C'est mon troisième Legardinier.
Emporté par une plume légère et des sentiments profonds qui m'avaient tant plu dans mes précédentes lectures, je me régale d'avance.
Déception.
Ca commence poussivement. Une jeune femme se fait jeter par son compagnon et son entreprise est en pleine restructuration. Ca sent les larmes à chaque coin de page et ce sentiment d'abandon mélancolique si cher à une certaine littérature franchouillarde. Gillou ne nous avait pas habitué à ça. Et ça dure. Passé la centaine de pages, on se dit que c'est fichu, que l'auteur est passé à côté de son sujet, qu'on n'en sortira pas et qu'il faut se résigner à broyer du noir pendant tout le reste des chapitres qui vont, forcément, s'allonger comme les interminables minutes dans la salle d‘attente du dentiste. C'est Bridget Jones dans toute sa splendeur : une midinette trentenaire qui cherche le prince charmant à chaque coin de rue. Triste constat de la naïveté des femmes et, accessoirement, de l'irresponsabilité des hommes.
Déprimant.
Et puis, le naturel revenant au galop comme un troupeau d'Alezans bien entrainés, voilà que les personnages secondaires se mettent à exister. L'univers d'Amélie Poulain n'est pas loin. Non, tout n'est pas si noir ni sans espoir dans ce monde de brutes. Les insipides collègues de bureau se révèlent des femmes passionnantes, attachantes et solidaires; les trois gaillards du service qualité des gentlemen toujours prêts à rendre service, y compris un déménagement; le concierge acariâtre a l'élégance du hérisson, psychologue et philosophe à la fois; même le bras droit de l'immonde patron n'a pas si mauvais fond.
Sur ce qui, au départ, s'annonçait comme une banale histoire de (non) amour se transforme en un réquisitoire contre cet inhumain monde du travail qui a envahi les entreprises depuis que les patrons sont aux ordres des actionnaires. Au fil des pages on récolte quelques belles vérités sur comment bien vivre, exemple : « Rien ne vaudra jamais ce que l'on cueille soi même ». Et puis on apprend même de nouveaux mots. Ainsi Globicher, à rajouter dans l'étonnant « Abracadabrantesque », un dictionnaire de mots inventés par les plus grandes plumes et compilés par
Maurice Rheims, de l'Académie s'il vous plait, aux éditions Larousse (obligé!). Je vous laisse le soin de découvrir par vous-même ce que cache ce verbe qu'on devrait utiliser plus souvent.
Bref, le roman est à l'image du message que nous fait passer Legardinier : ne pas s'arrêter aux apparences et donner leur chance aux gens, aux situations. Pour ça, il faut du temps. Ici, environ 150 pages.