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3,03

sur 87 notes
Comme une sorte d'OLNI….[ Objet Littéraire Non Identifié ] tant ce texte est d'un genre atypique, difficilement classable…

Un roman tout à fait étonnant nous offrant à la fois une radioscopie sociale du XXIe dans la vie parisienne, doublé d'un roman d'apprentissage…sans oublier une promenade magique , continue dans le Paris d'aujourd'hui…à travers les yeux d'une très jeune femme qui aborde sa vie d'adulte !

Une jeune femme, ayant fini ses études, et après un stage en librairie, décide de quitter sa Bretagne natale pour « monter à Paris » , trouver sa voie, un emploi, commencer une nouvelle vie, plus aventureuse…plus valorisante que la vie routinière de province .Ses parents sont agriculteurs…

Jeanne sera embauchée à la Tannerie, nouveau lieu culturel d'avant-garde, qui démarre un projet ambitieux dans un quartier populaire du 19e parisien, entre Pantin, Stalingrad et sa Rotonde, les quais de canal de l'Ourcq…Elle s'immergera dans ce lieu professionnel, observera les uns et les autres pour acquérir de nouveaux codes sociaux…car, si il y a une chose qui n'a pas changé, c'est l'aura, le prestige irradiant de la Ville-Lumière !...Elle se veut plus Parisienne que les natifs de la Capitale…Une sorte de fraîcheur, naïveté rafraîchissantes…nous faisant songer à la fable du "Rat des champs et du rat des villes" !!

Il est aussi beaucoup question de la Solitude en milieu urbain… l'envers de la médaille !!
« Jeanne se mit à réfléchir au sentiment de solitude. Quelque fois cela lui plaisait d'être seule, de se soustraire au regard d'autrui. Elle avait été seule au cours de son existence, peut-être que c'était parce qu'elle était enfant unique, on disait que généralement les enfants uniques étaient des solitaires. Mais depuis qu'elle habitait à Paris, cela lui pesait. Elle s'était mise à rechercher la compagnie des autres, à éprouver un désir fou de les entendre, de savoir comment ils vivaient, ce qu'ils pensaient, elle était prise d'une curiosité insatiable pour eux, elle devait les connaître à tout prix. (p. 107)”

De très belles et très nombreuses descriptions de la Ville, des différents quartiers de la Capitale, au fil des saisons.. !
Une balade ininterrompue dans Paris, ses architectures , ses arrondissements bourgeois ou populaires, nous offrant l'Histoire à chaque coin de rue !

L'auteure nous fait, également, le récit de l'actualité, des mouvements sociaux, de l'émergence du mouvement « Nuit debout » , en 2016, pour réagir contre la Loi Travail !!....L'occasion d'analyser, d'observer notre société, les dérives du capitalisme, de la technologie à outrance.. Notre narratrice reste, malgré sa volonté de trouver sa place dans ce monde, une observatrice, souvent en décallé…perplexe, hésitante…en marge !

Amoureuse de Julien, jeune intellectuel, occupant des responsabilités à La Tannerie…elle se cultive, va aux expositions, par curiosité mais aussi pour acquérir les codes sociaux des Parisiens cultivés ainsi que pour séduire et intéresser Julien…

Au quotidien, les difficultés durables de jeunes diplômés, sous-payés, allant de CDD en CDD…dans un monde de précarités multiples. Célia Lévi aborde tous les aspects de la vie d'une jeune femme dans notre quotidien, souhaitant trouver un travail valorisant, un sens à construire pour son avenir d'adulte responsable… On ne peut que s'étonner ou admirer la lucidité et la maturité de cette jeune écrivaine, qui autopsie « notre monde » de tous les jours : le monde culturel, le monde du travail, la politique, les mécontentements, les dérives multiples, les drames des migrants, des plus pauvres, la protection de la nature, de l'environnement, l'amour des animaux dans notre "monde de brutes" !! etc…


« de toute façon, on vivait dans une société qui sacralisait le travail, n'avait-elle pas remarqué que quand on rencontrait une personne pour la première fois, on lui demandait immédiatement ce qu'elle faisait comme travail, et non ce qu'elle aimait par exemple, comme si le travail définissait l'être. (p. 69)”

Un roman qui m'a d'autant plus semblé proche qu'il mettait en valeur des lieux qui me sont très familiers, que j'ai hantés, arpentés jusqu'à l'été 2000, après 15 années face au Parc de la villette, la Cité de la Musique… les bords de l'Ourq, la transformation d'un quartier mal aimé : entre Paris, le 19e arrondissement, le Canal de l'Ourq, la réhabilitation de quartiers délaissés en lieux branchés… La Rotonde de Ledoux ( à Stalingrad ), les quais de Seine, etc…. sans oublier l'évocation de la Bretagne de son enfance, et de ses parents !

Merci aux éditions TRISTRAM nous offrant un catalogue des plus tonifiants et éclectiques. La couverture de l'ouvrage est à remarquer ; son extrême sobriété de dessin et de couleurs est très évocatrice de « nos solitudes modernes » ….et du noyau central de ce roman.

Cette lecture a été si plaisante, attachante, riche, que , poussée par la curiosité, je me suis empressée de me commander deux autres textes de cette jeune auteure d'origine chinoise : « Les Insoumises » et « Dix yuans un kilogramme de concombres »… toujours aux éditions Tristram…



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Le journal de la génération sacrifiée

Dans «La Tannerie», son quatrième roman, Celia Levi retrace le parcours d'une jeune bretonne qui va chercher les clés de son avenir à Paris. Et perdre presque toutes ses illusions, entre violence économique et désert sentimental.

Jeanne est un peu perdue. Engagée comme intérimaire à la Tannerie, un immense espace culturel au bord du canal de l'Ourcq à Pantin (derrière lequel on reconnaîtra les Magasins Généraux), elle est chargée de guider les visiteurs, mais manque d'instructions précises et a encore de la peine à s'orienter. Lorsqu'on lui confie la tâche de retrouver un enfant de quatre ans qui a échappé à la vigilance de ses parents, elle est proche d'un fiasco. Mais finalement tout va finir par s'arranger. Elle a sauvé sa place et garanti son emploi pour quelques mois au moins.
Durant l'entre-saison et ses promenades dans Paris, elle a plusieurs fois songé à regagner sa Bretagne natale qu'elle avait quitté pour un stage dans une librairie, mais qui s'est avéré décevant.
La nouvelle saison à la Tannerie va lui permettre de mieux apprivoiser cet espace de 60000m2, de se familiariser avec les défilés de mode, les expos d'art contemporain, le théâtre, le cirque et les soirées festives.
La chronique qui suit va retracer en détail les journées de Jeanne, ses rencontres, ses sorties, sa vie entre le Paris du quartier latin où elle trouvé une colocation et son immense vaisseau culturel installé à quelques pas d'un campement de migrants.
Celia Levi a choisi de nous dévoiler la prise de conscience politique et sociale à partir des témoignages rassemblés, de l'expérience acquise au fil des jours, des discussions qui vont devenir de plus en plus intéressantes: «Jeanne sentait que des bases théoriques lui manquaient, qu'elle n'était pas rompue à l'art du discours. Elle réussissait désormais à intervenir, apporter des précisions, des miettes recueillies ici ou là, mais dès qu'il s'agissait de convaincre ou de réfuter, elle était démunie, tout s'effondrait, n'était plus sûre de rien, pas même de ce qu'elle défendait.»
Elle va vivre sa première manifestation un peu comme une sorte de happening, elle va chercher auprès de Julien et de ses amis les lectures et les arguments pour décrypter cette curieuse société qui n'a guère de mal à poser un diagnostic sur les maux qui la ronge, mais hésite à vraiment les combattre.
Le livre, construit comme un long – trop long? – journal intime, revisite le roman d'apprentissage en plaçant une jeune fille un peu timide et maladroite, mais pleine de bonne volonté, au centre du récit. On la voit chercher les clefs d'un monde dont elle se sent exclue et dont elle aimerait tant pouvoir faire partie. En entendant le récit des aventures amoureuses de ses amies, elle va d'abord s'inventer une relation avant d'espérer pouvoir intéresser quelqu'un. Une éducation sentimentale du XXIe siècle qui se lit avant tout comme le difficile constat de la précarité à tous les étages. Jeanne va longtemps espérer un contrat à durée indéterminée, gage de davantage de stabilité. Une quête dont Celia Levi va faire le symbole de cette génération sacrifiée. Ajoutons que les temps difficiles que nous vivons du fait de la pandémie ne vont sans doute pas arranger les choses…


Lien : https://collectiondelivres.w..
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Pfiouuuuu….J'ai bien cru que je n'arriverais jamais au bout de cette tannerie, pourtant chaudement recommandée par les critiques et surtout par une de mes libraires préférées. Mon dieu que j'ai peiné pendant cette lecture.

Les personnages évoluent dans un milieu parisien très contemporain et branché. La tannerie est un ancien site industriel de Pantin reconverti en milieu culturel, un lieu imaginaire mais qui ressemble à bien des endroits existants.

Jeanne jeune provinciale arrivée fraîchement de sa Bretagne, a réussi à décrocher un CDD dans ce lieu à la mode. Elle est accueillante (en bref elle indique les toilettes). Emploi précaire et mal payé comme la plupart de ceux qui travaillent dans ce haut lieu culturel. Jeanne est fascinée par ce milieu branché et parisien et rêve de s'intégrer. Elle est amoureuse de son supérieur, beau parleur imbu de sa personne.

Les responsables sont animés de belles intentions (la culture pour tous, l'aide aux migrants installés à proximité, le soutien de Nuit debout etc) mais en réalité ils maltraitent leurs salariés et font bien peu de cas des problèmes du monde extérieur. Tout ce petit monde parle beaucoup mais n'agit pas et se contente de brandir de belles idées jamais mises en pratique.
Le sujet est donc plutôt bien traité et l'auteure a un regard ironique bien vu.
Mais que de répétitions : l'action ne progresse pas et les deux années de Jeanne qui sont décrites dans le roman m'ont semblé interminables !

Et les personnages principaux sont globalement à claquer soit parce qu'ils sont d'une naïveté et passivité incroyables comme Jeanne, soit parce qu'ils sont d'une prétention insupportable. Je ne me suis attachée à aucun…

Voilà un roman intéressant sur le « papier » mais qui au final m'aura fait périr d'ennui
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Avis des 100 pages

Ce livre doté d'un style d'écriture plaisant, une fois les premières pages lues, on est assez vite plongé dans le decorum mis en place par l'auteure, Celia Levi. La Tannerie, d'où le roman tire son nom, est un grand complexe culturel qui a pris place sur une ancienne friche industrielle à Paris. On peut l'apprécier comme un microcosme de notre société : les différentes classes sociales, les idéaux propres à chacun, …

Le personnage principal de « Jeanne » représente assez fort le stéréotype de la petite ingénue provinciale qui débarque à Paris en n'y connaissant rien. Au fil des jours, elle tente d'en déchiffrer les codes. Je l'ai parfois trouvée un peu godiche et agaçante par son manque de jugeote et cet esprit candide dont elle fait preuve. Peut-être que le reste de l'histoire me la rendra plus sympathique au delà de ces 100 premières pages. Je n'arrive pas à m'y attacher.

Malgré cette animosité à l'égard du personnage principale, j'aime assez bien ce roman. Il n'y a pas de grandes surprises jusqu'à maintenant mais je m'y sens bien et vais donc poursuivre avec intérêt cette lecture.

Ma chronique finale

Ce livre doté d'un style d'écriture plaisant, une fois les premières pages lues, on est assez vite plongé dans le decorum mis en place par l'auteure, Celia Levi. La Tannerie, d'où le roman tire son nom, est un grand complexe culturel qui a pris place sur une ancienne friche industrielle à Paris. On peut l'apprécier comme un microcosme de notre société : les différentes classes sociales, les idéaux propres à chacun, etc. le personnage principal de « Jeanne » représente assez fort le stéréotype de la petite ingénue provinciale qui débarque à Paris en n'y connaissant rien. Au fil des jours, elle tente d'en déchiffrer les codes. Je l'ai parfois trouvée un peu godiche et agaçante par son manque de jugeote.

Mon ressenti premier s'est finalement poursuivi tout du long de ma lecture. Cette façon stéréotypée d'appréhender la jeune adulte qui quitte tout pour débarquer à Paris, eldorado pour cette petite provinciale, a déjà été vu et revu. Ou bien faut-il l'appréhender comme une satire de cette idée de la métropole et de ses lumières ?

Celia Levi appréhende le lieu culturel qu'est la Tannerie, comme une entreprise, ce microcosme où les tensions contre les fonctions dirigeantes s'exacerbent lorsque les desiderata ne sont pas accordés, où les contrats précaires se multiplient en vue d'éviter les charges et les frais par la direction. Cela est abordé de façon totalement réaliste et le parallèle est évident.

Une fois les 100 premières pages passées, le monde merveilleux de la Tannerie s'effondre petit à petit : les berges sont occupées par des migrants de plus en plus nombreux, le mouvement Nuit Debout se met en place avec de multiples rassemblements et manifestations,… C'est ainsi que l'auteure intègre à sa fiction des événements et faits réels.

J'ai trouvé des longueurs rébarbatives à ce texte. Avec parfois l'impression de lire des pages remplies de descriptions inutiles et futiles de lieux ou de sentiments dans le seul et unique but inavoué de remplir des pages. Autant certains passages étaient intéressants et donnaient du sens à l'histoire, autant certaines pages comportaient des phrases très longues n'offrant aucune plus-value au récit à part provoquer une certaine lassitude auprès du lectorat.

Même si l'idée principale de ce livre était originale, la manière d'en extrapoler des pages inutiles en fait perdre la saveur. Je dois avouer avoir lu certains passages en diagonale, me rendant compte que je n'en perdais aucune information primordiale. Alors que ce livre comporte 377 pages, il aurait pu être épuré et en garder toutes ses qualités et originalités. Ce choix éditorial est bien dommage et risque de freiner certains lecteurs dans leur façon d'apprécier ou non ce livre. Pour un premier roman, j'aurai pu l' « excuser » mais vu qu'il s'agit quand même du cinquième de l'auteur, je me devais d'en tenir rigueur quant à l'appréciation de ce bouquin.

Bien entendu, toutes ces constatations ne sont que mon humble avis personnel. Je ne souhaite pas l'imposer aux autres lecteurs et c'est la raison pour laquelle je vous conseille de vous faire votre propre avis par la lecture de ce livre.

Lu dans le cadre des Explorateurs de la Rentrée littéraire 2020 du site lecteurs.com
Lien : https://www.musemaniasbooks...
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J'ai eu le plaisir de découvrir de titre grâce à ma participation aux explorateurs de la rentrée 2020, vaste opération de découverte des nouveaux livres sortant fin de l'été. Une organisation extrêmement sympathique à l'actif de Lecteurs.com sous la baguette de Karine Papillaud. Merci pour la confiance accordée.
Cri de révolte susurré, roman social saupoudré d'Histoire ou pavé dans la marre de nos tranquillités bourgeoises de gauche ? La Tannerie est un roman qui ne m'a pas laissé indifférent. Mais, sous peine de passer pour un roman coupe-faim qui nourrit la réflexion en abordant de vraies questions sans rassasier les esprits parce qu'il n'en dit pas assez, les amoureux de révoltes sociales, les passionnés d'Histoire, les obsédés de références littéraires, psychologiques ou artistiques de tous poils auront besoin d'un mode d'emploi. Comme Alice aux pays des rêves merveilleux, le lecteur doit, s'il veut apprécier, lire au-delà des mots, du style, des références et du non-dit. Celia Levi, l'autrice qui s'est livrée au public avec Les insoumises, Intermittence et Dix yuans un kilo de concombres, continue sa galerie de personnages submergés de rêves mais incapables de les transformer en projets et d'agir pour qu'ils se réalisent.
A la Tannerie, microcosme du monde où nous retrouvons les métiers du spectacle qu'affectionne l'autrice : artistes, ouvreuses, techniciens, agents de sécurité, responsables des planning, ressources humaines ou formation, Jeanne, jeune oie blanche bretonne naïve comme il n'est pas possible, est projetée dans le monde culturel de Paris dans le seul but d'assouvir ses rêves de frivolités et de fuir la ferme familiale et son manque d'avenir à ses yeux. Elle rejoint donc, dans des conditions précaires et de rémunération proche de l'exploitation, la Tannerie, grande friche industrielle où les promoteurs politiques et financiers annoncent un vaste projet porteur de multiples développements à condition qu'il soit soutenu par chacun des membres de cette grande famille dont dépend sa viabilité. Il s'agira d'une offre culturelle ouverte, alimentée par des artistes, des spectacles et des conférences plutôt avant-gardistes s'inscrivant dans la droite ligne (de gauche) de l'éducation des masses, le questionnement des modèles de société et l'intégration des publics défavorisés. Enthousiasmant, non ?
Ce qui n'est pas dit, bien sûr, c'est que ce projet porté par tous, devra rapporter de substantiels bénéfices en vue de garantir les salaires mirobolants des quelques cadres et ce, en dépit de l'avalanche de contrats précaires et des promesses d'avancement non tenues pour les petits salaires, tous métiers confondus. Ce qui ne manquera pas de soulever de vives contestations de ces derniers ? Pas sûr !
Le lecteur est donc au coeur d'une entreprise d'économie sociale. Une minorité vise la seule rentabilité financière, la masse se trouve plongée et plombée dans le rêve fumeux d'une révolution sociale, cadre qui n'empêchera ni les mesquineries, ni les coups foireux destinés, égoïstement, à se garantir une place, un pouvoir dans la structure, un CDI plutôt qu'un CDD.
Dans une telle bulle où les frustrations sont quotidiennes, le monde est refait tous les soirs lors des virées dans les bars de Paris. Dans cette ville, on n'existe que si on s'affiche. le lecteur devra donc absorber une dose d'alcool incommensurable et suivre, à défaut de participer, les joutes oratoires des refaiseurs de monde qui s'étourdissent à coups de références culturelles, cinématographiques et pseudo-philosophiques, toutes participant à la diarrhée de mots et la constipation d'idées qui président ces grands moments à venir. Chacun en est plus ou moins conscient, ces soirées où tout le monde s'agglutine autour d'un verre ont pour seul but de fuir la solitude que personne ne veut pourtant avouer.
Le choix de l'autrice a été de mettre au centre du récit Jeanne, anti-héros, jeune-fille lambda qui pourrait réagir mais qui ne trouve aucune balise, aucun cap à suivre, aucun phare pouvant la mener à bon port. Dieu, qu'il m'a parfois été pénible de suivre Jeanne, les pages et les pages tournant sans jamais un soupçon de révolte ne la conditionnant à se prendre en mains. J'ai été ulcéré par cette complaisance à subir la vie, par cet effacement, ce manque d'assertivité, bref, ce rôle poupée de chiffons qui ne se préoccupe que du cosmétique pouvant la jeter dans les bras d'un Julien convoité, un cuistre, poseur d'apparat lors de toutes les virées nocturnes n'abordant la vie qu'avec un vernis de culture qui se craquèle avant même de sécher. Il joue, pose et impose son regard clair, mais non lucide, sur ses proies, arrose les échanges pseudo philosophiques qu'il mène dans les bars d'un pédantisme de dandy qui camoufle à merveille la totale absence de lecture critique et révolutionnaire du microcosme de la Tannerie. Si ces deux personnages sont le centre, alors le cri de révolte de l'autrice ne peut que paraître trop retenu et silencieux. Bien sûr, me direz-vous, je pouvais lire entre les lignes… mais le message n'aurait-il pas été plus mobilisateur si le cri avait eu un petit côté Munch ?
En déconstruisant les propos et les actes des membres de la Tannerie, en dépassant le vide sidéral des considérations philosophiques, j'ai pu, mais bien sûr, comprendre que le message est le non-dit de l'autrice. Ce qui est tu est criant, criant de vérité. Et les nombreuses citations surgies du passé, soulignent la réédition de ces exploitations du travailleur pris en otage par un discours participatif et un management opposé. Par moment, j'ai été intéressé par ces retours au passé. Il me paraît approprié de ne pas oublier l'Histoire. Encore faut-il ne pas y vivre reclus. Or, j'ai eu plus d'une fois cette impression d'être emprisonné dans des argumentations d'un autre âge. Observant la crue de la Seine, était-il indispensable de citer Pissarro où les passants et les fiacres semblent patauger dans la boue ? Cette culture-confiture, parfois pertinente mais devant être dépassée, mises à l'heure du jour ne me semble utile que quand elle débouche sur des actions, des actes qui engagent, transforment, modèlent l'avenir. Or ce retour sur le passé, procédé, répété tout au long des pages, ne modifie en rien la trajectoire de vie. Cela a fini par user mon attention, m'insupporter même. Je suis en plein accord avec Jeanne qui, à la page 342, demande ‘n'as-tu pas l'impression que l'on revit toujours la même chose ?' Et, un peu plus loin quand Jeanne, enfin, a quitté la Tannerie, je me surprends, comme elle, à me dire que tout son récit là-bas n'a couvert qu'une petite période de deux ans de vie ! Cela m'avait semblé une éternité, une même situation qui ne se modifie pas d'un iota, ce qui, après tout, est bien la caractéristique de l'éternité ! Dieu que c'est long cet état !
Cela étant dit, la Jeanne dépasse tout de même la bienséance lorsqu'elle se reproche d'avoir osé comparer sa vie aux personnages des Raisins de la colère, oeuvre culturelle à laquelle on ne peut toucher et qu'elle enchaîne, sans remord cette fois, en pensant qu'elle et les migrants qui plantent leurs tentes de plus en plus près de la Tannerie (attendant sans réagir que les CRS les expulsent) partagent le même sort, personne n'en veut ! C'est pousser le bouchon un peu loin et faire preuve d'une totale absence de capacité à juger la ‘Res Publica', non ?
Alors oui, la Tannerie peut être un cri, une révolte analysée sur base des expériences antérieures et provoquer des rides sur le miroir de nos tranquillités si nos oreilles s'ouvrent aux cris rassembleurs d'un appel au partage des ressources, droits et salaires. Encore faut-il que nos coeurs s'ouvrent aussi, saignent face à la misère du monde et qu'en nous circule un sang nouveau, celui d'une évolution éthique et programmée de ce monde du travail et de ses valeurs.
Celia Levi, par l'écriture de la Tannerie, participe à cet éveil des consciences, assurément. Elle aurait pu le faire avec autant d'à propos et plus d'efficacité encore. Néanmoins, La Tannerie est un livre à lire, à réfléchir et à agir. Bonne lecture à tous ceux qui l'ouvriront.
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Jeanne est une jeune bretonne qui décide de venir travailler à Paris. Elle vit en colocation et va trouver un poste d'accueillante au sein d'un lieu culturel , une ancienne friche industrielle, qui vient d'ouvrir à Pantin et s'appelle " la Tannerie". On y présente des expositions, des artistes, des spectacles de danse, du cirque, des concerts. Jeanne va apprendre à connaître ce lieu gigantesque et découvrir le monde du travail. L'ambiance est plutôt bonne, les employés sont jeunes et sortent boire des verres, au restaurant le soir après le travail.
On découvre Paris avec les yeux de Jeanne, on visite la capitale, Pantin, Belleville, le canal de l'Ourcq. On est en 2016, Jeanne et ses collègues assistent à des manifestations de Nuit debout.
C'est un peu une tranche de vie, un regard sur un microcosme parisien.
Ce sont beaucoup de clichés, des personnages un peu stéréotypés et pas franchement sympathiques. Jeanne en particulier est gentille mais très passive. J'avoue m'être un peu ennuyée car, au final, il ne se passe pas grand chose.
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La Tannerie (site fictif) c'est un lieu, une petite planète, à Pantin, si près de Paris, qu'on y va à pied, boire un verre après la journée de travail, dans les quartiers du nord-est de la capitale, où les cafés de Belleville sont incontournables.
Implantée au bord du canal pour la proximité de l'eau nécessaire aux activités de tannerie, l'usine est devenue au vingt et unième siècle, un lieu de culture à l'heure où les friches industrielles renaissent au regard des contemporains, pour leurs volumes, leurs espaces, le charme d'un monde perdu. Voilà donc la Tannerie en plein essor, accueillant expositions, salons, défilés et pour faire vivre cette fourmilière, il faut du monde. La Tannerie embauche donc, pour guider le public, renseigner, animer, surveiller… les jeunes qui s'y retrouvent ont des rêves d'ascension sociale qui s'appellent CDI, ils se retrouvent bien vite confrontés à un travail difficile et précaire qui exige beaucoup et donne peu de compensations.
Voilà ce que Jeanne va découvrir et le livre a le mérite de nous faire partager cette découverte, jour après jour, mois après mois, au rythme de la vraie vie, car s'apercevoir que rien n'est à la hauteur du rêve, ça prend du temps, deux années, deux étés défilent sous nos yeux et la Tannerie prend forme dans le quotidien de Jeanne et ses collègues, avec un contexte social et politique qui prend progressivement sa place dans leur horizon quotidien, dont les limites se dessinent de plus en plus clairement.
L'écriture du livre est fluide, claire, poétique souvent. Les personnages sont bien campés, Jeanne, personnage principal est particulièrement crédible tant la relation de sa vie intérieure, ses interrogations, ses doutes, sont présentés avec précision, le lecteur l'accompagne tout au long de son parcours. Ce parcours est multiple et attachant : qu'il s'agisse de la découverte de Paris dans ses paysages et ses quartiers, de ses soirées arrosées qui donnent l'illusion qu'on n'est pas tout seul alors qu'en fait la solitude n'est jamais bien loin, de ses déceptions amoureuses car elle attend beaucoup et reçoit peu. Progressivement le caractère illusoire de ce bonheur parisien superficiel et froid, prend forme, les images de la Bretagne, ses camaïeux, sa douceur, viennent faire contre-point. Jeanne se sent perdue.
La force du livre c'est aussi de nous montrer comment cette déception qui se découvre progressivement dans sa vie personnelle, épouse la dureté des réalités sociales, qu'elle découvre également, aussi peu armée pour affronter l'un comme l'autre. C'est d'abord la dure réalité des migrants qui viennent s'installer tout près de la Tannerie avant d'être chassés sans ménagement, ce sont les mois qui précèdent le vote de la loi travail, avec les cortèges de manifestants, pourchassés sans ménagements par la police, Jeanne affronte ce printemps 2016, se prend à espérer au rythme des nuits debout, place de la République. Sans que l'auteur n'appuie sur cette réalité politique et sociale, elle montre bien que Jeanne y trouve un point d'appui sans tout comprendre sans s'engager, presque de manière intuitive, comme une réponse inconciente à ce qu'elle vit tous les jours : les relations humaines décevantes, au bout du compte le CDI qui ne vient pas et le retour à la case départ.
Un livre plein d'humanité, qui met le lecteur en face de son temps.
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Je me suis plongée dans ce livre après avoir été vivement recommandé lors d'un café littéraire à la médiathèque des Halles. J'espérais découvrir une lecture à la fois enrichissante, engagée et humoristique. Si pour la première attente, j'ai été comblée, la seconde s'est fait attendre. le roman nous fait suivre Jeanne, une Bretonne venue s'installer à Paris pour travailler dans une tannerie. Elle est fascinée par la vie parisienne et se lie rapidement d'amitié avec ses collègues de travail. Cependant, elle se rend vite compte que derrière les paillettes se cachent des réalités moins reluisantes. Les thèmes abordés sont intéressants, notamment les relations sociales à l'heure des réseaux sociaux et les difficultés d'intégration. Néanmoins, l'histoire est parfois longue et les émotions de Jeanne sont peu développées. J'aurais aimé ressentir davantage d'émotions et d'attente. La fin du livre laisse également un sentiment d'inachevé. En somme, même si certaines thématiques m'ont interpellée, ce livre n'a pas su retenir mon attention jusqu'à la fin.
Mon avis détaillé :

Lien : https://lesparaversdemillina..
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Dès les premiers chapitres, j'ai eu la sensation de découvrir en Jeanne, le personnage principal de ce roman, un nouvel avatar de Frédéric Moreau, ce cher personnage flaubertien à qui j'ai, à chaque fois que je relis L'Education sentimentale, encore plus envie de botter les fesses devant sa force d'inertie .

Jeanne est en effet une jeune femme qui, tout comme Frédéric, arrive de sa province natale, ici la Bretagne, pour faire ses armes, professionnelles comme personnelles, à Paris. Elle va très vite comprendre, en commençant à travailler comme accueillante à la Tannerie, ancienne tannerie de Pantin reconvertie en centre culturel qui mêle lieux d'expressions diverses et variées, galeries d'expositions, et plus encore au fil du roman, que cela n'ira pas de soi. Lorsque l'on n'est pas parisien et que l'on n'a pas les codes de la vie parisienne, il faut bien du temps pour s'acclimater. L'arrivée à la capitale est donc pour Jeanne, discrète, plutôt passive, particulièrement rêveuse, un coup de massue, une désillusion qui n'ira qu'en s'accentuant, notamment car tout ce en quoi elle croyait, ambition, reconnaissance du travail accompli, amitié, amour… sera balayé d'un revers de main cruel, mettant en travers de son chemin la réalité de la société française, et parisienne, au XXIème siècle.

Tout y est en effet artifice, hypocrisie, superficialité, que ce soit dans les comportements au travail ou en dehors : les évènements du roman se passent alors qu'un camp de migrants s'est installé au niveau du canal jouxtant la Tannerie, avant son démantèlement, puis lors de l'apparition de Nuit Debout et des premières manifestations qui ont suivi, contre les diverses réformes, et qui ont été réprimées très violemment. La majorité des personnages s'implique dans ces évènements d'un seul mouvement, celui d'un effet de mode qui est scruté par tous dans les premiers temps, mais qui lasse très vite en raison de la trop grande énergie qu'il demande. Les seuls qui sont sincères, qui refusent le monde qui leur est proposé, qui s'engagent réellement dans les causes à défendre, comme Saïd, qui symbolise à mon sens le plus justement cet état de fait, disparaissent progressivement de la surface du récit pour n'être que des êtres évanescents, croisés au détour d'une rue, d'une station de métro, comme si l'omniprésence d'un climat surfait, nombriliste, éminemment cynique, était désormais la norme de notre société actuelle.

Et c'est ce climat, grâce à des descriptions et des portraits précis, toujours motivés bien que nombreux, riches sans être rébarbatifs, que l'auteure parvient à retranscrire, souvent sans jugement, parfois avec une petite pointe d'ironie mordante – du moins en ai-je eu l'impression -. Retranscription qui se fait par l'intermédiaire d'une plume fluide, qui suit à la perfection les questionnements et états d'âme de son personnage principal, dans la découverte, avec toute sa candeur juvénile, de ce climat, finalement, et malheureusement, banal.

La Tannerie est en somme un roman social comme je les apprécie particulièrement. Je remercie les éditions Tristram et Babelio de m'avoir permis de le découvrir grâce à la dernière Masse Critique.
Lien : https://lartetletreblog.com/..
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Le roman de Celia Levi promettait d'être une satire sociale. A la lecture du quatrième de couverture, je m'attendais à au moins quelques rebondissements quant à l'attitude des personnages qui baignaient dans l'univers de la Tannerie, qui, loin d'être bienveillant, se révélait être un véritable panier de crabes. L'idée était bonne.

Malheureusement, un style d'écriture lourd et pénible, des descriptions interminables et confuses, des personnages ectoplasmiques, et une platitude de l'intrigue ont eu raison de mon enthousiasme du départ. Lasse de piquer du nez, et sur le point de capituler, je me suis résignée à une lecture en diagonale, pressée d'en finir.

Grosse déception !
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