Pour faire carrière dans la politique, il faut savoir faire des concessions, ne pas avoir un nez trop sensible et surtout ne pas se regarder de trop près lorsqu'on passe devant un miroir.
Tiens, plaçons l'histoire aux Etats-Unis de nos jours, c'est loin les Etats-Unis et rien n'est comme chez nous, la classe des politiques est vraiment différente de notre caste des politiques, vraiment rien à voir !
Tenez, disons que Wilson Drake qu'on appellerait Billy par commodité, soit un Sénateur sortant qui voudrait bien se faire réélire (ben oui, les limousines, les passe-droits, les petits arrangements, la déférence, tout çà, on ne sait plus s'en passer, n'est-ce pas) et son directeur de campagne, qu'on nommera Devlin, par exemple…
Devlin citant le destin de
Marie-Antoinette à Billy.
Qui ça ?
Marie-Antoinette ?
« Devlin sait très bien que Billy sait qui est
Marie-Antoinette, mais c'est un jeu auquel ils aiment jouer ; faire semblant, entre eux, de n'avoir pas la culture la plus élémentaire. Une façon de se moquer des électeurs, ce qu'ils trouvent de bonne guerre puisque les électeurs qui sont souvent dépourvus d'éducation ou de pensée logique les tiennent par les couilles tous les 6 ans. »
Ouais, en France ils se seraient moqués des « sans-dents » n'est-ce pas, mais comme j'ai dit que nous étions aux Etats-Unis, faut transposer…
Les politiques ont une vision des évènements qui n'a rien à voir avec la vôtre, avec la mienne. Parfois, malgré leurs mensonges, leurs petits (ou grands) arrangements, ils perdent et alors l'échec est terrible.
En cas d'échec, très cyniquement, ils vous diront :
« Vous autres, vous pensez que nous sommes fiers de ce que nous faisons. Vous croyez que nous ne savons pas faire la différence entre le bien et le mal.
Mais nous savons.
C'est un choix.
Nous l'assumons et nous faisons ce qu'il faut pour gagner, parce qu'il n'y a pas d'autre choix possible. Il n'y a pas d'autre façon d'effacer cette sensation que de gagner. »
Si un journaliste quelconque leur demande pourquoi ils sont venus en promo en car à…disons Tennant, pour citer un patelin paumé des Etats-Unis, alors que personne ne vient jamais à Tennant !
Ils vous répondront avec une sincérité qui leur vaudrait un grand prix d'interprétation dans n'importe quel festival de cinéma :
« C'est important d'aller dans les petites villes parce que la voix de tout le monde doit être entendue.
…
Leur voix entendue !?
C'est ce qu'ils veulent qu'on leur dise.
Nous vous écoutons, votre opinion est importante pour nous.
Mais personne n'écoute ! Les gens qui croient que leur opinion est entendue sont moins susceptibles de provoquer des troubles. Voilà pourquoi le car s'arrête ici, pour pacifier, soulager, roucouler des berceuses et endormir des masses en colère. Tout va bien, nous vous écoutons. Billy écoute les donateurs qui rédigent des chèques à l'occasion des collectes dans les hôtels, pas les gens qui mangent des burgers gratuits sur le parking d'une bibliothèque défunte. L'opinion de ceux-là aboutit sur la boîte vocale. »
Allez j'arrête la politique fiction, cela n'a rien à voir avec la droiture, le sens du bien public, l'honnêteté, la rigueur, l'humanité, qui caractérisent chaque élu français !
Cette science-fiction donne lieu à un magnifique roman signé
Iain Levison «
Pour services rendus » chez l'excellente maison Liana Levi, dans une traduction de Fanchita Gonzalez Battle.
Tous les romans de
Iain Levison sont magnifiques, pleins d'humour et de dérision. Une écriture qui coule comme ces histoires qu'on sait être plausibles.
Et toujours chez Liana Levi !
Merci, j'ai échappé à la grandeur de nos hommes politiques un instant.
Un instant de pure science-fiction.
21 juil. 2018 à 16:23