En fait, de façon moins dramatique mais plus énigmatique, rien d'autre ne nous est dit, quand sur l'écran de Nosferatu le vampire apparaît, en sous-titre de l'image d'une voiture à cheval, fermée de tous cotés et lancée à vive allure, la phrase : "Quand il fut de l'autre coté du pont, les fantômes vinrent à sa rencontre." Je ne m'explique pas autrement d'en avoir été toujours ébranlée, comme si là nous était donné de voir l'instant où tout se joue. (...) je ne suis pas loin de penser que la couleur du rêve est ce véhicule, porteur de notre secret qui, à chaque fois, détermine un nouveau chemin vers notre obscurité, tel un projet lancé au-dessus de l'abîme. Chacun peut y aller voir. Seulement, peu se décident à passer le pont.
Pour un communisme des ténèbres - Rencontre avec Annie Le Brun
Envers et contre elle, Annie Le Brun traverse l'époque. Elle occupe ce point où sensible et politique, littérature et subversion, restent indissociables. L'expérience du surréalisme dont elle témoigne est tout le contraire d'un mythe, le contraire d’un passé. On y entend le vif des rencontres et de le plein des singularités, la puissance du collectif quand il chemine vers l’inconnu. Autant dire que sa manière de soutenir les désirs, de chasser toute tendance à la résignation ou de faire entendre la joie d’être ensemble, nous a beaucoup parlé à lundisoir.
On y a parlé d’esthétique critique, de communisme des ténèbres et de ces lignes de crête sur lesquelles il faut se tenir pour rester inaccaparé. Ou encore, pour reprendre un passage des Vases communicants qu’elle nous avait apporté, de ces « réserves monstrueuses de beauté » dans lesquelles puiser pour « se garder de reculer et de subir » .
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