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Sweet Tooth tome 4 sur 4
EAN : 9791026822080
160 pages
Urban Comics Editions (01/10/2021)
3.79/5   36 notes
Résumé :
A NEW YORK TIMES BESTSELLER

Gus reluctantly joins Jepperd on missing persons hunt, but the tension between the two continues to grow. Meanwhile, Singh and Johnny come face to face with a deadly new threat, and Lucy and the girls meet Walter Fish, an enigmatic survivor who may have more to offer than meets the eye. Will this lead to a new sanctuary for them, or something far more dangerous?
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
L'Histoire se répète ?
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Ce tome fait office d'épilogue à la série Sweet Tooth (2009-2013) en 40 épisodes. Il regroupe les 6 épisodes de la minisérie, initialement publiés en 2021, écrits, dessinés et encrés par Jeff Lemire, avec une mise en couleurs réalisée par José Villarrubia, et des couvertures de Lemire. Il contient également la couverture variante de Jim Lee.

Trois cents ans plus tard… Gus est en train de courir dans une praire avec des arbres, tout en pensant aux rêves ou aux réminiscences qui assaillent régulièrement son esprit au point de lui faire douter de la réalité : une torche qui illumine un crâne avec des bois, le regard perçant d'un vieil homme qui l'observe sévèrement. Père lui a expliqué qu'il s'agit de mauvais rêves. Gus a beau lui dire que ce sont plus que des rêves, Père ne lui prête pas attention. Il répète qu'il n'a à se préoccuper de rien, il n'a qu'à être profiter de sa liberté et courir dans l'herbe. Mais ces derniers temps Gus ne parvient plus à juste s'amuser, à jouer à faire semblant. Quelque chose est en train de changer en lui et il n'aime pas ça. Sa course l'a amené jusqu'à la limite de la prairie où deux drones lui rappellent qu'il n'a pas le droit de s'aventurer plus loin. Gus jette un regard au dallage au-dessus de sa tête, serre les poings, envisage de passer outre. Puis il entend que Père arrive et que c'est l'heure de la prière. Il se met à courir pour rentrer. À la porte, il est accueilli par Nounou Tu, puis Nounou Wun qui le font entrer. Père s'adresse à lui : qu'est-ce qui ne va pas ? Dans un premier temps, Gus répond Rien, puis il revient sur ses rêves et demande où on va quand on quitte les bois. À nouveau, Père lui répond que le temps n'est pas encore venu pour Gus de sortir. Puis, Gus reçoit sa piqûre et Père lui indique qu'il est temps qu'il se lave, puis qu'il suive son cours.

Il y a deux ans pour son neuvième anniversaire, Père lui avait dit la vérité. Il y avait beaucoup de gens, mais une méchante maladie avait tué presque tout le monde, ne laissant que Père et les deux nounous. Père les avait sauvées, ainsi que Gus et les avait amenés dans un endroit sûr, dans l'ombre de Dieu, sous terre. Il lui avait également dit à quel point lui, Gus, était spécial, que quand les gens mourraient, une nouvelle espèce était apparue, les hybrides, et que pendant un temps ils avaient régné sur Terre, et puis ils avaient également disparu. Gus en était le dernier et un jour il conduirait Père et les nounous dans la lumière de Dieu et le monde pourrait recommencer. C'est ce qu'il lui avait dit, mais Gus était capable de discerner quand Père ment. En son for intérieur, Gus connaît la vérité vraie. Aussi, il brise un interdit et il ment inventant une histoire : se construire un fort pour avoir un endroit à lui. le soir, il sort et récupère les branches qu'il a assemblées, et il s'en sert comme bouclier pour dépasser les deux drones et s'aventurer plus loin que la limite. Il se retrouve sur la berge d'un immense lac intérieur. Derrière lui, une nounou lui intime de revenir. Il se sert de son bouclier comme d'un radeau, alors que l'image de l'homme costaud s'impose à son esprit. Il atteint l'autre rive et découvre ce qui s'y trouve.

À l'occasion de la série télé adaptant Sweet Tooth, Jeff Lemire répond à la demande et réalise un épilogue, 7 ans après la parution du dernier épisode de la série initiale. le nouveau lecteur se demande si cet épilogue peut faire sens sans avoir lu la série elle-même auparavant. Celui qui l'a lu se demande s'il y a vraiment besoin d'un épilogue, ou si ce n'est que de l'opportunisme. Ce dernier identifie rapidement les éléments en provenance de la série initiale : un tout jeune adolescent avec des bois de cerf, un homme d'une quarantaine ou cinquantaine d'années avec une robuste constitution (Jepperd) qui amène Gus à franchir une frontière, des cavernes souterraines avec des secrets, une jeune demoiselle un peu perdue (mais qui ne s'appelle pas Wendy), des cellules avec des barreaux métalliques, des expériences génétiques, des surplus militaires, sans oublier la mention de Tekkietsertok. le lecteur retrouve également les dessins si caractéristiques de l'auteur : des contours irréguliers, avec des lignes qui se brisent par endroit, des anatomies parfois un peu approximatives, une sorte de naïveté plus ou moins appuyée dans la représentation des décors, des enfants au regard très expressifs, et des visuels inattendus empreints de poésie. de séquence en séquence, il devient clair que c'est un épilogue qui ne prend tout son sens que pour les personnes ayant lu la série initiale, ayant ses thématiques à l'esprit et disposant de la connaissance de l'intrigue originelle.

Ayant les souvenirs de la série initiale en tête, le lecteur comprend bien l'intention de l'auteur avec les mots de la première page : 300 ans plus tard. En commençant ainsi, le scénariste ne se facilite pas la tâche puisqu'il a fixé l'horizon du lecteur : retrouver les éléments mémorables du récit initial au long cours au risque de se répéter, et proposer une ouverture ou une clôture du récit. À partir de là, il n'est pas forcément facile de s'impliquer pour ce nouveau jeune adolescent avec des andouillers sur la tête. Est-ce un descendant de Gus ? Est-ce un clone ? Est-ce une réincarnation ? Chacune de ces hypothèses est plausible puisque la série originelle contenait une part de mysticisme avec les déités indigènes, en particulier Tekkietsertok, une part de science hors de contrôle (la source de l'épidémie ayant donné naissance aux hybrides), et des inconnues quant à la longévité desdits hybrides. L'esprit du lecteur fonctionne ainsi : il sait qu'il s'agit d'un récit plus court, et qu'il n'y a aucune raison qu'il donne lieu à une suite, du coup il ne voit pas pourquoi il s'investirait émotionnellement dans ce nouveau personnage principal, autant qu'il a pu le faire dans le Gus originel, même si c'est son descendant ou son clone. de la même manière, il est vrai que Pemma est émouvante et que Lemire sait toujours aussi bien donner visuellement vie aux enfants, mais son passé n'a rien d'aussi tragique que celui de Wendy, ou d'autres personnages secondaires. Enfin, le récit se déroule dans ces cavernes souterraines, sans offrir des voyages inattendus.

D'un autre côté, il ne s'agit pas d'un décalque en version courte de la série principale. le scénariste installe donc ce suspens sur la véritable nature de ce nouveau Gus, s'appelle-t-il bien Gus d'ailleurs ? Par quel processus son esprit est-il assailli par les remémorations du Gus originel ? Quelles sont les intentions de Père ? Qu'est-il advenu du monde de la surface. L'intrigue s'avère donc consistante et prenante, la lecture étant moins rapide que celle des épisodes initiaux qui étaient parfois vraiment décompressés. Durant les sept années écoulées, l'auteur a progressé. de même, ses dessins se sont étoffés, tout en conservant cette impression d'immédiateté et de visuels rapidement exécutés, sans être peaufinés. C'est un vrai plaisir de retrouver la mise en couleurs de José Villarrubia, un peu moins écrasante que dans la série initiale, avec une gestion élégante des aplats et mesurée des dégradés. Il s'adapte parfaitement aux caractéristiques des dessins : il les soutient sans les supplanter, il les rehausse sans sous-entendre qu'ils souffrent de vacuité. de fait, l'artiste donne l'impression d'une approche utilitaire qui ne cherche ni à faire beau, ni à en mettre plein la vue. Dans le même temps, ce n'est pas une série Z fauchée avec des décors réalisés à l'économie, ou sous forte contrainte budgétaire. Il intègre des scènes d'action, attendues comme lorsque les enfants fuient pour échapper aux adultes, inattendues comme cet individu balancé du haut d'un balcon, et des moments spectaculaires qui assurent le divertissement : traversée d'un lac souterrain sur un radeau de bois, découverte d'une cité souterraine, présence d'un autre hybride au comportement singulier, arrosage de plantes.

Le lecteur se retrouve donc à suivre bien volontiers ce jeune hybride, manipulé par un père de substitution aux objectifs peu avouables, flanqué de deux nounous prévenantes et psychorigides, prenant la fuite et faisant connaissance d'une jeune fille positive et gentille. L'intrigue reprend habilement les éléments constitutifs de l'histoire originelle, et part d'une situation un peu différente : une communauté bien installée, un chef religieux charismatique, sans être ni un fou furieux, ni un intégriste dictatorial. En quelques courtes séquences, l'auteur sait faire comprendre la dynamique de la communauté au lecteur, ainsi que la forme de promesse contenue dans le discours de Père qui distille et impose un sens à la vie de cette communauté. Cette dernière n'est pas très développée, mais elle n'est pas constituée d'un seul bloc, ni fanatisée. Gus se retrouve dans une position de messie prophétisé, mais à nouveau sans exagération dépourvue de nuance, et il réagit comme un jeune adolescent conscient qu'il n'est pas en mesure de sauver qui que ce soit, ou de prendre la tête d'une communauté d'adultes dont il ignorait l'existence quelques heures auparavant. Lemire se montre particulièrement joueur avec son lecteur en mettant en place un compte à rebours à l'issue duquel tout peut basculer, et en effectuant une révélation qui lui donne une tout autre saveur.

Cet épilogue est-il indispensable ? Non. Apporte-t-il une tout autre saveur à la série Originelle ? Non plus. Est-il dispensable ? La réponse est plus nuancée. Il est agréable à lire et Jeff Lemire a gagné en maturité depuis la fin de Sweet Tooth : à la fois pour une intrigue plus en nuances, et des dessins plus maîtrisés. La lecture est plaisante et il est très agréable de retrouver cet environnement à la forte personnalité. En 6 épisodes, l'auteur ne peut pas développer une histoire aussi ample qu'en 40, ce qui provoque une forme de frustration. Mais il est également possible de considérer ce court récit sous l'angle de ce qui a changé en 300 ans, de ce qui a perduré, et de la manière dont le conflit se résout, toujours en comparaison de la série initiale, comme une forme de jugement de valeur sur la tendance de la race humaine à répéter les mêmes schémas ou non.
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Ce tome est le premier d'une série indépendante de toute autre, terminée en 2013. Il comprend les épisodes 1 à 5, initialement publiés en 2010, écrits, dessinés et encrés par Jeff Lemire. Il a confié la mise en couleurs à José Villarrubia et le lettrage à Pat Brosseau. Il a également réalisé les couvertures. Ces épisodes ont été réédités dans Swet Tooth Book One qui comprend les épisodes 1 à 12, ainsi qu'une introduction écrite par l'acteur Michael Sheen.

Un jeune adolescent s'éveille en sursaut dans son lit : il a encore rêvé du visage ridé d'un homme d'une quarantaine ou cinquantaine d'années, qui le regarde avec des yeux froids, dépourvus d'émotion. Il est couché sur la partie haute de lits superposés et il se rend compte qu'il entend son père couché dans la partie basse, en train de marmonner dans son cauchemar, suppliant qu'on ne l'emmène pas. Gus se lève sans faire de bruit et sort pied nu à l'extérieur, marchant sur la neige fraîche, pour aller chercher du bois avec son traineau. Il vit seul avec son père dans une petite cabane dans les bois, isolée de tout. Cette-fois-ci pour aller chercher du bois, il se rapproche de la clôture qui délimite cette zone sauvage protégée. Il repère une barre chocolatée sur la route, et tend le bras pour l'attraper. Il la récupère et revient à la cabane. le repas est sinistre, avec un bol d'une céréale indéterminée, et son père qui tousse, en crachant un peu de sang. Puis Gus ressort pour s'entraîner avec sa catapulte sur une cible de forme vaguement humaine, un tronc d'arbre avec une branche de part et d'autre.

Gus entend un craquement, similaire à celui qu'il avait entendu lorsqu'il avait ramassé la barre chocolatée. Il se retourne et constate la présence d'une autre barre chocolatée dans la neige. Il la ramasse, déchire le papier et mord dedans. Il rentre à la cabane, et son père s'emporte en le voyant avec la barre à la main. Il exige de savoir d'où elle provient, si Gus a noté quelque chose d'anormal. Puis il se radoucit, et demande à son fils e se montrer plus prudent. Gus lui demande ingénument dans combien de temps la maladie l'emportera. Son père lui répond que c'est difficile à dire. La mère de Gus en est morte très rapidement, mais pour d'autres ça a pris des semaines, voire des mois. Durant la nuit, Gus refait le même cauchemar : cet homme âgé qui le fixe de son regard, mais cette fois-ci Gus lui retourne son regard sans s'enfuir. Pendant la nuit, il est réveillé par les gémissements de son père qui l'appelle par son nom. Ce sont ses dernières paroles et il s'éteint quelques jours après, laissant Gus totalement seul. Gus finit par creuser une tombe et par enterrer son père. Un jour alors qu'il se promène dans les bois, il se retrouve face à face à un cerf avec des bois similaires aux siens, mais plus développés. Les deux êtres se regardent droit dans les yeux sans bouger, quand soudain le cerf s'écroule à terre abattu par d'une balle.

Bizarre autant qu'étrange. Ce n'est pas le premier comics de Jeff Lemire, mais c'est sa première série longue, et elle bénéficie d'une exposition plus importante que les précédentes en étant publiée par Vertigo (1993-2020), la branche adulte de DC Comics. le lecteur est de suite frappé par l'étrangeté de la situation, l'ambiance sinistre de fin du monde, le faible nombre d'êtres humains, et les dessins d'une apparence très particulière. Premier constat : ce premier tome se lit très vite. Il y a régulièrement des cases sans texte, et même quelques pages sans texte. Il ne se passe pas grand-chose : Gus et Tommy Jeppard progressent tranquillement dans des zones dépeuplées, et il n'y a que dans l'épisode 4 qu'ils font une halte dans un immeuble habité par un couple hébergeant des jeunes femmes. Dans le même ordre d'idée, les dessins apparaissent très lâches, plus des esquisses pas terminées, pas peaufinées qui font office de storyboard, plus que de planches terminées avec un bon niveau de détails pour constituer des descriptions immersives. D'un autre côté, ça se lit tout seul, sans déplaisir, car la narration visuelle est rapide, parfaitement en phase avec l'intrigue du fait qu'elle est réalisée par un seul et unique créateur. le lecteur arrive à la fin de l'épisode 5 sans même s'en être rendu compte.

Pour autant, le lecteur ressent une forte émotion à chaque séquence, étant également sous le coup d'un vrai suspense et d'une tension dramatique bien réelle. le scénariste sait y faire pour faire ressortir la forme de naïveté de Gus, jeune adolescent n'ayant connu qu'une vie frugale avec son père, dans un environnement spartiate mais sans danger, sans autre être humain, à qui son père lisait la Bible tous les jours. le lecteur mesure tout le désarroi de Gus quand il se récite les cinq règles intangibles édictées par son père : ne jamais faire du feu le jour pour éviter d'être repéré, fuir à toute jambe si jamais il aperçoit quelqu'un d'autre, toujours réciter ses prières afin que Dieu ne soit pas en colère contre lui, toujours prier pour sa mère, et surtout, surtout ne jamais quitter les bois. Or voilà qu'il les a toutes brisées une à une, qu'il s'en est remis à un individu qu'il ne connaît pas, et qui fait preuve d'une violence meurtrière, sans aucune idée de la raison pour laquelle Jeppard a bien pu le prendre en charge. le lecteur est incapable de réprimer sa tristesse en voyant comment Jacob et Susie traitent les jeunes femmes, tout juste des adolescentes, à leur charge. Ce monde a été victime d'une terrible épidémie qui a ravagé la race humaine, et les comportements sont bien vite retournés à l'exploitation de l'homme par l'homme dans une forme aussi basique que répugnante, les forts profitant des faibles. de ce point de vue, les dessins frustes font croire avec conviction à ces conditions de vie précaires, et aux comportements vils d'individus laids affichant leur égoïsme et leur méchanceté sur leur visage. L'instinct de survie s'exerce en asservissant les plus faibles.

Le lecteur ressent bien que la situation ne puisse aller que de mal en pis pour le pauvre Gus sans défense, sans expérience, confiant dans la grâce de dieu et dans la protection de Jeppard, éprouvant une empathie sans retenue pour les pauvres adolescentes exploitées par Susie et Jacob, n'étant pas équipé pour faire face à l'agressivité d'autres agresseurs. À nouveau les dessins traduisent bien à quel point Gus est désemparé face aux événements. Il ouvre souvent de grands yeux curieux, sans aucune retenue, ou souvent de grands yeux apeurés ne sachant comment réagir au danger. En regardant les éléments de décors, le lecteur relève également les détails inquiétants ou les preuves de la désolation générée par l'épidémie : l'absence de confort dans la cabane de Gus et son père, le braséro improvisé sur la route dans un fût métallique, l'absence de circulation automobile, les armes parfois rudimentaires comme des bâtons hérissés de pointes métalliques, les vitrines brisées, les enseignes à moitié pendantes, les papiers peints déchirés. D'un côté, les dessins semblent frustes et primaires, d'un autre côté ils apportent des informations visuelles en bonne quantité. le lecteur éprouve cette sensation de désolation, la violence assumée de Tommy Jeppard, l'absence d'autonomie de Gus qui se comporte encore comme un enfant totalement dépendant d'une figure parentale, l'hostilité généralisée des rares personnes rencontrées, comme règle de base. Mais bon, Gus fait avec, sans trop donner l'impression d'en être affecté si ce n'est momentanément. Certes, Lemire s'amuse un peu avec ses rêves. Il n'y a pas d'explication sur le fait que Gus ait pu se sentir sous le regard de Tommy dans ses rêves. Il y a un passage aussi mignon que dérangeant quand Gus rêve d'un jeune faon de type Bambi avec un joli lapin à côté de type Panpan. Il y a un troisième rêve très dérangeant quand Gus éprouve la sensation de revoir son père et de lui parler, son corps se décomposant au fur et à mesure. En fait, sous des dehors simplistes de dessin pas finis, l'artiste réalise des scènes visuellement très dérangeantes parce qu'elles semblent évidentes et aller de soi.

Ballotté par les émotions pas vraiment malsaines, mais réellement gênantes, le lecteur ne prête pas forcément beaucoup d'attention à l'intrigue proprement dite. Cette dernière s'avère très linéaire, avec très peu d'informations concrètes. Il est donc question de cette terrible maladie qui frappe les êtres humains normaux. Il est vaguement évoqué des expériences génétiques de croisement d'enfants avec de l'ADN d'animaux, ce qui explique les bois de Gus. Il est question d'une mystérieuse réserve, peut-être un havre de paix. Visiblement capturer un enfant ou adolescent mutant constitue une bonne prise qui pourra être revendue un bon prix. Passées ces informations, il s'agit d'un environnement post apocalyptique finalement aussi générique que ténu. Pour autant, après avoir terminé ces cinq épisodes, le lecteur a la conviction qu'il reviendra parce que Gus est vraiment attachant. C'est finalement très paradoxal de vouloir découvrir ce qui va arriver à cet innocent, tout en sachant pertinemment que ça ne peut que mal tourner pour lui, ce qui tient à la fois de la perversité et du masochisme pour le lecteur.

D'un côté, cette série a tout pour faire tourner les talons : des dessins moches, un personnage principal pas futé et naïf, une intrigue riquiqui. de l'autre côté, Gus est attachant dès la première page, suscitant une volonté de protection chez le lecteur, la narration visuelle est limpide et claire, sans affèterie, sans maniérisme, et quand même que va-t-il arriver à Gus. Une belle réussite pour Jeff Lemire qui ramène le lecteur au goût de la lecture premier degré, dans un récit au dénuement étudié et sophistiqué.
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Ce tome est le quatrième de la série : il fait suite à Animal Armies (épisodes 12 à 17). Il regroupe les épisodes 18 à 25, initialement parus en 2011, écrits, dessinés et encrés par Jeff Lemire, avec une mise en couleurs réalisée par José Villarrubia, à l'exception de l'épisode 19. Celui-ci a été dessiné et encré pour partie par Nate Powell (pages 3 à 7), Emi Lenox (pages 9 à 12 et Matt Kindt (pages 14 à 18).

Le petit groupe de fuyards continue de marcher pour s'éloigner de la réserve. Il se compose de Tommy Jepperd, Gus, Becky, Lucy, docteur Singh, Johnny Abbot, Wendy. le narrateur rappelle dans quelles conditions ils ont quitté la réserve et ce à quoi Jepperd a dû assister quand Buddy a été agressé par les enfants chiens. Ils arrivent enfin à leur destination : un centre commercial. Becky se fait la remarque qu'il va vraisemblablement neiger bientôt, ce qui réjouit Wendy. Finalement ils pénètrent tous dans le centre commercial, et ils se mettent à la recherche de vêtements chauds. Gus s'arrête devant un distributeur de barres chocolatées se rendant compte que c'est vraisemblablement là que Tommy s'est approvisionné. Lucy conseille aux enfants une enseigne adaptée pour eux ; Tommy indique qu'il faut également qu'ils prennent des couteaux et des pinces pour enlever les étiquettes accrochées aux oreilles des enfants hybrides. Johnny trouve un chapeau fourré pour l'enfant castor, ce qui fait sourire tout le monde puisqu'il est déjà recouvert de fourrure.

À l'étage dans une boutique d'accessoires de chasse, Tommy Jepperd se retrouve seul avec le docteur Singh. Lucy pénètre à son tour dans la pièce et dégaine son arme à feu pour abattre Singh qui l'a utilisée comme un cobaye. Ils sont interrompus par l'arrivée de Gus. Quelques temps après le groupe a repris sa marche dans la neige, car il a effectivement neigé. Lucy, Becky et Wendy s'éloignent un peu du campement pour marcher, et Lucy en vient à évoquer ce qu'elle faisait au tout début de la pandémie. Elle travaillait dans un hôpital en tant que chercheuse en médecine et effectuait des études sur ce nouveau virus. Chaque matin et chaque soir, elle passait devant un sans-abri lui demandant une cigarette, et pour lequel elle n'avait que mépris. Une fois que Lucy a fini son histoire, c'est au tour de Becky de raconter la sienne. Elle vivait avec ses parents, dans un pavillon de banlieue semblable à tant d'autres, heureuse. Puis ses parents sont tombés malades, et ont fini par succomber à la maladie. Elle a été placée dans plusieurs familles, les parents succombant également à cette même maladie. Elle a fini par être placée en foyer dont elle a fini par s'échapper. C'est autour de Wendy de raconter son histoire.

L'homme et l'enfant ont repris la route et leur destination est claire : l'Alaska. Mais cette fois-ci, ils ne sont plus tout seuls : leur relation fonctionne dans une dynamique de groupe. L'auteur s'amuse avec le premier épisode de ce recueil car les pages sont en format paysage : il faut tourner le recueil d'un quart de tour pour pouvoir avoir les planches dans le bon sens. Visuellement l'artiste s'amuse, alternant des planches découpées en cases alignées, des illustrations en pleine page avec un bandeau de texte au-dessus ou en-dessous, et des pages avec deux ou trois illustrations et du texte à côté. Il a également adapté son écriture : soit en bande dessinée traditionnelle, soit un texte rédigé comme un conte évoquant le Garçon, et le Gaillard. Les dessins en eux-mêmes conservent leur aspect un peu fruste, tout en étant suffisamment descriptifs pour permettre au lecteur de croire dans ces personnages et de se projeter dans les environnements où ils évoluent. Effectivement, la dynamique entre Gus et Tommy a évolué : le premier se montre très critique du second, comme si Gus était entré dans l'âge adolescent et qu'il refusait d'obéir aveuglément à l'adulte d'expérience, remettant en cause ses valeurs et ses actions, jugeant sa conduite. Shepperd doit également prendre en compte l'avis et les envies de Lucy, ce qui ne lui facilite pas les choses. Finalement l'utilisation des pages en format paysage permet à 'auteur de marquer le coup pour le début d'une phase nouvelle dans le récit.

Le deuxième épisode du recueil est également différent puisque 3 artistes invités y participent. Là aussi la forme rejoint le fond, puisque chacun de ces artistes raconte visuellement le passé d'un personnage, Lucy par Nate Powell, puis Becky par Emi Lenox, et enfin Wendy par Matt Kindt. L'enjeu pour 'auteur est de développer ses personnages en leur consacrant 4 ou 5 pages. Lucy et Becky passent du statut de simples victimes sauvées par Shepperd, à celui d'être humain à part entière avec une histoire. Pour la première, les dessins ont un peu moins lâches que ceux de Lemire, avec un état d'esprit assez proche. Pour la seconde, la dessinatrice a choisi un registre naïf et épuré faisant ressortir la résignation de l'adolescente, ainsi que sa propension à être une victime (Lenox et le scénariste collaboreront ensuite sur le comics Plutona en 2015/2016). Enfin pour la troisième le dessinateur est dans un registre très similaire de celui de Lemire avec des dessins à l'apparence esquissée, mais plus gentils, et une mise en couleurs réalisée par ses soins avec des aquarelles, qui apporte une ambiance très différente, plus lumineuse, plus enveloppante.

D'une certaine manière, le récit reprend son cours normal avec l'épisode 20, avec la suite de la marche du groupe de personnages. L'auteur reprend toute la narration visuelle à sa charge, réalisant même une partie de la mise en couleurs (à la peinture) de l'épisode 25 pour une séquence onirique fort impressionnante. le lecteur note tout de suite la différence avec une approche plus expressionniste que celle de Villarrubia, plus chaude et plus texturée, totalement adaptée à ces visions fantasmagoriques. le coloriste attitré ne démérite pas pour autant, utilisant une approche de plus en plus naturaliste, améliorant la lisibilité de chaque case et de chaque planche, installant discrètement une ambiance lumineuse différente dans chaque environnement, un travail en retrait des traits encrés, ce qui ne l'empêche pas de nourrir chaque page. La narration visuelle conserve les mêmes caractéristiques que dans les tomes précédents : des traits de contours à l'apparence peu assurée et même tremblotante, pas pour faire joli, des formes parfois un peu naïves mais contrebalancées par une sensation de texture bien travaillée. Les personnages dégagent une sensation de fragilité, même le grand gaillard de Shepperd, du fait de ces contours à l'apparence mal assurée. Cette impression est renforcée par les expressions de visage, montrant souvent des individus pris par surprise, ne sachant pas comment réagir à une remarque ou à une autre. Sous des dehors de naïveté, le dessinateur sait très bien transcrire la sensation de grands espaces ouverts pour les scènes en extérieur, et d'espaces plus confinés lorsque les protagonistes se retrouvent dans un bâtiment. le lecteur n'éprouve aucune difficulté à croire à cette forêt enneigée aux arbres très clairsemés, ou au quartier d'habitation du barrage hydraulique.

Il faut peu de temps au lecteur pour oublier l'apparence presque malhabile des dessins car la narration visuelle est fluide et convaincante. L'artiste adapte la taille des cases à la séquence : de la largeur de la page pour montrer une zone naturelle ou une action, des cases accolées les unes aux autres pour les dialogues plus statiques, ou les déplacements plus limités en intérieur. le lecteur ressent l'isolement du groupe, cheminant lentement dans la neige, sans pouvoir espérer retrouver quelque civilisation que ce soit, devant se montrer prudent et discret pour ne pas attirer l'attention d'une bande de pillards ou de charognards. Les individus qui le composent ne peuvent compter que sur Tommy Shepperd en cas d'attaque armée ou physique, les autres étant deux hommes plutôt chétifs, deux femmes ayant souffert de maltraitances physiques, et des enfants. S'il a lu la série The Walking Dead de Robert Kirkman & Charlie Adlard, le lecteur peut trouver une ou deux similitudes : la survie d'un petit groupe fragile, l'impossibilité de savoir si l'on peut faire confiance à qui que ce soit rencontré sur le chemin, les dissensions au sein du groupe sur la conduite à tenir. le scénariste ne singe pas la série de zombies et la mise en oeuvre de ces situations est spécifique et unique découlant des personnages. Faut-il exécuter froidement un tortionnaire ? de manière ironique, peut-on faire confiance à un handicapé qui offre le refuge de son habitation ? Est-ce que tout le monde doit se plier à la lubie de 2 d'entre eux de se rendre en Alaska à la suite à une vision mystique ? Sans avoir besoin de recourir à des scènes gore ou à des attaques physiques d'une violence inouïe, les auteurs entretiennent habilement le suspense tout du long, avec une menace de capture toujours possible à tout moment, et un questionnement sur la nature de la vie à mener : s'installer durablement ou continuer vers une destination douteuse ?

Avec ce tome, le lecteur ressent que le récit entre dans un deuxième acte. Jeff Lemire progresse en tant qu'artiste en même temps que le lecteur finit d'accepter les caractéristiques très personnelles de ses dessins. La dynamique relationnelle entre Gus et Tommy Shepperd gagne en complexité, le premier gagnant en assurance, ce que perd le second. Les autres personnages intégrés à leur groupe ne font pas que de la figuration et leur personnalité influe sur leurs actes, ainsi que sur la vie du groupe.
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Sweet Tooth est un comics que j'ai découvert en 2021, grâce à la médiathèque de ma ville. Et je l'avais beaucoup aimé pour ses messages actuels et ce, malgré un graphisme des moins avenants. Mais c'était avant tout une trilogie et voici qu'un quatrième sort quelques années plus tard, que je me suis empressée d'emprunter pour le dévorer malgré un certain scepticisme.

En effet, je ne comprenais pas l'intérêt d'un quatrième tome, la trilogie se suffisant à elle-même, la fin était très satisfaisante et pleine d'espoir. Ce tome ne sert pas vraiment à grand chose si ce n'est qu'on reprend la même formule en un seul tome.

Les événements se place 300 ans après ceux de la saga principale mais cette fois-ci, la situation est inversée car les hybrides vivent en surface et certains humains vivent sous terre (je ne soupçonne qu'un petit groupe d'individus, et qu'à la surface, les hybrides et les humains vivent en harmonie), ruminant leur haine et faisant des expériences dans le but d'anéantir un peuple pour prendre sa place. Une énième conquête. Ce groupe s'inscrit comme une secte, mené par un homme illuminé, qui a tant fait d'expériences sur les humains et les hybrides pour contrôler le virus et se réapproprier la Terre et ses ressources. Il y a alors sa création, un clone de Gus, qui possède les souvenirs de son défunt alter ego, qui va tout remettre en question, reprendre le contrôle de sa vie et de son destin.

Encore une fois, il y a des thèmes forts comme les épidémies, les expériences, le clonage, le pouvoir des sectes, l'avarice et le côté destructeur de l'homme, la violence.... et c'est très intéressant, c'est l'âme du comics, de transposer ce qui advient ou peut advenir de l'Humanité, de la Terre suite aux catastrophes naturelles, aux épidémies, à l'avarice de l'Homme qui prend toujours plus, encore et encore.

Les dessins sont toujours aussi particuliers, grossiers, pas très beaux visuellement mais ils dégagent quelque chose et sont en parfait accord avec l'histoire. Ce n'est pas "beau" mais ça a du charme quelque part. Et les couleurs sont aussi très bien choisies.

En bref, Sweet Tooth est une trilogie que j'ai beaucoup aimé et même si je ne comprend pas trop pourquoi il a fallu faire un autre tome, surtout que la finalité est la même, cela reste du contenu bonus. C'est une lecture sympathique mais qui n'est absolument pas indispensable, la fin du tome 3 étant parfaite pour clôturer la saga. Mais en même temps, ce tome est fait pour les fans de la saga, les nostalgiques, ce qui devrait leur plaire.
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J'avais adoré la trilogie Sweet Tooth et lorsque je suis tombée sur ce nouveau tome je n'ai pas hésité une seule seconde.

Nous sommes bien après le tome 3. Les années ont passé, il semble que les hybrides vivent librement à la surface pendant que les humains se terrent sous terre. Un jeune garçon ressemblant étrangement à Gus est gardé par un guru et se sbires pour servir la cause humaine.
C'est sombre, c'est violent. Intrigant aussi. Ce premier tome place un contexte, des personnages et amène plein de questions. J'ai hâte d'en connaître les réponses.
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critiques presse (1)
BoDoi
17 janvier 2022
Villarubia, tout comme évidemment Lemire lui-même, ont ici choisi de reprendre les crayons moins par opportunisme pour coller à la sortie d’une série TV Netflix, que par plaisir manifeste à explorer une fois de plus le monde fascinant de Sweet Tooth. Un plaisir communicatif et partagé.
Lire la critique sur le site : BoDoi
Citations et extraits (2) Ajouter une citation
La règle numéro un. Quitter les bois est un péché, c'est désobéir à Dieu et, comme pour Adam, cette erreur doit être payée. Mais c'est seulement en désobéissant à Dieu que l'homme a entamé son long périple vers la conscience de lui. Et, avec la conscience, est venue la connaissance, puis avec la connaissance, le début de l'arrogance.

[p4]
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- Je pourrai partir un jour, hein ? Ce ne sont pas que des histoires ? Je veux dire, j'irai bien un jour au ciel, non ?
- Bien sûr, mon enfant. Quand Dieu nous fera signe, tu seras libre, et nous monterons ensemble au ciel. Nous baignerons dans sa glorieuse lumière.
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Vidéo de Jeff Lemire
C'est devenu un rendez-vous incontournable de l'année en terme d'infos sur le futur planning de l'année : les Big News sont de retour ! Et pour la première fois, pour ces "Big News 2024" qui couvrent la période juin-septembre, Aurélien & Émile vont revenir à l'oral sur certaines des annonces les plus excitantes de la galaxie comics. Pourquoi un format plutôt qu'un autre ? C'est quoi l'idée derrière la Deadpool Versus Collection ? Quand se déroule la Phase III de la Haute République ? C'est qui le plus fort entre Garth Ennis et Jeff Lemire ? Toutes ces réponses et bien d'autres encore vous attendent ici !
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