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sur 312 notes
Les Pays
Marie-Hélène Lafon
Roman (8)
Buchet/Chastel, 2012, 203p


Ce petit roman commence par une citation de Delacroix, mise en exergue : Nous ne possédons réellement rien ; tout nous traverse.
Est-ce un roman ? Ou alors un roman autobiographique ? Ou un roman dans lequel nombreux sont ceux qui retrouvent leur propre vie ? On pense à Annie Ernaux, mais chacune des deux autrices a une patte bien à elle. Quand on lit Marie-Hélène Lafon, on l'entend parler, avec une âpreté certaine qui la caractérise. C'est un flux continu qui donne de très longs paragraphes avec un minimum de ponctuation.
Le roman parle de Claire, une fille de paysans D Auvergne, d'un petit village du Cantal. A Claire, l'école va très bien, beaucoup mieux que les travaux agricoles, qui la fait entrer dans le monde des mots, tous les mots, et notamment les anciens, ceux qu'elle a plaisir à rechercher, presque une langue étrangère pour celle qui parle un autre français avec ses parents à qui elle ne parle pas, contrairement à Annie Ernaux, de ce qui se passe dans ce lieu. Elle est pensionnaire sept ans dans une institution de Saint-Flour, puis elle monte à Paris faire, grâce à une bourse, des études de Lettres Classiques à la Sorbonne. Elle reviendra très peu chez elle, travaillant l'été dans une banque, où on apprécie sa modestie et sa réserve. Elle observera ce qui la sépare des autres étudiants, notamment deux étudiantes venant d'un milieu aisé et lettré. Elle goûtera Flaubert.
Enfin, le lecteur la voit à 40 ans, professeur, ayant appris et apprivoisé la ville qu'elle aime et où elle se sent à sa place, et recevant son père qui lui aussi observe l'étrangeté du lieu et de la manière de vivre de sa fille qui ne veut pas d'enfants, et son neveu, le fils de sa soeur sage-femme, qui aime musées et monuments, et ne vient pas dans la capitale pour le Salon de l'agriculture. Ne sera resté à la ferme que le fils, demeuré célibataire, et qui n'était pas fait peut-être pour être agriculteur.
Le livre est intéressant parce qu'il raconte une vie, et qu'il évoque un monde paysan qui disparaît. Il montre aussi que l'école peut être un moyen de se choisir une vie qui correspond à ce qu'on est. Il est écrit dans une langue très typée.
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📚 Un texte en trois actes ; Claire va monter à Paris pour ses études à la Sorbonne et devenir enseignante.
🖊Son rapport avec ses racines ancrées dans la terre du Cantal, avec sa nouvelle vie citadine, est au centre du texte. Par le regard que porte son père sur la ville, sur la vie. Par le regard qu'elle-même porte sur sa vie, sur l'endroit d'où elle vient (la source, dirait Marie Hélène Lafon).
🙂 On devine une part personnelle dans le texte ; Claire et MH Lafon n'ont-elles pas suivi le même chemin ?
🤩 Un texte encore une fois admirablement écrit. Ciselé. Littéraire. Surtout dans la voix de Claire, elle étudie à la Sorbonne (le dictionnaire m'aura été utile parfois). Mais j'ai trouvé qu'il manquait d'un peu de chaleur, d'émotion, surtout dans la voix de Claire.
🤩 Si vous êtes un inconditionnel, lisez-le, vous y retrouverez l'univers de l'autrice. Si vous ne connaissez pas encore sa plume, je vous conseille de commencer avec un autre. Les derniers indiens, le soir du chien, ou Les sources, me paraissent plus adaptés pour découvrir son écriture si belle, si particulière.
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Il y eut d'abord la Claire des champs, née en terre paysanne, dans ce Cantal aujourd'hui dépeuplé qu'elle nomme son "pays premier".
Puis vint la Claire des villes, les brillantes études de lettres classiques à Paris et l'effervescence culturelle d'un quartier latin aux allures de "nouveau pays".
Deux pays, donc.
Deux salles, deux ambiances. Une première vie puis une seconde, la ferme familiale cernée de calmes pâturages et puis la ville immense, bruissante de mille vacarmes, riche de surprises et propice aux rencontres. Deux plans qui se superposent, deux strates d'existence et Claire au beau milieu, qui se tient là précisément, "à l'exacte croisée des temps, des lieux et de ses deux mondes soudain embrassés".

Quel plaisir alors que de voir se mêler, sous la plume toujours si joliment travaillée de Marie-Hélène Lafon, ces univers pourtant si distincts ! le premier s'éteint peu à peu, phagocyté par le second, mais tous deux façonnent à parts égales la personnalité de cette jeune femme réservée, curieuse et cultivée, qui adopte finalement sans mal les codes de le vie citadine sans pour autant oublier ni renier ses racines rurales.
En effet, si l'essentiel du roman se déroule à Paris (plus exactement entre les bancs de la Sorbonne, le petit appartement du XIIIème arrondissement et le guichet de la banque où la future enseignante travaille l'été pour financer ses études), les souvenirs du Cantal ne sont jamais bien loin, heureuses réminiscences portées par un courrier, une photo de famille, le fumet d'une terrine ou d'un saint-nectaire.
Et quelle sensibilité alors dans les évocations de cette terre lointaine, quelle finesse dans l'écriture, quelle justesse dans le savant mélange de parler régional et de langue érudite !

Car la prose de Marie-Hélène, c'est quelque chose !
Marie-Hélène ne dit pas "prédiction", elle dit "vaticination".
Elle ne dit pas "guindé" ou "apprêté" , elle dit "gourmé".
Elle ne dit pas "vêtement" mais "vêture".
Elle n'entasse pas, elle encaque.
Elle ne parle pas de "paradis" mais "d'empyrée", revendique certaines affinités avec le subjonctif plus que parfait, et exhume de son ébouriffant dictionnaire des "gynécées", des "fatrasies" et autres "irénismes"...
Bref, Marie-Hélène fait du Lafon, et c'est encore une fois très réussi ! Peut-être certains lecteurs chagrins considéreront-ils qu'elle s'offre là un exercice de style un peu ampoulé, et qu'outre les exposés minutieux des états d'âme de Claire et les quelques portraits auvergnats ou parisiens de ses proches, elle n'a pas finalement grand chose à nous dire.
Peut-être, leur répondrai-je, mais elle le dit tellement bien !

Richesse du vocabulaire, maîtrise de la langue, approche subtile des thèmes de l'absence, de l'exil et du temps qui passe : voilà un petit livre précieux, d'une grande délicatesse, qui parlera à tous les "déracinés".
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On a tous vécu ces moments où, arrivant petit nouveau dans une cour de récré, dans une soirée, dans une réunion, on a l'impression de ne pas faire partie du club, de ne pas avoir les codes, l'attitude qui faut. Il manque quelque chose, ou il y a un détail en trop pour passer cette cloison de verre qui vous empêche « d'en être ».
Ça me rappelle ces cours de sport durant lesquels je me sentais déguisée, avec mes baskets toutes blanches et mon jogging tout neuf. Les autres me semblaient…cool naturellement. Avec l'expérience et l'âge, je me rends compte que j'étais juste entrain de grandir et d'effectuer ma principale mue : l'adolescence. Cette période où on fait le tri entre ce que l'on nous a appris, ce qu'on a envie de casser pour passer à autre chose, ce qu'on choisi de garder comme des valeurs fondamentales. Comment on s'imprègne du reste du monde et quelle place on envisage d'y tenir.
Ce roman c'est tout ça. le choc de la rencontre entre Saint Nectaire et laverie automatique du quartier chinois, cet accent et la façon de s'habiller qui vous catalogue en provinciale montée à la capitale. La vraie question est de reconnaître ses vrais alliés : sont-ce les « pays » ceux qui comme vous sont égarés dans la ville étrangère et ont le bon goût de vous remémorer le petit village, ses vaches et l'atmosphère agricole et familière qui de loin paraît comme un cocon et de près comme une prison ?
Ou ces gens qui ont les codes de la capitale et vous accueillent dans leur communauté, comme un élément apportant une touche d'exotisme rafraîchissante, un faire valoir de leur supériorité sur le reste du monde ?
J'ai bien apprécié ce roman assez court qui pourtant parvient à balayer tous ces questionnements. Il a, et c'est un compliment, la tonalité des romans français des années 70.
J'ai vérifié l'année d'édition pour être certaine de n'avoir pas fait d'erreur,
Alors, faut-il le lire ? Oui !! Gloire au Saint Nectaire, à déguster sur le Pont de Arts à la tombée du jour. de mon côté j'ai tranché : dès la fin du lycée, libérée de la contrainte scolaire, j'ai arrêté de porter des joggings. Et je me sens cool. Différente. Naturellement.
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Claire, jeune fille issue de la campagne vient faire ses études à Paris. A hypokhâgne elle ne s'autorise aucun loisir tout est travail. Elle pense à sa famille, à ce milieu de travail qu'elle n'aime pas mais qui est quand même le sien.
Le père vient la voir une fois l'an mais il n'est pas à sa place dans ce milieu urbain qui lui est étranger.
Meme sa propre fille lui devient étrangère........................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................


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Claire quitte le Cantal, « son pays » natal pour un autre « pays », Paris, pour faire ses études à la Sorbonne. Elle raconte son parcours de jeune provinciale parmi des étudiants de classes sociales plus aisées. Elle vient de la campagne et ses parents sont agriculteurs. La littérature et la culture de manière générale ne sont pas leur tasse de thé. Son père d'ailleurs ne comprend pas son envie d'étudier les lettres classiques à Paris. Ce n'est « pas du rôti pour elle ». Mais il a bien compris qu'elle n'a pas la fibre agricole.
A la bibliothèque, elle rencontrera un bibliothécaire qui vient du pays. Un point commun qui permet de converser et de faire connaissance, de se « reconnaître » entre gens du pays. Elle délaisse son enfance pour devenir une femme, s'émanciper.
On parcourt les rues de Paris avec elle. Elle y passe ses étés pour travailler deux mois dans une banque et gagner de l'argent pour ses études. Quand elle passe du Cantal à Paris, lors de ses rares visites à ses parents, on sent une rupture entre ces deux mondes. Elle est différente selon qu'elle se trouve dans l'un ou l'autre lieu.
Elle raconte son métier de professeur et plus tard les visites de son père avec son neveu, deux fois par an, dans son petit appartement. Elle se transforme alors en guide et les emmène de musée en monument, en passant par le cinéma. Elle essaye de ne pas trop bousculer les habitudes de son père, de cohabiter quelques jours.
Un roman autobiographique en trois parties qui permet de mieux cerner Claire, un des personnages notamment de son dernier roman « Les Sources ». Vous l'aurez compris, Claire est son double.
Et puis il y a cette phrase issue de ce roman, citée par Laurine Roux récemment lors d'une rencontre « Un endroit où aller » : « Lire écrire c'était comme respirer, inspirer expirer, de tout le corps. » Marie-Hélène Lafon écrit comme elle respire et c'est beau. L'écriture dans ce roman de 2012 est déjà reconnaissable, concise et précise, même s'il y a davantage de descriptions.
Bref je poursuis ma #lafonmania et mes lectures toujours aussi passionnantes de l'oeuvre remarquable de Marie-Hélène Lafon.
Lien : https://joellebooks.fr/2023/..
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Qu'elle est belle cette histoire de Claire qui doit en certains points tant ressembler à celle de Marie-Hélène… et de tant d'autres.

Claire, montée à Paris pour s'immerger dans l'étude du Grec ancien puis qui y fera sa vie, faisant face à des réminiscences non pas de Monédières mais de Saint-Nectaire ; un pied dans chaque pays.

Enfin, comme de coutume, la très belle écriture de Marie-Hélène Lafon qui emballe fort bien ses histoires.

Très plaisant à lire.
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De longues phrases qui sont comme des lianes qui peu à peu enveloppent le lecteur. Marie-Helène Lafon écrit pourtant une histoire simple, celle de Claire qui évoque "ses" pays, son pays d'origine d'abord , les hauts plateaux du Cantal sur lesquels se trouve la ferme familiale dominée par l'image de son père, un homme fier d'une "autre époque". Son 2ème pays, c'est Paris, qui fut la ville où elle vécut pendant ses études et plus tard dans sa vie professionnelle.
Deux pays, deux mondes, très éloignés l'un de l'autre et qui vont successivement habiter Claire, sans jamais s'effacer pour autant. En effet, les paysages et les impressions de l'enfance reviendront souvent, au hasard d'un lieu, hanter l'héroïne au coeur même de son existence parisienne.
Un livre très bien écrit.
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"Les Pays" fut mon premier Marie-Hélène Lafon, cadeau inattendu, et j'y reviens toujours, comme je suis revenue chez moi, après près de dix ans de vie parisienne.

Lire un roman de Marie-Hélène Lafon, le relire même, c'est s'offrir un moment hors du temps, suspendu et cadencé par la petite musique, si particulière d'une auteur qui manie les mots comme l'orfèvre manie l'or et le poinçon. Un moment pétri de grâce au creux duquel dansent les phrases qu'on voudrait lire puis dire à voix haute sans oser le faire, de peur que le son de nos voix ne viennent bousculer l'ordonnance parfaites des notes sur la portée.
On ne dira jamais assez combien Marie-Hélène Lafon semble aimer la langue et les mots, combien elle s'y entend pour les peser, les sous-peser, les poser pour en extraire -sans fioritures- le sens et la musique. La force et la beauté. Non contente de ciseler son texte comme d'autres cisèleraient le marbre, l'aurillacoise n'a pas son pareil pour retranscrire les sensations, les odeurs... La nostalgie aussi. le mal du pays ainsi que celui d'un monde qui disparaît.

Claire est née dans le Cantal. Fille et petite-fille de paysans, elle rêve d'une autre vie loin de ce monde âpre et besogneux qui laisse des callosités aux mains, de la terre sous les ongles et des âmes qui se meurent de solitudes. La jeune fille, elle, aime les livres et les études. Grâce à son travail acharné, elle "monte" à Paris étudier à la Sorbonne. Lettres Classique. Latin et grec. de ces lettres ardemment déchiffrées, elle fera son métier puisqu'elle deviendra professeur; de la ville Lumière, elle fera son chez elle. Pour autant le Cantal, son "pays" ne la quittera jamais vraiment. Tout en adhérant pleinement à son nouveau monde d'encre et de papiers, tout plein des fracas du périph et des beautés du Quartier Latin, tout en s'en imprégnant, elle garde au coeur sa terre natale, même si les années passant, elle la sent qui s'éloigne.

Dans une prose toujours aussi ample et lumineuse, Marie-Hélène Lafon nous raconte un monde rural qui s'efface douloureusement au profit d'une urbanisation dévorante et n'a pas son pareil pour dire -sans clichés, sans pathos- la fierté du monde paysan et la beauté des campagnes tout en nous offrant un très beau portrait de femme, sensible et précis.
Elle nous dit aussi la saveur des mots et de cette langue qu'on parle sans y penser, écrin précieux d'une histoire toute simple.
Matériau sensible pour pays poignant, odeur de pluie et de terre mouillée sur les lumières de Paris.
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Un livre en trois parties.
La première, c'est l'enfance de Claire dans la ferme familiale située dans le Cantal.
La deuxième c'est sa vie d'étudiante à Paris, à la Sorbonne.
La troisième c'est sa vie de femme, professeur à Paris qui reçoit deux fois par an son père et son neveu dans son appartement parisien.
Nul doute que c'est très autobiographique.
Mais Marie-Hélène reste en retrait, s'efface derrière Claire.
Les pays, celui que l'on quitte, celui de l'enfance.
Et puis celui qu'on adopte sans pour autant jamais renier le premier.
Tout cela est parfaitement écrit et ressenti par le lecteur.
L'écriture est très professionnelle, plus que bien maîtrisée.
Elle est riche de forme, de vocabulaire.
Elle est somptueuse pourrait-on dire et peut même parfois en paraître légèrement pompeuse.
Mais mieux vaut trop que pas assez.
Et pourtant jamais prétentieuse.
Tout comme Claire qui ne met jamais en avant sa brillante réussite dans les études.
Tout comme Marié-Hélène qui reste en retrait de Claire, sans jamais lui faire d'ombre.
Toujours discrète et effacée.
Au début de la première partie, les phrases longues et enchevêtrées m'ont semblé peu claires, embrouillées.
Puis je me suis laissé porter.
Quand l'écriture est belle, il n'y a que ça à faire.
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