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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Les méconnues éditions « Aux Forges de Vulcain » viennent de publier un ensemble d'essais qu'Ursula le Guin avait consacré aux littératures de science-fiction et de fantasy dans les années 1970. Je ne pouvais décemment pas rater ça !
Je dois dire que j'ai été particulièrement surpris. Je ne m'attendais pas à trouver une pensée aussi structurée et sûre d'elle, plutôt éloignée de ma propre vision. de fait, je ne connaissais d'elle que ses quatre premiers romans de l'Ekumen et c'est très insuffisant pour faire le tour de ce vaste intellect épris de taoïsme.

Ursula le Guin intègre dans ses réflexions sur la science-fiction et la fantasy des éléments auxquels je n'aurais jamais eu l'idée de songer. Sa quasi-définition de la fantasy comme plongée dans sa part d'ombre et de mal et acceptation de son existence, à l'aune de la philosophie jungienne qu'elle définit avec une grande clarté, permet une relecture des oeuvres majeures du genre selon un angle nouveau particulièrement enrichissant. Ursula parle beaucoup du Seigneur des Anneaux et en donne une interprétation tellement plus riche que la simple distraction pour adolescent et qui me servira beaucoup quand j'en lirai la nouvelle traduction.
De même, son analyse sur la science-fiction qui exalte le capitalisme et reproduit à grande échelle le colonialisme britannique (référence aux empires des space-opéras), ignorant le socialisme, le féminisme et l'art, éclaire d'une lumière amère ce domaine que j'aime beaucoup. Sur ce point, je crois que tout ce qui a été écrit depuis en SF et est susceptible d'amender l'opinion de l'auteur. Je me demande ce qu'elle pense aujourd'hui d'oeuvres telles que le cycle de Mars de Kim Stanley Robinson (où le socialisme est prégnant) ou les premiers tomes de Ender d'Orson Scott Card.

Ursula le Guin nous donne aussi des clés sur la manière dont elle a créé ses oeuvres majeures (déjà écrites à l'époque) : comment Terremer est né, pourquoi la construction des « Dépossédés » n'est qu'un emballage raffiné de la rencontre d'un auteur et d'un personnage. C'est fascinant car c'est un processus qui m'est totalement étranger, très éloigné de ma façon trop cartésienne de construire les rares écrits que j'ai commis ou abandonnés.

Cependant les phrases d'Ursula le Guin m'ont parfois fait bondir. Si j'ai apprécié qu'elle établisse une ligne de défense inspirée contre ceux qui croient que les littératures de l'imaginaire sont une perte de temps, j'ai beaucoup moins goûté les mots durs qu'elle emploie lorsqu'elle établit les frontières entre « ce qui vaut la peine de lire et d'écrire » et « ce qui n'est que de la soupe ». Ses critères de qualité – des personnages vivants et forts, des récits qui parle de nous en profondeur – correspondent peu ou prou à ce que je classe personnellement dans l'excellent. Mais elle rejette comme « de la merde » des pans entiers de lectures que je trouve bons, agréables et divertissants : par exemple les pulps de SF des années 50 (« j'ai cessé de lire de la science-fiction vers la fin des années 40. On n'y parlait plus que de matériel et de soldats ») et les comics (« ils ne voient pas la différence entre les Batman et les Superman des usines commerciales, qui fabriquent des balivernes à grande échelle, et les archétypes éternels de l'inconscient collectif »). Quelle nécessité ressent-t-elle de dénigrer à ce point des domaines dont je pense qu'elle ignore le contenu, qu'elle estime à tort dépourvu de ses (en partie du moins) ? Ce genre d'agression caractérisée ne la rend pas moins condamnable que ceux qui l'agressaient, elle, dans ses goûts prononcés pour l'imaginaire.
Bon, je sur-réagis moi aussi car je me suis parfois senti agressé par une auteure que j'apprécie, comme si l'un de vos mentors vous disait « tu aimes les comics et les mangas ? donc tu es idiot. » Ursula le Guin ne traduit peut-être que sa seule opinion et laisse libre chacun de lire ce qu'il veut, mais si c'est le cas elle a mal choisi ses mots qui peuvent créer la confusion chez les lecteurs qui aiment la lire mais aime aussi lire autre chose.

Cet ensemble d'essais n'est à mon avis pas destiné à être lu une fois puis oublié. On peut y revenir, relire des passages et réfléchir à nouveau dessus. de cette première lecture, je retiens surtout la pensée structurée de l'auteur qui enrichira mes interprétations de lecture. Je rejette en revanche les dénigrements outranciers qui veulent restreindre mon champ d'exploration.
Je retiens aussi que je dois reprendre la lecture de ses romans, ce que je n'ai pas fait depuis très, très longtemps.
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Dans le cadre du challenge “Une année avec... Ursula le Guin et Poul Anderson” je me suis intéressée à cet essai sur la SF et la fantasy. Je me suis demandée ce qu'une grande dame comme elle avait à en dire. Bien que ces textes soient aussi vieux que moi il reste quand même de quoi amener quelques débats.

Je pense ne pas me tromper en disant que les littératures de l'imaginaires souffrent encore de quelques jugements stéréotypés et injustifiés (bien entendu). Cela ne m'empêche pas de dormir (et d'en lire bien sûr ^^).

J'ai été un peu surprise (cfr Mythe et archétype de la science-fiction) par sa critique de ce qu'elle qualifie de “sous-mythes” en SF (entre-autres) : “C'est sans plaisir que j'attribue à ces créatures l'épithète de mythologique. Ce mot est noble, et elles sont si minables.”

Elle adopte parfois un ton outrecuidant (le mot est peut-être un peu fort, ce n'est pas toujours facile de trouver le mot qui convient pour traduire un sentiment) comme quand elle écrit (cfr du pays des elfes à Poughkeepsie) : “Enfin, je crois que le lecteur aussi accepte une responsabilité ; s'il aime ce qu'il lit, il a des devoirs à respecter. Il doit refuser de se laisser duper, refuser de permettre l'exploitation commerciale de ce lieu sacré qu'est le Mythe ; il doit rejeter toute oeuvre mal faite et ne louer que ce qui le mérite vraiment.”

Quoi qu'on en pense cela suscite la réflexion et c'est à cela que sert un essai il me semble?

Mis à part cela elle parle des auteurs qu'elle apprécie (comme Dunsany et Tolkien) et j'ai trouvé vraiment intéressant ce qu'elle a expliqué au sujet de l'écriture (les dialogues, le style, les mots, …). Cela et quelques livres à ajouter à mon pense-bête... je pense que je ne suis pas déçue de cette lecture.

Challenge Anderson / Le Guin (2017)
Challenge multi-défis 2017 (70)
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Il n'est jamais aisé de critiquer un essai. D'autant plus lorsqu'il y a une contrainte de temps. Dans l'idéal, il faudrait prendre le temps de le digérer avant d'en dire quoi que ce soit. Difficile dans le cadre d'une masse critique...

En tout cas, même si je n'ai pas eu le temps d'entamer une véritable réflexion sur chacun des textes, "le langage de la nuit" a été une très bonne lecture. Tout d'abord, on y trouve toute la personnalité de le Guin, une femme de caractère, avec des convictions, qui ne mâche pas ses mots, ça peut sembler parfois virulent, presque blessant. Mais on sent malgré tout une grande humanité. Derrière l'auteure on devine une belle personne.
Comme je l'ai dit, je n'ai pas pu digérer les différents essais, il m'est donc difficile de donner mon avis sur les idées exprimées. Ce que je peux dire, c'est que j'ai particulièrement apprécié les textes où elle évoque la façon dont elle écrit, dont elle créé ses univers et ses personnages, même si c'est resté forcément un peu abstrait pour moi n'ayant, à ce jour, lu que "la main gauche de la nuit". Je pense que ce sera très intéressant de relire ces textes lorsque j'aurai lu d'autres oeuvres, notamment "Terremer".
J'ai également adoré la façon dont elle parle des contes. Son analyse de "l'ombre" d'Andersen est absolument passionnante.

J'ai bien conscience que ce billet est fort peu intéressant, je ne l'ai écrit maintenant que pour remplir ma part du contrat. Ce n'était là qu'une première lecture, il est certain que je relirai cet ouvrage si riche, plus calmement, en prenant d'avantage mon temps.
Je remercie vivement Babelio et les éditions "Aux forges de Vulcain" pour m'avoir permis de recevoir ce livre très intéressant.
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Ce livre est constitué de plusieurs textes analytiques de Ursula K. le Guin, publiés à l'origine entre 1973 et 1977. Ils recouvrent principalement son point de vue sur l'écriture et la lecture en général, sur ce qui est considéré comme des oeuvres à destination de la jeunesse ou des adultes, mais surtout sur la fantasy et la science-fiction, des genres qu'elle connaît particulièrement bien puisqu'elle les a englobés dans son oeuvre - de façon magistrale de surcroît. Bien que ces textes commencent à dater un peu, puisqu'il s'agit souvent d'analyse sociale et culturelle et que des avancées ont eu lieu depuis, on ne pourra pas manquer de remarquer la justesse de ses propos, son analyse fine et sa vision globale.

Ursula K. le Guin définit d'abord l'écriture comme le meilleur moyen de communication pour définir l'humanité, la réalité, le monde intérieur. Selon elle, la fantasy et la science-fiction ne se contentent pas de s'éloigner du monde pour offrir des visions de rêverie, des utopies futures ou pour développer des mondes magiques, mais elles montrent également une vision de la réalité plus juste, plus pointue, plus intense que ce que d'autres genres littéraires font, sous couvert de réalisme.

L'autrice évoque bien sûr plusieurs références d'auteurs et de livres, parle de style, de façon d'écrire, du devoir qu'ont les écrivain•e•s de fantasy d'avoir une écriture qui fasse rêver et qui permette de se sentir vraiment "ailleurs", et pas à "Poughkeepsie" - et donc, qu'on ait vraiment l'impression de lire un récit qui sort de l'imaginaire d'une personne et pas juste le journal local -, du fait qu'en science-fiction, la demande se concentre principalement sur les thèmes, les sujets et "l'envolée" plus que sur le style, ce qui fait que c'est un genre où se côtoient l'excellence et le médiocre, surtout à l'époque des pulps (je note quand même qu'elle classe avec bienveillance Philip K. Dick dans l'excellence dans ce contexte).

Outre le fait que j'ai lu ce livre parce qu'Ursula K. le Guin en était la créatrice, je trouve que c'est une analyse assez juste, qui pointe du doigt les qualités et les travers de ces deux genres particuliers. Comme je l'ai déjà dit, il faut replacer ces textes dans leur contexte de lieu et d'époque, car sinon certaines réflexions ne fonctionnent pas, ou plus. En très peu de pages (moins de 200), Ursula K. le Guin prouve qu'elle est une des figures incontestables de la littérature, une des gardiennes du Langage de la Nuit, et offre un petit argumentaire de poche pour toutes celles et ceux qui veulent clouer le bec aux détracteurs de la littérature de l'imaginaire, souvent considérée comme étant un enfantillage. Plus encore, elle parle d'un aspect social souvent un peu passé aux oubliettes, dans ces mondes où l'on est souvent entouré•e de héros, archétypes, personnes magiques, et surtout : principalement des hommes blancs. Et puis, il faut noter également qu'elle n'a pas sa langue dans sa poche, il arrive qu'elle y aille un peu fort sur certains sujets - mais bon, c'est sûrement le but, et c'est aussi, sûrement, justifié dans un monde où les femmes autrices (dans la littérature de l'imaginaire, en plus) sont sans cesse dénigrées. Enfin, je souhaiterai finir en parlant de ce qui vient en premier, la couverture du livre : une superbe illustration d'Essy May (dont je vous recommande de suivre le travail si vous aimez l'univers SF).
Lien : https://lecombatoculaire.blo..
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Le Langage de la nuit est un recueil d'essais initialement parus dans les années 1970 et écrits par l'immense auteure des littératures de l'imaginaire Ursula le Guin. Elle y raconte comment elle a découvert la fantasy à travers un livre de Dunsany et et pourquoi elle écrit et écrira toujours de la fantasy et de la science-fiction. En s'appuyant sur les écrits de Jung, Tolkien ou Andersen, elle élabore sa vision de la fantasy et de l'imaginaire, des contes de fées. Elle s'insurge contre certains adultes qui moquent la littérature jeunesse et ceux qui en font. Concernant sa méthode d'écriture, Ursula le Guin précise qu'elle n'invente pas, ni ne fait de plan, elle trouve. “La fantasy est le langage du moi intérieur.” Féministe, elle démonte les archétypes, dénonce une SF rétrograde et machiste et insiste sur l'importance de repenser la science-fiction, l'altérité dans le récit qu'elle soit sociale, culturelle ou raciale. Car l'auteure met le personnage au centre de toute bon roman, qu'il soit de littérature générale, de science-fiction ou de fantasy.
Lien : https://puchkinalit.tumblr.c..
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Des propos qui encensent l'imaginaire mais avec de grandes exigences. Quelques passages m'ont été confus surtout sur les mythes et les archétypes.
Il va falloir que je lise une oeuvre de cette auteure.
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C'est un recueil d'essais important pour les auteurs et les lecteurs de science-fiction et de fantaisie. Une des maîtresses du genre se fait en effet l'avocate de ces deux genres souvent considérés comme mineurs dans la littérature. A travers plusieurs essais écrits pour la presse spécialisée outre-Atlantique ou à l'occasion de la remise de prix prestigieux qui ont jalonné la carrière de cette romancière talentueuse, elle prend la défense de l'imagination avec ténacité et un remarquable sens de la démonstration.
Explorant ce qui fonde notre humanité, recourant régulièrement aux théories jungienne sur les symboles, les rêves et les archétypes, s'appuyant enfin sur une connaissance approfondie du genre et de la littérature en général (sans oublier la mythologie dont elle une fine connaisseuse), Ursula le Guin rétablit la force des romans d'imagination et son intérêt dans la formation de la conscience humaine.
Ce faisant, on découvre une artiste exigeante qui a la dent dure pour ceux qu'elle appelle les « plumitifs » : des écrivains qui se sont engouffrés dans un genre « rentable » et qui en dénature la fonction et la beauté en s'appuyant sur des stéréotypes qu'ils épuisent…
On ressort de la lecture de ces essais galvanisé, avide de lire les oeuvres dont elle nous parle.
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