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Citations sur Voltaire mène l'enquête : La baronne meurt à cinq heures (85)

– Je ne demande pas grand-chose… Un joli salon avec une cheminée qui tire bien, devant laquelle je pourrai réchauffer mes os glacés, avaler mes potions, emmitouflé dans mes fourrures, mes foulards, mes robes de chambre, recevoir mes amis et leur parler de mes livres… Est-ce trop exiger ?
C’était en tout cas assez pour la grande femme, toute de satin vêtue, qui lui adressait des sourires entre deux tombes.
– Mme de La Rivaudaie vous propose ses vingt mille livres de rentes et le mariage, traduisit d’Argental.
Voltaire fit la moue.
– J’aimerais mieux trente mille sans.
– Prenez le chevalier d’Herbigny. Avec lui, point de mariage.
– Je n’irai pas chez un célibataire. Soit ils courent la donzelle, soit ils font naître de méchants soupçons.
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– À près de quarante ans, je ressens le besoin d’une existence plus calme. Je suis las des auberges, des chambres d’amis, des châteaux en province… On y campe un moment, et puis il faut partir. Je voudrais me fixer dans une maison agréable, bien située, avec un personnel nombreux.
Par chance, on était là moins pour enterrer M. de Maisons que pour s’offrir à recueillir Voltaire. Il n’avait qu’à choisir parmi ceux qui attendaient de lui présenter leurs condoléances.
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Au reste, la principale intéressée n’avait pas le temps d’être submergée par le désespoir, elle était ébahie. Les funérailles voltairiennes n’avaient rien d’ordinaire. Dans ce décor de ciel d’été qui faisait croire qu’on enterrait un prince du sang, l’écrivain se démenait, lançait des exclamations désespérées, humectait de ses larmes les pourpoints des âmes charitables.
– Quoi de plus triste que de perdre un ami !
On aurait pu lui répondre que c’était de perdre un mari.
– Où vais-je loger, maintenant ?
– Prenez un appartement, vous avez de quoi, répondit d’Argental.
– L’affreuse idée ! Il faut payer des termes, s’installer, compléter son mobilier, choisir des domestiques… On n’est jamais si bien chez soi que chez les autres.
Sa dernière logeuse était une ivrognesse qui injuriait les passants, se promenait toute nue dans la rue, menaçait d’incendier la cage d’escalier et, quelquefois, mettait sa promesse à exécution.
– Je m’ennuie, tout seul. J’aime qu’on s’occupe de moi pour moi. Je n’ai ni le temps, ni le goût de l’intendance.
La messe finie, on accompagna le corps à la chapelle familiale.
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On lui assura que non, qu’il était entouré de gens qui l’aimaient aussi. Celle qu’on oubliait un peu, c’était Mme de Maisons, assise au premier rang sur une chaise de paille.
– Qui est cette dame ? demanda un paroissien qui n’avait guère eu l’occasion de rencontrer les châtelains lors des offices.
On lui répondit que c’était la veuve.
– Ah, bon ? Je pensais que c’était ce monsieur qui pousse des cris.
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L’ordonnateur se nommait Voltaire. En habit bleu vif assorti à ses installations, en bas plissés, chaussé de souliers à boucle d’or, coiffé d’une perruque châtain ébouriffée comme la crinière d’une pleureuse grecque, écrasé de chagrin, il parcourut avec lenteur la travée centrale, soutenu par le comte d’Argental, pour aller déposer un rameau de l’arbuste à café sur le drap azuré qui enveloppait le cercueil. D’habitude si volubile, il eut du mal à prononcer quelques mots.
– Le meilleur des hommes… Mon fidèle ami… Il m’aimait ! C’est une perte irréparable !
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Aux derniers jours de l’été 1731 mourut M. de Maisons, âgé d’à peine trente ans. Lorsqu’elle entra dans l’église où avait lieu la messe de funérailles, sa veuve vit, parmi les magistrats, collègues de son mari, nombre de personnes qu’elle ne connaissait pas, et s’étonna de découvrir si tard combien le cher disparu avait eu d’amis. Il s’était acquis une certaine renommée pour avoir réussi à faire mûrir un caféier aux portes de Paris et pour avoir introduit en France une nouvelle couleur, le bleu-de-Prusse. Aussi l’ordonnateur de la cérémonie avait-il entièrement décoré l’église dans cette nuance, qui conférait aux funérailles un caractère d’originalité et, de surcroît, donnait bonne mine.
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Hérault avait obtenu pour cet après-midi-là une audience avec les conseillers de Paris. Il avait le choix entre leur parler de ce meurtre ou plaider pour la suppression d’une fosse d’aisances qui polluait un puits où venaient s’approvisionner des boulangers dont le pain était empoisonné la moitié de l’année.
Il ordonna à ses adjoints d’inscrire sur leur rapport que le défunt avait succombé à une fluxion de poitrine. Ce mensonge lui permettrait de gagner du temps ; mais si leur assassin récidivait, le secret ne résisterait pas. Ses fidèles subordonnés n’étaient que des exécutants sans initiative ni imagination. Pour mener cette enquête avec discrétion et efficacité, il avait besoin d’un homme neuf, de quelqu’un de particulier, dont la façon de penser sorte des sentiers battus, de quelqu’un qui ne raisonnerait pas en policier ; de quelqu’un sur qui la lieutenance générale de police ait prise.
C’était beaucoup demander. Un tel homme existait-il seulement ?
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Le corps du haut serviteur de l’État percé d’un couteau qui gisait à ses pieds sous ces beaux lambris du faubourg Saint-Germain n’était pas là pour lui faciliter la vie. Un inconnu avait réussi à poignarder, chez lui, un officier du roi, et le seul fait curieux qu’avaient remarqué les domestiques était un étrange air de flûte qui s’était élevé quelques minutes avant qu’ils ne découvrent le drame.
Le lieutenant général de police savait trop bien ce qui allait arriver. S’il s’occupait de rechercher cet assassin, il n’aurait plus de temps pour organiser l’orphelinat des Enfants-Trouvés ou pour fermer les latrines méphitiques. Le ministre le harcèlerait ; tout serait suspendu jusqu’à ce qu’il eût réglé le problème marginal causé par l’assassinat d’un noble estimé de ses pairs.
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René Hérault avait été nommé à ce poste pour avoir résorbé les émeutes de la faim à Tours. On l’avait choisi pour son aptitude à garder son sang-froid en toutes circonstances, et on avait bien fait : il ne savait plus où donner de la tête. Le parlement de Paris, le prévôt des marchands qui faisait office de maire, le ministre de l’Intérieur, le cabinet du roi, aucun de ses supérieurs ne l’aidait en quoi que ce soit. Quand Hérault parlait d’assainissement de la voirie, on lui répondait sécurité et répression. Quand il parlait d’humanité, on lui répondait respect de l’ordre établi. Les améliorations n’intéressaient que dans la mesure où elles facilitaient la vie des nantis ; que leur bien-être fût remis en question et tous ses efforts pour le bien public s’arrêtaient.
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Il s’inquiétait aussi du curetage des égouts, où se formaient des bulles de gaz mortel. Il y avait l’organisation des hôpitaux, véritables mouroirs où se préparaient les épidémies. Il devait gérer les prisons, fournir des rapports aux tribunaux où seraient jugés les criminels qu’il avait arrêtés. En plus de tout cela, il était prié de tout savoir sur les Parisiens, de tenir ses carnets à jour, de discerner, du flot de filles de joie et d’escrocs en tout genre, les vrais nobles, les vrais riches, les vraies honnêtes gens, s’il y en avait encore.
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