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sur 311 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Claire vit deux vies dans deux mondes séparés celui du petit village de Neussargues dans le Cantal d'où elle est issue et Paris où elle est «montée» pour poursuivre des études de lettres à la Sorbonne.
Parfois les deux mondes se rencontrent au hasard d'évènements, d'objets qu'elle croisent sur son chemin...
«Longtemps Claire avait tu ses enfances, non qu'elle en fût ni honteuse ni orgueilleuse, mais c'était un pays tellement autre et comme échappé du monde qu'elle n'eût pas su le convoquer à coup de mots autour d'une table avec ses amis de Paris. Elle avait laissé parler les choses pour elle, un morceau de frêne à l'écorce grenue, ou une ardoise festonnée de lichens roux qu'elle avait conservée au moment de la réfection du toit de la grange, dix ans après son départ.»
Mais l'éloignement est là, l'écart se creuse, géographique et dû au temps qui passe et qui sépare.
«Pays quitté, quitté comme on répudie, comme on déserte. Pour faire sa vie. La vie De Claire s'était faite dans la ville des études, ville foisonnante dont elle ne songeait pas à partir.»
Elle ne verra plus les choses de la même façon tout en restant attachée à ses deux pays. Devenue professeur, elle s'achètera une maison dans le Cantal et fera des allers et retour entre son appartement parisien et cette maison. Elle a besoin des deux.
Lors de la visite de son père et de son neveu qu'elle reçoit chez elle on peut mesurer malgré ce qui les lient, l'écart qui s'est creusé entre eux. Chacun a évolué différemment
au cours des années.

J'aime la sensualité et la gourmandise de Marie-Hélène Lafon qui sourdent de son écriture précise, ciselée, de ses phrases aux mots choisis qu'elle a dû faire tourner longuement en bouche.
Elle analyse peu les sentiments, reste à distance, le corps tient une très grande place dans ses livres.
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Impossible quand on est un provincial, issu d'une campagne pas si éloignée du Cantal, de ne pas retrouver de souvenirs personnels dans cette belle histoire familiale. Impossible de ne pas être touché par un itinéraire, ce « passage » que l'on a connu soi-même. L'objectivité n'est donc plus de mise dans la mesure où l'on ne peut réagir qu'avec son coeur.
Je ne peux donc que vous dire le plus grand bien de ce livre et je remercie son auteure (que j'ai découverte à cette occasion) de l'avoir écrit.
En nous racontant son enfance à la ferme, les travaux quotidiens, Marie-Hélène Lafon nous fait ici partager l'évolution d'une société rurale qui se meurt et il y a forcément de la mélancolie devant la disparition de ce monde. Un monde , un « pays », où l'on mange sa soupe en faisant du bruit.
Claire, l'héroïne, découvre qu'elle aime étudier et à partir de ce jour, elle sait que, même si elle aime aussi la ferme, elle ne peut pas envisager d'y construire sa vie. Ce sera donc d'abord le lycée avec son internat et les deux heures hebdomadaires de voyage en car. Et puis, la Sorbonne et la vie parisienne. Et là, Claire découvre qu'elle ne sera, malgré tout, jamais une vraie parisienne mais aussi qu'elle n'est déjà plus une vraie provinciale. On se retrouve n'être finalement de nulle part.
C'est juste (je peux confirmer), pudique, touchant, superbe.
Par ailleurs , l'écriture est belle et efficace. Il y a des effets de style, des observations et réflexions perspicaces qui rendent la lecture agréable et enrichissante.
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Ce livre de Marie-Hélène Lafon éclaire tous les autres. Qu'il s'agisse de «Gordana» à l'accent rauque des pays de l'est, «Mo» à la lisière de l'existance, où Annette qui fait le chemin inverse De Claire, dans «L'Annonce», il me semble que tous les livres de Marie-Hélène Lafon ont un point commun. Ils racontent le déracinement (le dé-paysement), le ré-apprentissage d'une langue, l'appropriation difficile de nouveaux codes. Changer de pays, de territoires ou de terroirs relève de la même expérience.
Mais là où certains restent dans la nostalgie du pays perdu, d'autres dans l'oubli volontaire de leur première vie ; le personnage De Claire dans «Les pays» a su construire des passerelles entre l'ici et le nouvel ailleurs ; partir et revenir sans rien renier du tout ; enrichie d'un nouveau regard où le lisse côtoie le rugueux ; le mot savant, l'expression populaire. L'écriture de Marie-Hélène Lafon est de haute couture, inventive, belle, sensible et possède cette justesse de ton qui émeut au plus profond.
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"Les Pays" fut mon premier Marie-Hélène Lafon, cadeau inattendu, et j'y reviens toujours, comme je suis revenue chez moi, après près de dix ans de vie parisienne.

Lire un roman de Marie-Hélène Lafon, le relire même, c'est s'offrir un moment hors du temps, suspendu et cadencé par la petite musique, si particulière d'une auteur qui manie les mots comme l'orfèvre manie l'or et le poinçon. Un moment pétri de grâce au creux duquel dansent les phrases qu'on voudrait lire puis dire à voix haute sans oser le faire, de peur que le son de nos voix ne viennent bousculer l'ordonnance parfaites des notes sur la portée.
On ne dira jamais assez combien Marie-Hélène Lafon semble aimer la langue et les mots, combien elle s'y entend pour les peser, les sous-peser, les poser pour en extraire -sans fioritures- le sens et la musique. La force et la beauté. Non contente de ciseler son texte comme d'autres cisèleraient le marbre, l'aurillacoise n'a pas son pareil pour retranscrire les sensations, les odeurs... La nostalgie aussi. le mal du pays ainsi que celui d'un monde qui disparaît.

Claire est née dans le Cantal. Fille et petite-fille de paysans, elle rêve d'une autre vie loin de ce monde âpre et besogneux qui laisse des callosités aux mains, de la terre sous les ongles et des âmes qui se meurent de solitudes. La jeune fille, elle, aime les livres et les études. Grâce à son travail acharné, elle "monte" à Paris étudier à la Sorbonne. Lettres Classique. Latin et grec. de ces lettres ardemment déchiffrées, elle fera son métier puisqu'elle deviendra professeur; de la ville Lumière, elle fera son chez elle. Pour autant le Cantal, son "pays" ne la quittera jamais vraiment. Tout en adhérant pleinement à son nouveau monde d'encre et de papiers, tout plein des fracas du périph et des beautés du Quartier Latin, tout en s'en imprégnant, elle garde au coeur sa terre natale, même si les années passant, elle la sent qui s'éloigne.

Dans une prose toujours aussi ample et lumineuse, Marie-Hélène Lafon nous raconte un monde rural qui s'efface douloureusement au profit d'une urbanisation dévorante et n'a pas son pareil pour dire -sans clichés, sans pathos- la fierté du monde paysan et la beauté des campagnes tout en nous offrant un très beau portrait de femme, sensible et précis.
Elle nous dit aussi la saveur des mots et de cette langue qu'on parle sans y penser, écrin précieux d'une histoire toute simple.
Matériau sensible pour pays poignant, odeur de pluie et de terre mouillée sur les lumières de Paris.
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Claire est « montée » à Paris pour faire ses études supérieures de lettres classiques à la Sorbonne.
Elève studieuse au pensionnat, elle se retrouve solitaire et besogneuse sur les bancs de la fac : son Cantal natal a laissé en elle une empreinte indélébile qui la tient à distance de la légèreté et de la frivolité parisiennes.
Rien de léger en Claire ; absorbée par des études exigeantes, elle rechigne à se défaire de sa gangue paysanne, alors elle travaille et elle observe ses congénères et la facilité déconcertante avec laquelle ils ont apprivoisé des arts dont elle n'avait jamais entendu parler…
Et Claire, elle aussi, finit par apprivoiser la ville, ses bruits, ses odeurs, la promiscuité, et prendre une certaine distance avec la ferme, le pays et sa famille ; elle finit, sans devenir une autre, par absorber la ville tout en conservant ses attaches terriennes et paysannes.
Tout en racontant un monde qui meurt, le monde des paysans, forçats de la terre et esclaves de leurs bêtes, Marie-Hélène Lafon évoque un passage , le sien , qui est aussi celui de beaucoup de provinciaux « montés » à la capitale, je m'y suis également reconnue… et c'est avec une langue virtuose et profondément charnelle qu'elle relate cet arrachement et cette métamorphose.
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Un roman, ou quelque chose qui y ressemble, avec des aspects qui ont des allures autobiographiques. Claire, une fille de paysans du Cantal, raconte sa vie, enfin quelques moments importants. D'abord une visite à Paris, pour le Salon de l'Agriculture, avec son père et son frère, dans son enfance. Puis ses études à la Sorbonne, en lettres classiques, quelques rencontres, son rapport au savoir. Puis, une visite de son père devenu vieux avec son petit fils chez cette fille divorcée désormais, vivant dans la capitale, devenue enseignante.

En arrière plan, la vie paysanne, les travaux, les modes de vie, en train de disparaître. le père a la sensation d'avoir été le dernier de sa lignée à avoir connu cette vie, il sait que les enfants et petits enfants ont basculé dans un autre monde. Lors de chacune venue à Paris, c'est comme si deux univers, deux époques, se rencontraient, chacun restant dans son fonctionnement. Claire est celle qui arrive à faire à le passage de l'un à l'autre, qui peut se mouvoir à l'aise dans les deux, sans paraître déplacée, en visite. Et qui tient visiblement à garder ses deux appartenances. La petite fille de la campagne, qui n'avait pas les mêmes codes culturels que ses condisciples, qui restait à part, s'est acclimatée, est devenue une citadine, une intellectuelle, mais reste attachée à ses racines, à ses souvenirs, à son enfance.

Je m'émerveille à chacune de mes lectures de Marie-Hélène Lafon de cette écriture somptueuse, magistrale, pourtant appliquée à des existences modestes, à des petites gens dirait-on maintenant, à des petits événements. Mais il y a comme une capacité à voir de la beauté dans le quotidien, dans n'importe qui, qui donne sens et dignité, et une forme de joie, alors que la tristesse et la nostalgie guettent ces destins. Il y a aussi cette discrétion et pudeur qui font que la narratrice se met en retrait, parle bien plus des autres que d'elle-même, comme si elle était moins intéressante, moins légitime, comme si elle existait moins.
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Claire, née dans une ferme au milieu du Cantal, monte à Paris pour faire des études de lettres classiques. Trois courts récits – trois moments privilégiés – forment le recueil des « Pays » de Marie-Hélène Lafon. Et tentent de parler de ces pays multiples qui nous habitent : ceux de l'enfance, d'où l'on vient, ceux de la capitale, où on étudie, mais surtout celui de son pays intérieur, fait de la confrontation de deux univers opposés, composant alors un troisième continent tout aussi intéressant que les deux autres.

Le premier récit raconte le premier contact avec la capitale, quand Claire est encore une enfant, à l'occasion d'un Salon de l'Agriculture.
Dès les premières phrases, le ton est donné :
« On resterait pour quatre jours. On logerait à Gentilly, dans la banlieue, chez des sortes d'amis que les parents avaient. » Premier voyage avec le père, « la fille et le garçon » : Claire et Gilles. Premier dépaysement, première perte de repères, sauf quand on retrouvera les vaches salers et qu'on y retrouvera une connaissance avec qui on « avait été en affaires, pour du fourrage ».
Avec beaucoup de tendresse, Marie-Hélène Lafon utilise des expressions paysannes, comme celle-ci à propos de cet Henry chez qui la famille loge : « On les voyait à Pâques, et en août ; ils venaient deux ou trois fois par saison, avec la soeur aînée de Suzanne, Thérèse et son mari qui faisaient une grosse propriété plus haut encore dans la vallée, au pied du puy Mary ». Mais avec Marie-Hélène Lafon on n'est jamais dans le folklorique : comme dans « L'annonce » tout est juste, en toute authenticité.


Derrière la tendresse, de vraies questions, comme celle de l'avenir de l'agriculture : agonie probable selon le père, espoir d'une adaptation possible pour Suzanne – l'avenir est de toute façon incertain. On pense à Raymond Depardon et à son talent pour raconter la paysannerie derrière une caméra.

Le second récit est mon préféré : Claire est montée à Paris pour étudier les lettres classiques à la Sorbonne, après des années de pensionnat réussi à St Flour.
Plaisir des mots que Claire apprend – plaisir du lecteur qui les déguste avec elle découvrant cet univers : « le pensionnat de Saint-Flour lui semblait très confiné, très douillet et très lointain depuis les amphithéâtres de la Sorbonne orgueilleuse où elle s'évertuait depuis plus de sept mois, bientôt huit, à traduire à usage interne et exclusif l'idiome étourdissant dont usaient les mandarins chargés de dispenser les cours magistraux ». Mandarins, cursus, idiome : autant de mots nouveaux que Claire goûte avec sa bouche – et nous avec.

« Ce premier été de Paris fut aussi celui de ce qu'elle nommerait plus tard la leçon du corps ». Tout est dit dans cette phrase : ce sont les sens qui guident Claire au hasard de la ville, comme cette odeur de pelouse fraîchement tondue qu'« elle emporterait avec elle dans le métro et garderait au chaud ». Son rapport au monde est organique : Claire éprouve la capitale par ses cinq sens, et ce sont ces sensations que l'auteure nous traduit avec brio , d'où ce côté si vivant de son écriture.

Vocabulaire ciselé, image de L'Iliade se mêlant à celle du cadre parisien du 13ème arrondissement de Paris, style précieux, tout y est. Précieux, mais jamais pédant.

Dans cette seconde partie, Marie-Hélène nous brosse une galerie de portraits très vivants : celui de ce professeur de grec qui « n'a pas soutenu » mais qui invite ses élèves à la veille des congés scolaires, celui d'une camarade de classe, Lucie, qu'a priori tout oppose (l'origine très bourgeoise normande contre origine paysanne auvergnate de l'autre), portrait d'un Jean-René étrange et solitaire qui disparaît mystérieusement de la faculté.

Mais le plus savoureux reste à venir : Claire, pour financer ses études, passe ses deux mois d'été au guichet d'une banque. Marie-Hélène nous livre un portrait très réussi de Mme Rablot, inamovible caissière, mais elle aussi fille de paysans, « douze vaches de la grande époque » et nous raconte les tribulations sentimentales de leurs collègues de la banque, Jean-Jacques et Marie-Christine.

D'où vient alors que cet usage du « on », dit impersonnel, rende cette histoire paradoxalement si personnelle ? Marie-Hélène Lafon parle de notre vie à tous : combien de nous ont quitté leur pays d'origine, comment fait-on quand on s'en va, que devient-on quand on emporte avec soi tout un pays d'enfance et qu'on s'incarne ailleurs ? Marie-Hélène cherche à faire rendre gorge au réel. Elle décrit minutieusement la ville et son univers minéral de promiscuité et d'odeurs différentes. Elle décrit le dépaysement. Et tout le monde peut s'y reconnaître.

Le troisième et dernier récit bouclera le recueil des pays. Avant que Claire ne revienne vers sa classe, un dimanche soir de retour de son pays d'Auvergne, elle croise dans la Gare de Lyon le regard d'une petite qui mendie. de quel pays est-elle ?

Claire, elle, a au moins deux pays : « Elle a deux endroits où aller, un terrier dans la ville minérale, et un autre, là-haut, qu'elle appelle son terrier des champs, les terriers sont garnis, elle s'y tient au chaud ». C'est son pays volcanique qui lui a donné son élan organique, son feu vital. Divorcée, sans enfant, c'est elle maintenant qui va attendre son neveu à la Gare de Lyon, en compagnie de son grand-père, effet miroir du premier récit où elle abordait Paris pour le Salon de l'Agriculture. Et c'est sur le portrait de son père, visitant le Louvre, qu'on referme la porte avec elle. Sur la pointe des pieds, comme pour garder en soi le charme de ce récit, nourri d'une formidable écriture.

Lien : https://www.biblioblog.fr/po..
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Il existe des livres qui prennent un tout autre chemin, plus subtil, plus intime, souvent des ouvrages personnels, autobiographies quelquefois déguisées, récits de jeunesse, d'initiation, ... Ils nous attrapent dans leurs phrases pour ne plus nous lâcher. Ceux là ne bousculent pas, mais font résonner en nous des émotions plus intimes, souvent reliées à notre vécu.
"Les pays" de Marie-Hélène Lafon est un de ceux là. Si je devais raconter l'histoire, elle se résumerait à deux ou trois éléments, à première vue peu palpitants. Mais c'est tout l'art d'un grand écrivain de nous intéresser à une jeune fille quittant son Cantal natal pour aller étudier le latin et le grec à la Sorbonne. Bûcheuse et solitaire, nous la suivrons dans sa découverte d'un monde où tous les codes sont à découvrir et à intégrer.
Au premier abord, cela rappelle le dernier roman de Benoît Duteurtre "A nous deux, Paris !" sur le thème de la montée d'un provincial à la capitale. Mais là où le premier essayait de nous intéresser aux péripéties culturo-musicales d'un jeune homme un peu naïf, "Les pays" préfère ausculter comment cette immersion dans un univers inconnu, est vécu, de l'intérieur et combien il est difficile pour une jeune fille sage et douée, de se détacher de son enfance paysanne.
Avec de longues phrases, aux mots choisis, Marie-Hélène Lafon m'a énormément ému. Ses phrases sont justement si enveloppantes qu'elles arrivent à faire resurgir une multitude d'émotions oubliées. Je défie quiconque qui, un jour, a du quitter un milieu familial rural ou ouvrier pour la ville et ses attraits, de ne pas se retrouver dans ces pages. Tout y est admirablement rendu, simplement, intimement sans aucun voyeurisme. Cette enfance terrienne qui est dans les veines De Claire, l'héroïne, restera enfouie en elle, mais elle apprendra à la camoufler derrière les codes de cette bourgeoisie pas encore bobo. le passage de l'une à l'autre est formidablement décrit jusque dans ses moindres détails. C'est délicat sans être mièvre, c'est rendu subtil par un vrai travail d'écriture au pouvoir hautement évocateur.
Comme l'héroïne, j'ai quitté mon milieu de naissance régional pour aller étudier et travailler dans une grande ville. J'ai retrouvé en lisant "Les pays" toutes ces émotions, mélange de honte et de fierté, d'étonnement et de curiosité, de défi et de retenue qui ont émaillé mes années d'apprentissage à une vie urbaine privilégiée.
J'ai passé un moment précieux à la lecture de ce très beau roman.
Un peu plus sur le blog
Lien : http://sansconnivence.blogsp..
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Lire Marie-Hélène Lafon, c'est s'embarquer sur un fleuve que conduit un récit impulsé par de longues phrases et rythmé par de plus courtes, un récit étonnamment attachant, surtout lorsqu'il parle des détails de la vie quotidienne, de la vie des gens simples.
Tout commence avec un départ pour Paris, en train, même si le père aurait préféré voyager en voiture… Claire fait partie des deux enfants accompagnant leurs parents et c'est elle que nous allons suivre tout au long de ce livre où l'auteure semble avoir mis beaucoup d'elle-même.
Sans cesse, elle nous ramène dans ce Cantal qu'elle a laissé pour étudier dans la capitale, tout donner pour réussir ses études puis enseigner, sans oublier le pays du Saint-Nectaire et toutes les difficultés, toute la peine de ceux qui tentent de rester pour vivre et travailler sur place.
Après la visite décevante au Salon de l'agriculture, voici la Sorbonne et un professeur de grec remarquable qui invitait ses étudiants, en fin d'année, après la publication des résultats. Claire détaille sa propriété et note, à propos d'un cerisier méritant une taille sévère : « … sachant que l'on verserait sa procrastination au compte déjà bien garni des atermoiements inhérents aux littéraires éthérés. » Quel vocabulaire !
Les années d'internat sont aussi évoquées, comme ces rares amies liées à Claire qui n'hésite pas à consacrer la presque totalité de son repos estival à travailler au guichet d'une banque. le hasard lui fait rencontrer un Pays, magasinier à la bibliothèque de la Sorbonne et c'est tout le Cantal qui revient…Plus loin, elle explique sa réussite aux examens : « Elle avait fiché, compartimenté, absorbé sans fin, en brute méthodique. Elle avait ruminé, digéré et recraché. »
Nous la retrouvons à la quarantaine, de retour du pays, gare de Lyon où elle remarque : « Les filles des affiches sont des bêtes longues et maigres au pelage soigné, elles vendent des produits, elles sont dressées pour ça et appointées. » Finalement, elle reconnaît avoir deux terriers : un dans la ville minérale et un autre, là-haut, « son terrier des champs »
Pour finir "Les Pays", voici le père De Claire à Paris, dans le métro, au Louvre et ses réflexions sont savoureuses mais le constat est simple : « le bref séjour annuel à Paris permettait au père de mesurer la distance creusée entre Claire et lui par cela même qu'il avait toujours souhaité pour ses filles, la réussite dans les études et un métier stable.


Lien : http://notre-jardin-des-livr..
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Claire quitte ses racines, l'endroit qui l'a vu naître ; les siens à la ferme familiale puis les paysages du Cantal, ses odeurs, ses coutûmes, les sons qui y résonnent... tout cela est ancré en elle. le pays qui l'a vu grandir. Comme beaucoup de jeunes gens de la région, elle monte à Paris y poursuivre ses études.
S'arracher à ce pays aimé malgré tout, pour continuer sa vie, en apprendre davantage, s'insinuer dans un univers empli d'art, de littérature, de musique. Assimiler, acquérir des connaissances. Apprendre la ville, découvrir d'autres parfums, d'autres bruits, une autre atmosphère. Appréhender un nouvel espace, une autre géographie, d'autres gens, une mentalité et des habitudes différentes. Un autre pays. S'éloigner des siens pour aller au-delà, pour repousser des limites imposées jusqu'alors. Poursuivre son apprentissage de la vie. Mais ne jamais oublier son pays originel.
Sur les bancs de la Sorbonne, Claire entreprend l'étude des langues mortes. Assidue, courbée sur son travail, elle lève à peine les yeux, par peur peut-être mais surtout pour ne pas s'étourdir, ne pas être divertie. Elle s'applique. Les saisons se succèdent, et avec constance et sérieux, elle étudie. L'été, elle reste à Paris, travaille dans une banque. Peu de gens traverse son existence, quelques hommes passent furtivement, seule Lucie la fascine. On la sent mal à l'aise avec l'image qu'elle renvoie, ou plutôt avec celle qu'elle pense renvoyer aux autres. – j'ai beaucoup aimé le passage sur le pantalon rouge qu'elle désire tant –.
Elle saura apprivoiser le monde citadin. Loin du monde paysan avec ses difficultés, son âpreté, ses silences, elle s'ouvrira mais conservera toujours sur elle l'essence et l'empreinte de celui-ci. Elle deviendra enseignante, transmettant à son tour la connaissance, celle-là même qu'elle était venue chercher. Un pied à terre à la campagne, un appartement à la ville, elle navigue désormais entre ces deux lieux. Elle a besoin de l'un comme de l'autre. Claire a trouvé un équilibre.
Une écriture des sens, charnelle. Tout passe par le corps, les sensations traversent Claire. On sait finalement peu de choses sur la personnalité de la jeune femme. Il y a une distance, un territoire tout autour d'elle qu'on approche peu. Et qu'est-ce que c'est beau.
Lien : http://lesmotsdelafin.wordpr..
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