Waouh !
Que dire ?
Que dire à part "Waouh" ?
...
D'accord, c'est un peu succinct comme analyse, mais que voulez-vous, il y a des ouvrages qui n'appellent aucun commentaire, qui demandent au contraire à ce qu'on en dise le moins possible.
Juste applaudir bien fort, et puis faire silence.
D'ailleurs question silence, il s'y connaît
Manu Larcenet !
Des plages immenses sans le moindre mot, juste du vent et des paysages enneigés.
Quelques bonshommes aussi, chevelus et moustachus, des regards saisissants, des trognes pas possibles sous des chapkas miteuses.
Et ce ciel toujours bas, ces corbeaux planant comme une menace au-dessus d'un hameau perdu dont on ne sait
presque rien, sinon qu'il abrite encore quelques âmes damnées, une petite communauté d'hommes bourrus et mutiques recroquevillés autour d'un terrible secret.
Une guerre est passée par là.
Et puis un étranger s'est présenté, un inconnu, un "autre" : l'Anderer - comme on dit dans ces contrées.
Qui est-il, pourquoi est-il venu et que lui est-il arrivé ? C'est pour répondre à ces questions que les villageois chargent Brodeck, peut-être le seul innocent d'entre tous ("en écrivant ces mots je comprends soudain le danger que cela représente, d'être innocent au milieu des coupables... C'est en somme très proche d'être le seul coupable parmi les innocents"), lui qui a un peu l'habitude d'écrire, de rédiger un rapport. Un compte-rendu des tristes événements survenus au village.
Alors Brodeck s'exécute comme il peut, sous l'oeil suspicieux des commanditaires, et nous voilà embarqués dans une histoire terrible, aussi sombre dans le fond que dans la forme (oh ces dessins superbes, oh ces contrastes en noir et blancs violents ! Et ces ombres partout, ces silhouettes inquiétantes, ces traits
presque indistincts d'être à ce point noyés dans les ténèbres !).
Un récit crépusculaire, plein de mystère et de flashbacks, qui progresse si lentement qu'il semble parfois faire du surplace (Brodeck nous avait prévenu : "cela manquera certainement d'ordre, de clarté, car les mots me viennent comme la limaille à l'aimant. Je ne peux les retenir ni les organiser") et où tout est question d'atmosphère, de connivences mauvaises et de non-dits tragiques.
Une parfaite mise en images du grand roman de
Philippe Claudel (que j'avais également adoré) : mon seul regret est qu'il ne s'agisse là que d'une première partie et qu'il va me falloir patienter pour dénicher la suite...
Du grand art, vraiment !