J'attendais depuis quelques mois d'arriver au chiffre rond de ma 400ème critique pour commenter l'ouvrage fort intéressant d'
Anaïs Lancelot consacré à L'exercice du pouvoir dans le Nord du duché d'Aquitaine au XIIe siècle. Cet ouvrage a été publié aux Éditions Complicités.
Je voudrais d'abord féliciter
Anaïs Lancelot parce qu'elle a à mes yeux un double mérite : celui d'être une historienne pleine de promesses et en même temps celui d'être une excellente "passeuse" dans la discipline qui est la sienne vers le plus large public possible. Vous prendrez, croyez-moi, un immense plaisir à lire cet ouvrage écrit avec des mots que tout le monde peut comprendre mais aussi avec le souci d'apprendre quelque chose à ses lecteurs. Elle a la passion de l'histoire chevillée au corps, et cela remonte à son enfance. Les châteaux poitevins qu'elle visitait en famille n'ont aucun secret pour elle, et c'est dans le secteur qui est l'objet de son étude qu'elle vit elle-même.
Que nous apprend donc
Anaïs Lancelot ? Deux choses importantes. La première est que le père d'Aliénor d'Aquitaine, Guillaume X (huitième du nom pour le comté de Poitiers), s'est trouvé confronté au schisme provoqué par l'antipape Anaclet II, en épousant malencontreusement son parti contre Innocent II, ce qui devait conduire à travers toute l'Europe occidentale à quelques remous aussi bien politiques que religieux et aboutir à l'excommunication du premier (l'auteur met ici en relief l'importance de ducs qui agissaient comme des rois dans leur aire géographique, Guillaume X (1099-1137) méritant bien d'être enfin aussi connu que ne l'est Guillaume le Troubadour, grand-père d'Aliénor, mais en agissant comme il le fit, il donna au roi de France, qui soutenait pour sa part Innocent II, des raisons d'intervenir). L'autre aspect souligné par l'autrice est qu'une fois celle-ci mariée avec le roi de France Louis VII, ce dernier a marché sur les plate-bandes de son épouse en s'arrogeant le droit de gouverner le duché d'Aquitaine à sa place, ce qui ne s'était pas produit jusqu'alors. S'y mêlait la prétention des mâles de la dynastie capétienne à régner sur les territoires sur lesquels ils mettaient la main et la volonté de supplanter les seigneurs souverains locaux. Henry II Plantagenêt allait bientôt perturber ce jeu en entrant dans la vie d'Aliénor après le divorce de cette dernière d'avec le "moine" qu'elle disait avoir épousé en la personne de Louis VII.
François Sarindar