OK, je reconnais mon erreur, il subsiste quelques talents littéraires fort intéressants à découvrir 🤣.
Rebecca Lighieri, également connue sous son autre nom de plume,
Emmanuelle Bayamack-Tam, en fait partie.
Je viens de lire à la suite deux de ses ouvrages, qui m'ont proprement enchantée par leur cruauté réjouissante, même si la narration d'ébats érotiques et sexuels plutôt répétitifs m'a un peu lassée au fil des 435 pages du second.
Honneur au premier,
Les garçons de l'été, et sa 4ème de couv.
« Forts de leurs études brillantes, de leur famille convenable et convenue, de leur beauté radieuse et de leur maîtrise du surf, Thadée et Zachée ont cru que l'été serait sans fin. Que la vie se passerait à chevaucher les vagues, entre jaillissements d'embruns et poudroiements de lumière. Mais en mutilant sauvagement Thadée un requin-bouledogue le prive de l'existence heureuse auquel il semblait voué : il est devenu un infirme. La bonne santé des uns, la sollicitude des autres le poussent à bout. Et le révèlent à lui-même jaloux et envieux. La mort soudaine de Zachée va être le coup de grâce pour cette famille conventionnelle que l'accident puis l'attitude de Thadée avaient passablement ébranlée et qui dès lors plonge dans la folie. »
Le roman commence comme une saga familiale. Il y a les parents, Jérôme le père, pharmacien à Biarritz, et la mère Mylène, qui reste au foyer ; puis viennent les trois enfants, beaux, intelligents, brillants, chacun dans leur style. Les deux fils s'appellent pompeusement Thadée et Zachée, jeunes mâles solaires, fascinants et charismatiques ; leur petite soeur Ysé observe tout sans rien dire et ses loisirs sont un peu insolites, voire mortifères, avec les insectes qu'elle élève ou transforme en cadeaux bizarres.
Lorsque le roman démarre, un cataclysme vient de se produire. Thadée, parti à La Réunion depuis quelques mois pour s'adonner au surf, passion qu'il partage avec son frère depuis l'adolescence, a été attaqué par un requin 🦈 et y a perdu une jambe. Zachée, qui l'avait rejoint pour un court séjour, a assisté impuissant au drame. La mère se précipite bien évidemment au chevet de son aîné.
Au moins, pense-t-elle, il est vivant.
Pendant son absence, tout commence insidieusement à partir en déliquescence. Son mari, qu'aucun soupçon d'adultère n'a a priori jamais entaché, s'autorise des privautés dans la buanderie de la villa familiale avec sa vieille maîtresse. On découvre donc que le couple parfait est en fait un ménage à trois, ce que la bonne épouse ignore totalement. Puis, lors du retour du fils prodigue amputé, les lézardes se font de plus en plus incisives dans le tableau idyllique bourgeois. Les masques tombent, laissant apparaître des béances : mère névrosée, père défaillant ; Thadée, surtout, révèle un véritable visage de sociopathe. Sa vie entière n'est qu'un simulacre de réussite et tout son être transpire de haine pour ceux qu'il refuse de considérer comme sa famille. Si son cadet Zachée réussit d'abord à s'en sortir, c'est grâce à son caractère positif et empathique et à l'amour qui l'unit à Cindy, son indéfectible amoureuse surfeuse ; seule la jeune Ysé décrypte froidement tous ces changements, peu affectée, car inaccessible aux émotions.
Tout bascule définitivement lorsque Zachée décède. Je ne vous raconte rien des circonstances; la dégringolade devient abyssale, même si toujours savoureuse, occasionnant une fin de roman menée tambour battant, faux polar parfois aux limites du gore ; une place de choix est accordée au personnage d'Ysé, qui se reconnaît elle-même plus d'atomes crochus avec Thadée qu'elle hait, et malgré sa préférence pour Zachée. Les destins conjugués de ses frères l'empêcheront de sombrer à l'instar de son aîné et elle se forcera à demeurer dans les limites du « bien », sans jamais en être la dupe.
Ce récit très noir et délicieusement cruel paraît extrêmement rafraîchissant à une époque où les ouvrages marketés « empathie bienvenue » pullulent. L'écriture peut sembler facile ; le livre est divisé en chapitres où chacun des protagonistes donne sa vision des événements au fil de l'histoire. C'est souvent du langage parlé, voire assez cru. Mais l'ensemble ne tombe jamais dans la complaisance ou la vulgarité.
Agnès Boucher, Auteure & Blogueuse
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