En annonçant l'Oeuvre complète des Peintres du premier rang, je me suis engagé à donner le trait, non - seulement des Estampes que l'on peut se procurer à la Bibliothèque nationale et dans les Collections particulieres, mais encore des Tableaux ou Dessins inédits qui parviendraient dans la suite à ma connaissance. Mes recherches n'ont pas été infructueuses; j'ai trouvé dans quelques portefeuilles d'Amateurs et d'Artistes un grand nombre d'objets qui manquent à la Bibliothèque nationale; et ces porte-feuilles, quoique très-incomplets pour la plupart, m'ont fourni des pièces rares et peu connues. En les publiant, j'aurai donc l'avantage d'offrir la Collection la plus complète qui ait paru jusqu'à ce jour.
Il est donc certain que la nature et l'étude concourent également à former, non-seulement ces génies supérieurs qu'immortalisent de sublimes découvertes,mais encore ces écrivains purs et féconds, et ces artistes ingénieux, dont les conceptions présentent sans cesse aux gens de goût un charme inexprimable.
Si cette proposition pouvait être mise en doute, le seul exemple de RAPHAËL SANZIO en donnerait la preuve. Aucun homme ne fut plus libéralement comblé des dons de la nature, aucun peintre ne se livra avec plus d'ardeur aux travaux de son art. On pourrait ajouter qu'il ne manqua rien à ses désirs ni à sa gloire. Si Raphaël atteignit, jeune encore, cette perfection, la seule qui puisse être le partage de l'humanité, il avait eu l'avantage de naître sous le ciel le plus propice, et à l'époque la plus favorable à la renaissance des Beaux-Arts.
Sile principal objet de la peinture est l'expression des passions humaines, quel peintre eut une plus haute idée de son art que Dominique Zampieri, qui dirigea vers ce but toutes les facultés d'un génie méditatif ? et si les persécutions de l'envie et de la médiocrité, toujours acharnées contre les talens d'un ordre supérieur, ne font qu'ajouter à l'intérêt qu'ils inspirent, quel autre que lui eut plus de droits à la bienveillance et aux regrets de ses contemporains?
En effet, né dans un état obscur, après avoir lutté contre toutes sortes d'obstacles, employé ses plus belles années à créer des chefs-d'oeuvre souvent méconnus ou avilis, il ne cessa jamais d'être patient et modeste. Victime de la jalousie, il périt enfin sans avoir joui paisiblement du fruit de ses travaux, ni de la célébrité qui en est la plus digne récompense.
Michel-Ange seul résista aux qualités aimables de son émule. Non-seulement il ne rechercha point sa société, mais encore il lui témoignait dans toutes les occasions un éloignement invincible. Cette rivalité, loin de nuire à Raphaël, doit être regardée comme un nouvel avantage, puisqu'elle l'engagea à se surpasser pour mériter les éloges d'un si redoutable adversaire.
Arrivé à Florence, il fut tellement ravi des peintures qui l'y avaient attiré, et de la beauté de la ville, qu'il résolut d'y séjourner quelque temps. Il acquit bientôt l'amitié des Artistes les plus considérés; et si la vue des tableaux de Léonard de Vinci et de Michel-Ange ne lui fit pas changer entièrement sa première manière, remarquable à la vérité par une naïveté et une simplicité précieuses, mais aussi par un peu de sécheresse et de timidité, du moins il apprit à donner à ses figures plus de force et de majesté; il en agrandit les formes, et porta dans les détails une attention moins minutieuse.