix/ la voie de la sobriété, de la dignité, signes d'honneur ? D'une solitude surtout.
Cléo, Betty…sont des ombres qui évoluent au milieu de nous ; on compose avec leurs contours, on s'en contente. Heureusement certains verront plus loin, un peu, dépasseront la ligne floutée de la silhouette, un peu ; mais combien il est difficile d'approcher le centre et l'ouvrir à la lumière.
Lola Lafon ne décortique rien pour démontrer le réseau criminel, la vulnérabilité, les failles des victimes. Et c'est là selon moi toute la brillance de son écriture car derrière une simplicité apparente d'une fiction fluide à lire, se tapit, se faufile l'essence de qui nous sommes (Cléo, Betty, amis, proches, ex, collègues, voisins…) et que nous reconnaissons immédiatement car les mots se logent en nous. Ni tout noir, ni tout blanc ; jamais héroïques mais plus courageux qu'on ne croit ; culpabilisés de se sentir vulnérables ; éduqués souvent pour se taire, étouffer le soi ; reliés les uns aux autres, qu'on le veuille ou non on se construit contre ou avec ; dans une quête infinie d'amour et d'affection, donc de sécurité….Que tout a son revers, que tout peut basculer en son envers, le tout est de ne pas tomber ; tanguer, chavirer peut-être mais ne pas s'effondrer et revenir droit, à son endroit, debout.
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Roman remarquable, rythmé, construit à partir des différents témoins du parcours de vie d'une danseuse qui a été abusée (dans tous les sens du terme) à 13 ans. Victime ou bourreau ? Au fil des années, on voit Cléo se battre avec son corps et sa conscience.
Ce roman traite avec beaucoup d'humanité de sujets graves : pédophilie, image du corps des femmes, lutte des classes, ... On peut en avoir différents prismes de lecture : psychologique, sociologique, philosophique, politique, historique.
Sans que cela soit poussif, ce roman nous fait réfléchir. À mettre entre les mains de tous, dès l'adolescence, pour débusquer la pute qui est en chacun d'entre nous : "ces hontes minuscules, de consentir journellement à renforcer ce qu'on dénonce".
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Depuis quelques années, j'ai des rendez-vous avec Lola Lafon.
La petite communiste qui ne souriait jamais parce que j'ai toujours été fascinée par Nadia Comaneci et son célèbre 10.
Mercy Mary Patty, parce que le titre me rappelait le film Martha Marcy May Marlene.
Et chacun de ces rendez-vous m'emmène ailleurs, me touche profondément, m'émeut et me trouble.

Galatée : trois syllabes qui auraient du signifier l'espoir de devenir la création d'un pygmalion.
Galatée : dans ces trois syllabes, martelées tout au long du roman, la honte, la culpabilité, le dégoût, la souffrance.

En se plaçant au niveau de Cléo, victime de la fondation Galatée dans son adolescence, "face, victime et pile, coupable", et en lui opposant la vision d'elle qu'ont ceux qui l'ont connue, Lola Lafon pare son roman d'une ambivalence qui lui ajoute de l'épaisseur.

Mon nouveau rendez-vous avec Lola Lafon n'a pas fait exception à la règle.
C'est un texte fort qui m'a remuée, une plume qui me séduit, un point de vue qui me touche.
J'ai terminé la lecture frissonnante et la larme à l'oeil.
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Une succession de tableaux va dérouler la chronologie de 1984 à 2019. Lola Lafon nous ouvre la porte de l'esprit de huit personnages, le temps d'une soirée, de quelques jours ou quelques mois. Ces femmes et ces hommes racontent une histoire de culpabilité, de regards détournés, de mensonges, de secrets, de honte et de violence.
Permettant non seulement de découvrir les protagonistes qui ont tourné autour de Cléo pendant toutes ses années – et de découvrir Cléo par d'autres regards que le sien –, cette multiplication des points de vue est également impressionnante tant elle est intelligente, maîtrisée et percutante. Efficace, la narration ainsi déroulée en dévoile bien assez, tout en nous laissant une part de liberté pour imaginer ce qui n'est pas raconté.

C'est là un roman construit de chapitres courts qui s'enchaînent et captivent. Puzzle qui s'assemble peu à peu. Texte rythmé comme des pas de danse enchaînés jusqu'à l'essoufflement.
Une fois encore envoûtante, la plume de Lola Lafon offre des flashs, des instants, des scènes comme une vision éphémère. Un acte empli de parfums, de textures, de mouvements et de voix. Un concentré d'émotions qui m'a fait tourner la tête.
Dans la première partie, par exemple, le coeur et l'esprit de Cléo commence par nous plonger dans une danse tourbillonnante d'exaltation, d'étourdissement et d'excitation face aux rêves qui deviennent palpables, à la nouveauté et au luxe. Et quand les choses se gâtent, c'est tout aussi violemment que la peur et la nausée s'emparent de nous face à un chantage émotionnel impitoyable qui joue sur des désirs et des hontes d'adolescentes, sur une envie d'être différente, unique.
Mais attention, le tout sans scènes voyeuses et longuement descriptives des abominations vécues par Cléo : Lola Lafon est maîtresse du sous-entendu, celui qui t'épouvante davantage que les mots.

Page après page, la Cléo collégienne, lycéenne, danseuse, amoureuse se dévoile. Avec ses failles, avec son secret, avec ce gouffre qui toujours semble la séparer de celles et ceux qui ne viennent pas du même milieu modeste qu'elle, celle qui a été utilisée et fracassée par la cruauté des uns et l'indifférence des autres se fait également justicière pour les siens en dénonçant l'élitisme et les jugements bien arrêtés des classes aisées sur les divertissements populaires dans des échanges qui m'ont beaucoup touchée.

Une écriture élégante, entêtante, rythmée, pudique et touchant au coeur pour raconter ce drame parfois glaçant, souvent poignant, jamais larmoyant, sur la manipulation, la pédophilie, la culpabilité et le pardon.
Lien : https://oursebibliophile.wor..
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J'ai beaucoup aimé les deux précédents livres de Lola Lafon que j'ai eu la chance d'écouter avec grand intérêt, lors d'une rencontre lecteurs à l'occasion de la sortie de Mercy, Mary, Patty.
Chavirer est un livre important sur la descente aux enfers de très jeunes filles aveuglées par les perspectives d'avenir que leur fait miroiter une prédatrice dont elles sont admiratives (j'aurais d'ailleurs aimé que soit approfondi ce personnage). Les gamines de 13/14 ans tombent innocemment dans les griffes d'un réseau pédophile de quinquagénaires riches et parfois connus. Et, cela devient encore plus terrible, quand, à leur tour, certaines deviennent rabatteuses pour le réseau.
Plus tard, devenues adultes, souvent totalement brisées, elles prennent conscience de l'engrenage et du piège dans lequel elles sont tombées.
L'écriture de Lola Lafon est belle même si le récit n'est pas fluide. L'éclatement de la narration et de la temporalité et l'afflux de nouveaux personnages peut déstabiliser.
C'est un livre fort et un livre utile.
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