AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782207282199
248 pages
Denoël (04/03/1976)
5/5   1 notes
Résumé :
Numéro spécial de février 1976 de la revue Les Lettres Nouvelles dirigée par Maurice Nadeau et consacré aux écrivains roumains de l'époque.
Acheter ce livre sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten
Que lire après Ecrivains roumainsVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Une sélection, un certain nombre de traductions aussi et une présentation brève de la littérature roumaine par Ion Pop et d'autres traducteurs (entre autres Dumitru Tsepeneag ou Serge Fauchereau). Parmi les auteurs présents : Leonid Dimov (un des seuls endroits où en trouver une traduction), Nicolae Breban, Marin Sorescu, Ana Blandiana, Fănuș Neagu (lui aussi peu ou pas traduit), Gellu Naum et d'autres à découvrir...
Commenter  J’apprécie          210

Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Jenny et les quatre sergents (de Leonid Dimov)

Dans la fosse carré, du soir au matin
Surveillée d'en haut par des apparitions
Où vivaient les quatre sergents déserteurs
et la pâle et chaste Jenny,

il y avait de tout :
des boîtes de conserves et charcuterie,
les œuvres complètes de Shakespeare,
des petits coussins à liséré doré,
des coussins roses remplis d'air
et même une banquette Biedermeier.
À certaine heure les quatre militaires
insouciants, lâches et bavard,
en uniforme et képi
commençaient à enduire leurs fusils de couleur lilas.
Cette tâche accomplie,
mus par l'amour et le désir,
ils allaient à Jenny
qui leur permettait deux par deux
de lui lécher la plante du pied gauche.

Et soûls de volupté et du frémissement
des champs de maïs,
À la tombée de la nuit, ils tombaient aussi
comme des soldats de plomb.

Alors avec un sourire étrange et coquin
Jenny savait que tout le régiment
et la caserne où se trouvait la fosse
endossait la cape, ceignait l'épée
et se mettait à la recherche des quatre fuyards,
armés jusqu'aux dents comme aux jours de parade,
emmenant avec soi des canons, des caissons
et des grenades et des engins.
Montée sur une banquette de peluche
Jenny tendait le cou et sa tête blonde
et regardait le défilé des forces,
des cris, des ordres, l'éclat bouffant des torches ;
chaque compagnie en passant devant elle
présentait les armes et elle y répondait
par le salut militaire.
Ensuite, furtivement,
tombait une nuit d'allégresse, avec maisons closes,
avec miettes de musique et palais lointains,
Et, souriante, heureuse, Jenny
se prenait à penser et la tête à deux mains.

C'est ainsi que, nuit après nuit, passait
cet interminable été plein de chuchotements,
de compétitions sportives dans les banlieues,
de coups de trompette et de rires d'enfants,
jusqu'au moment où sans rien dire
l'un des quatre sergents décida de ne plus résister.

(p. 126-127, traduit du roumain par Ion Pop et Serge Fauchereau)
Commenter  J’apprécie          200
Saut, de Leonid Dimov

Des soieries lilas flottaient dans la salle à manger d'ébène.
Tout luisait. Le couvert était mis avec art,
Avec des serviettes, des salières, des cristaux ineffables,
Avec toutes sortes de couteaux inoxydables,
De la fraîcheur variable à cause
Des plis de la soie voilée,
Avec de petites chiennes muettes mais attentives,
Aux sylphes des fenêtres au tégument céruléen,
Qui se haussaient jusqu'à la vitre supérieure
Pour voir, dirait-on, si tout était en ordre,
Alors qu'en réalité
Elles voulaient être tirées de la solitude
Du dehors,
Du midi égalitaire,
Mais il n'était pas de bon ton
De les prendre à la table de sept dieux
Qui se méfiaient de leurs pouvoirs.
C'était un festin triste de poissons de laboratoire
Et de perdrix du désert.
Et au dessert,
Une petite cuillerée de sorbets orange
Dans le verre aussitôt embué.
Il n'y avait pas de problème inextricable
Mais seulement du temps,
Du temps trouble passant à l'infini
À travers la limonite, l'hématite, le chrysolite,
De telle sorte que les grands schémas combinatoires
Avaient été épuisés depuis longtemps. Des victoires
Et des victoires avaient été remportées
Sur les grands espaces entassés,
Dans cette salle à manger même,
Inutile, provisoire, car, comme chacun sait,
Les dieux n'ont pas besoin de nourriture.
Mais maintenant ils devaient accepter ce saut couleur de terre
Qui consistait à feindre de ne pas savoir
Qu'aucune source ne coulait plus
De l'infini du temps passé,
Que tout devait être repris
Comme si rien ne s'était passé.
Les voici donc comme dans un jeu:
Ils se lèvent tous ensemble et s'en vont.

O la rumeur des sylphes envahissant la salle à manger
Pour lécher les restes de sauce dans les assiettes.

(p. 128–129)
Traduit par Ion Pop et Serge Fauchereau
Commenter  J’apprécie          120
Le présent
(de Marin Sorescu)

–Je vais vous prouver que tous vos tableaux sont des faux,
Déclara l'expert en brandissant sa loupe,
Présent reçu le jour même
De la planète Mars.

Le collectionneur sourit, cette idée l'amusait:
Ses tableaux servaient de référence mondiale
Pour authentifier toutes les toiles de maître,
Ils lui avaient coûté la fortune familiale
De quelques générations
Passées et à venir.

–Allons de droite à gauche,
Regardez ce Titien !
En effet, la loupe en révélait la gaucherie,
Il avait été peint par un disciple sans talent
Pendant une classe de dessin.


–Une sorte de doute rongeait mon cœur,
Il est vrai, murmura, dépité, le collectionneur.
Mais ce Raphaël, que vous examinez à présent,
Si c'est une copie,
Elle est dans la main de Dieu !

–Regardez. L'expert n'était pas d'humeur à plaisanter,
Il lui montra le numéro de série enregistré
Dans les prunelles de la madone.
Vers le milieu de la salle, il n'approchait même plus
Sa loupe,

Les tableaux se décrochaient à l'avance.
Devant la dernière toile, Rembrandt de millionnaire !
Le collectionneur
Porta la main à son cœur et s'écroula,
De sa bouche s'envolèrent des chauves-souris.

Le spécialiste parcourut ensuite d'autres musées
Qu'il couvrit de ridicule.
Les noms eux-mêmes étaient faux,
L'impitoyable loupe dévoilait
D'authentiques horreurs.

Tous les grands maîtres avaient été tués
Dès leurs premiers coups de pinceau,
Leurs assassins avaient volé leur nom,
Peint avec leur huiles,
Mortes aussi
En même temps que le vrai sang.

Ainsi se vidaient les galeries,
Les mauvais marchands allaient pourrir en prison.
Un désert s'étendait derrière l'homme à la loupe.
À chaque pas plus triste.

Un jour, il eut l'idée
De pointer sa loupe sur la rue où il passait
Et constata, surpris, qu'elle était fausse–
La vraie se trouvait bien plus loin.

Il contempla la ville, elle était fausse,
Faux les arbres,
Et il fondit en larmes.

Sanglotant, et tremblant de la tête aux pieds
À l'exception de la main qui tenait le terrible instrument,
Il repartit, très vieux,
Continuant à supprimer le monde.
(p. 169-171)
Commenter  J’apprécie          50
Intolérance

Je suis peut-être faible. Et mes yeux sont faibles.
Je ne distingue pas les couleurs intermédiaires.
Parce qu'elle se laisse aimer par les crabes
Je déteste la mer.

Je n'enjambe pas la frontière bleue
De peur de ne pouvoir revenir,
Comme le ver dans la soie je me suis retirée
Et je file autour de moi la pureté.

Je veux des tonalités claires,
Je veux des paroles claires,
Je veux sentir sous ma plume les muscles des paroles,
Je veux les comprendre, vous comprendre,
Délimiter l'injure du rire exactement.

Je veux des tonalités claires,
Et des couleurs à l'état pur,
Je veux comprendre, sentir, voir;
À ce bonheur ambigu je préfère
Mon désastre effroyable dans le grand tout clair.

Je veux des tonalités claires,
Je veux dire "sans aucun doute",
Ne pas douter même si j'en avais le temps,
Je hais la transition, l'adolescence boutonneuse
me semble triviale.

Suis-je faible? Mes yeux sont-ils faibles?
Serais-je encore ridicule?
Parce qu'elle se laisse aimer par les crabes
Je déteste la mer.

Poème d'Ana Blandiana, traduit par Ion Pop, p. 210-211
Commenter  J’apprécie          40
Au bord du Danube douze canots amarrés se balançaient. Nasses, éperviers et chaluts séchaient à la proue des embarcations. Un garçon portant une casquette avachie, un vieux maillot tout verdi à l'endroit des coudes–l'habitude de ramper dans les herbes à la recherche d'oeufs d'oiseaux–et le bas du pantalon retroussé sur ses mollets, avait installé une planche reliant comme une passerelle les bords de deux barques et s'y était allongé, la figure au soleil. Il serrait sous le bras deux poupées d'argile cuites au feu, pétrifiées tels de petits monstres. Des étendues marécageuses couvrant la rive opposée, où des troupeaux de porcs barbotaient dans les eaux fangeuses en quête de rhizomes de joncs, le vent apportait une odeur de vase.
(p. 111, extrait de "L'ange a crié" de Fănuș Neagu)
Commenter  J’apprécie          50

autres livres classés : littérature roumaineVoir plus
Acheter ce livre sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Autres livres de Revue Les Lettres Nouvelles (1) Voir plus

Lecteurs (1) Voir plus



Quiz Voir plus

Fantômes

Dans quelle pièce de W. Shakespeare le héros est confronté avec le spectre de son père ?

Le marchand de Venise
Richard II
Hamlet
Titus Andronicus

10 questions
131 lecteurs ont répondu
Créer un quiz sur ce livre

{* *}