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EAN : 9782849507858
244 pages
Syllepse (20/11/2019)

Note moyenne : /5 (sur 0 notes)
Résumé :
Dans la tradition de la photographie sociale et de l’enquête sociologique, ce livre revient sur ce soulèvement avec deux objectifs. Celui de faire comprendre par l’image les multiples facettes d’une révolte inédite dans l’histoire des luttes sociales en France. Celui aussi de donner la parole à ses protagonistes afin qu’ils évoquent leur engagement.
180 photos pour saisir la force de ce mouvement
C’est au moyen de la puissance des images que les auteur... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Celles et ceux qui relèvent la tête pour dire NON à ce monde

Voici un passionnant livre de regards, de photographies, de textes qui rendent justice à la mobilisation de celles et de ceux qui se nomment les Gilets jaunes. Un travail d'écriture et de photographe, « il prélève dans les scènes observées les matériaux pertinents pour la vision qu'il entend suggérer » Gérard Mauger dans sa préface.

Le préfacier aborde aussi du « champ du dicible », de la dignité du « photographié », de « corps », des « coulisses », de l'importance accordée à la vie collective, d'ordre social et de sa contestation, « Les photographies d'émeute montrent la mise en scène spatiale de l'affrontement à « l'ordre social » qu'incarnent les « forces de l'ordre : contrôle policier du territoire (avec ses périmètres interdits), intrusions et opérations de reconquête, édification de barricades et affrontements physiques, manifestantes qui s'interposent face aux policiers casqués, manifestant qui soutient le regard d'un CRS jusqu'à le contraindre à « baisser les yeux », etc. »…

Dans leur introduction, Brice le Gall, Thibault Cizeau, Lou Traverse parlent, entre autres, de « rendre visibles les « invisibles » », de leur positionnement, « Les photographies et les portraits qui jalonnent cet ouvrage sont le produit d'un regard collectif qui s'est construit au fil de la première année de mobilisation, à travers nos échanges avec les Gilets jaunes de l'Oise », de l'oeil de la/du photographe et de la/du sociologue, du fantasme néolibéral de l'individu seul responsable que ce qu'elle ou il est, de réalités incarnées « dans des corps, des histoires, des mots », de parole pour comprendre, d'« une même colère, un même sentiment d'injustice », des « gens biens nés » et de leur mépris pour les réalités de millions de personnes, de l'incompréhension des combats invisibles, de la force de l'action collective, des différentes facettes de la mobilisation et des limites de l'auto-organisation, du rond point, « espace atypique, incongru, mais en même temps connu de la plupart des habitants des territoires ruraux et périurbains et où tout le monde ou presque pouvait se rendre », des espaces « de rencontres, d'échange et de partage » et des liens sociaux, des répertoires d'actions collectives, « blocage de sites industriels ou des centres commerciaux, opérations escargot ou péages gratuits, occupation d'hippodromes… », de nouveaux modes d'actions susceptibles d'intégrer le plus grand nombre, d'intelligence collective, de la répression « politique, policière et judiciaire », de la focalisation des médias dominants sur des comportements jugés délictueux (et dans l'oubli de la violence des rapports d'exploitation et de domination), de la réactivation du fantasme des classes dangereuses, des cadres d'analyses désuets ou idéologiquement inscrits dans le néolibéralisme…

« Eparpillés, souvent invisibles, mais partout, les Gilets jaunes continuent d'expérimenter cette capacité d'agir sur le monde. Ils n'attendent que les autres citoyens pour le transformer ». Les luttes actuelles sur les retraites – animées, par des salarié·es, étant elles et eux aussi des classes populaires – et de leurs organisations syndicales, en montrent bien l'actualité… La leçon que nous donnent, par exemple, les danseuses de l'opéra, en organisant la danse sur le perron et en refusant la division (clause dite du « grand-père »), confirme, me semble-t-il, derrière l'hétérogénéité des statuts, la similitude des aspirations et des voies ou des voix de l'émancipation de toustes…

Il me semble important de mettre en avant le graphisme, la mise en page, les couleurs du noir-et-blanc, le choix des photographies, l'expression du temps. Ce soulèvement de Gilets Jaunes est non seulement analysé mais mis en images, donnant ainsi place aux corps et aux lieux, aux mots et aux êtres, aux déplacements et aux regards.

Des analyses, des portraits, des paroles, les sentiments d'appartenance et d'utilité reconstruits, des symboles détournés, la reconstruction des solidarités, les espaces de liberté reconquis, la résistance au fatalisme, le sentiment de force collective qui détruit – au mois partiellement – le sentiment d'incompétence politique, les formes de démocratie directe, les possibilités d'agir sur le réel, les voix de la mobilisation, le desserrement de cet enfermement causé par les difficultés quotidiennes, les manières de faire librement…

Je ne partage pas les réductions, que je nommerais sociologiques, des rapports sociaux de classe, ni l'oubli des rapports sociaux de sexe (et des procès de racisation), sur ce sujet, lire par exemple, la récente note publiée sur ce blog de l'ouvrage dirigé par Olivier Masclet, Séverine Misset et Tristan Poullaouec : La France d'en bas ? Idées reçues sur les classes populaires. Les remarques sur l'école ou la massification scolaire me semblent trop unilatérales, de même que les considérations sur le monde « dé-fait » alors que le nombre de salarié·es subordonné·es n'a jamais été aussi important en France et dans le monde, ou sur le syndicalisme (lire par exemple l'article de Verveine Angeli signalé en fin de note). Il ne me semble pas possible de faire l'impasse sur les situations de l'ensemble des exploité·es, de passer sous silence les contradictions, anciennes et nouvelles, qui agissent dans le monde du travail. Il convient d'analyser particulièrement les couches de salarié·es les plus précaires (ce qui est donné à voir dans ce livre), il est regrettable d'oublier le sexe de la précarité (le temps partiel imposé aux femmes, le fait qu'elles soient sous-payées, leur travail invisible et non rémunéré, les violences exercées par les hommes dans tous les milieux, y compris dans les classes populaires) et les processus de racisation, de valoriser unilatéralement la famille (« un groupe intégré, uni par des liens presque sacrés où les conflits doivent s'effacer ») comme lieu de solidarité (je reste stupéfait de la valorisation de la force masculine, la naturalisation de « savoir-faire domestique », le mariage comme obligation et le célibat comme stigmate, « les ruptures d'union accroissent le risque de célibat », le salaire des femmes comme complément de revenu…)

Malgré ces réserves, un magnifique livre justement nommé Justice et respect.
Lien : https://entreleslignesentrel..
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Les photographies d’émeute montrent la mise en scène spatiale de l’affrontement à « l’ordre social » qu’incarnent les « forces de l’ordre : contrôle policier du territoire (avec ses périmètres interdits), intrusions et opérations de reconquête, édification de barricades et affrontements physiques, manifestantes qui s’interposent face aux policiers casqués, manifestant qui soutient le regard d’un CRS jusqu’à le contraindre à « baisser les yeux », etc.
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Les photographies et les portraits qui jalonnent cet ouvrage sont le produit d’un regard collectif qui s’est construit au fil de la première année de mobilisation, à travers nos échanges avec les Gilets jaunes de l’Oise
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Eparpillés, souvent invisibles, mais partout, les Gilets jaunes continuent d’expérimenter cette capacité d’agir sur le monde. Ils n’attendent que les autres citoyens pour le transformer
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