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Critiques filtrées sur 3 étoiles  
Imaginez qu'un jour vous découvrez dans les pages centrales d'un magazine dit «de charme» la photo d'une ancienne camarade classe. C'est ce qui arrive au narrateur du nouveau roman d'Eric Laurrent, né comme cette pin-up en juillet 1966 à Clermont-Ferrand. Avec lui, nous allons remonter la biographie de Nicky Soxy, qui s'appelle en fait Nicole Sauxilange.
L'ironie du sort fait que parmi les milliers de personnes qui ont choisi d'agrémenter leur décoration en affichant cette photo du magazine Dreamgirls d'octobre 1982 sur leur mur figure Robert Malbosse. « Pas un seul instant, cet homme de trente-six ans, qui achevait de purger dans la maison d'arrêt des Baumettes, à Marseille, une peine de réclusion pour trafic de stupéfiants, ne soupçonnerait que la jeune femme dont les généreux appas égayaient les murs décrépis de sa cellule pût être sa propre fille. Il ignorerait même jusqu'à la fin de sa vie qu'il en avait une. »
Car ce petit délinquant ne se voyait pas en chef de famille et aura préféré prendre la poudre d'escampette en apprenant que Suzy était enceinte. Mais ce n'est ici que l'un des épisodes de cette chronique de la misère sociale. Car Suzy est le fruit – défendu – d'un viol perpétré par son beau-père alors qu'elle était à peine pubère. Aussi est-ce davantage pour échapper à sa famille qu'elle se jette dans les bras de Bob, plus que par amour. Laissant sa fille aux bons soins de sa mère, elle prend aussi la clé des champs.
La petite Nicole apprendra bien vite que l'enfer est pavé de bonnes intentions. Fini l'alcool et les drogues, bonjour les principes stricts. Car après un soir de beuverie Max Turpin, en vomissant son alcool, entend une voix le menacer de damnation éternelle. « À l'instar de tous les repentis, l'homme déployait en effet la même ardeur à respecter, et surtout à faire respecter, les principes religieux qu'il avait mise pendant vingt à fouler aux pied. » Si Nicole veut tout d'abord être une sainte, elle va bien vite comprendre que cette vocation est très limitée, tout comme celle de prendre la place de Nadia Comaneci. « À la vérité, pour n'avoir de disposition ni d'inclination bien marquées pour aucune discipline, Nicole Sauxilange ne se sentait nulle vocation particulière : la célébrité seule l'intéressait– c'était un but en soi. Par conséquent, le domaine dans lequel le sort lui accorderait toute latitude de s'illustrer lui importait bien peu ; ses exigences étaient mêmes fort modestes en la matière : qu'un simple fait divers la révéla au monde la comblerait pleinement. » En partant pour Paris et en se faisant photographie rsous toutes les coutures par son petit ami, elle réussira dans son entreprise, deviendra Nicky Soxy. Durant près d'une dizaine d'années, elle sera à la une des magazines et arpentera les plateaux télé. Puis mourra sans faire de bruit.
L'auteur de Berceau et Les Découvertes réussit le tour de force de raconter ce drame avec un style néo-proustien fait de longues phrases, utilisant un vocabulaire soigné, recherchant quelques mots «compliqués» quand il ne les invente pas lui-même. Aussi le suit-on avec délectation dans ce récit qui allie l'élégance au sordide. Un contraste saisissant, un peu comme si Cosette partait à la recherche du temps perdu…

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Ce roman se lit vite et, malgré qu'il soit écrit dans un langage on-ne-peut-plus soutenu et en phrases plutôt longues (mais pas longues à la Claude Simon), il n'en devient pas somnolant ou barbant. Cela est due au fait que l'histoire retrace seize années de vie du personnage principal ainsi que les années avant sa naissance, celles de ses parents. Pour parcourir tout ce temps en 200 pages, le rythme est nécessairement rapide et la narration elliptique ; les personnages en deviennent des caricatures sans épaisseur, sans nuances, justes bons à remplir leur rôle, de poncif en poncif ; car ce texte donne l'impression d'une succession de clichés : la conversion catholique, l'éducation stricte pour mater une ado rebelle, ado qui tombe pour le voyou mauvais genre et macho, la cancre au fond de la classe près du radiateur, le salaud qui cherche la rédemption, la beauferie des classes populaires (dont l'auteur semble bien éloigné), la petite fille chouchou des profs, jusqu'à la pornstar aux problèmes émotionnels et au père absent : pitié quoi !
C'est bien écrit, certes, mais à quoi bon un style si distingué pour raconter des fadaises ?

À titre personnel, certaines manies stylistiques m'ont déplu, voire irrité :

« le garçon refusant d'en dire plus, aussi bien par superstition que par précaution – car il ne voulait pas qu'on lui piquât l'idée ni qu'on le balançât. »
[...]
« si tel devait être le tribut à supporter pour qu'elle débarrassât le plancher, ils étaient prêts à élever le petit Patrick »
En mettant en italique des mots ou expressions familières mais très courantes (piquât, balançât, débarrasser le plancher), l'auteur crée une distanciation qui participe d'un air de préciosité bourgeoise, comme si ces mots étaient trop ploucs pour sa plume et qu'il souhaitait les prononcer du bout des lèvres.
Plus bas sur la même page :

« le grand dessein de Bob était en effet de se « tirer fissa de ce trou pourri », où il ne comptait pas « moisir » comme un « cul-terreux ». »
[...]
« l'atmosphère qui régnait chez les Malbosse lui paraissait incommensurablement plus animée, plus vivante, que le régime de maison de correction que ce « salaud » de Turpin avait instauré chez sa mère, où l'on ne la vit plus, sinon de loin en loin pour embrasser son « gosse » »
Même remarque mais pour les guillemets. Je me suis dis que c'était pour citer les personnage et bien faire comprendre qu'on était au discours indirect libre, mais ça se comprenait déjà facilement : l'auteur parle dans un langage soutenu alors que les personnages non. le contexte lui même était d'ailleurs suffisant. Aussi, pourquoi des guillemets dans un cas et de l'italique dans l'autre ?

« la promesse d'une vie différente et, au premier chef, bien meilleure que celle à laquelle, par ce fatalisme propre aux classes populaires, nourri de la conviction qu'une extraction modeste vous condamne nécessairement à occuper une position inférieure dans la société et à exercer une fonction subalterne dans les rapports de production »
Remarque sans rapport, mais il me semble qu'il ne s'agit ni de fatalisme, ni d'une conviction ; seule une minorité parvient à s'extraire de leur condition, les autres sont effectivement condamnés.
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