Max Aue est un ancien Nazi qui a échappé à tout procès en s'enfuyant en France. Il raconte son histoire pendant la période sombre que tout le monde connaît bien...
Mon challenge de lecture de 2020, c'était de lire
Ulysse de
James Joyce. Après ça, je ne pensais pas qu'on pouvait faire pire expérience.
Bah si.
Et même de loin. (Hein, comment ? C'est possible ??)
C'est une vraie claque que je me suis prise en commençant
Les Bienveillantes. Pas à cause de son sujet très difficile et spécial, nonnnn, mais bien parce que je ne m'attendais pas à autant me faire chier. Oui, c'est le mot. Si la première partie est intéressante car elle balance des données numériques sur le nombre de victimes lors de la Seconde Guerre mondiale et peut faire froid dans le dos grâce à sa factualité dénudée de toute émotion, la deuxième partie fut un calvaire à lire, et ce à divers égards. J'ai eu beaucoup de mal, comme nombre de lecteurs, avec la froideur du récit qui narre des épisodes déshumanisants terribles, dérangeants et historiques dans le fond. On a de nombreux sentiments à la lecture qui viennent successivement prendre le relais, sans répit, dont le voyeurisme, l'outrance et l'empathie, opposés de manière inimaginable à ceux de l'ennui et la fatigue loin de tout respect pour le passé. Et ce sont ces deux derniers que je n'avais pas vus venir, mais alors pas du tout.
Pourquoi se fait-on tant suer à cette lecture de faits avérés horribles ? Parce que c'est perdu dans un fatras d'informations et de récits divers dont on se fout ROYALEMENT : l'érudition mal placée du héros qui cite à tout va tel ou tel philosophe ou bouquin ; le fait qu'il vomisse tout le temps et les folles aventures de son système digestif ; son homosexualité et sa relation incestueuse avec sa soeur jumelle qui sortent de nulle part et ne vont pas trop de pair avec la société aryenne anti-homo d'Hitler et laissent complètement incrédule ; les titres et organisations nazis à rallonge et absolument insuivables à tel point qu'on ne les lit plus dès la 10ème page ; le parcours factuel sans fin et vide des soldats allemands qui avancent dans le froid vers la Russie ; les allers et retours dont on n'a cure dans toutes les villes de Pologne & Co ; les discours interminables sur les langues du Caucase et autres informations géo-politico-ethno-religieuses qui sont censées montrer que les SS ont bien étudié et travaillé la question judaïque pour prouver qu'ils n'ont pas tué n'importe qui ni tout ce qui bouge quand même ; la position soi-disant neutre du personnage principal Aue qui, les trois quarts du temps dans les réflexions avec ses collègues et supérieurs, ne fait que poser les questions "Comment ça ?" ou "ah oui ?" et n'est donc pas celui qui avance toutes les positions racistes, antisémites et dégueulasses ; les petites guéguerres internes et les promenades dans la campagne pour aller déjeuner pour faire style qu'il y a des descriptions… le tout dans un corps de texte infini qui incorpore les dialogues sans jamais aller à la ligne...
Au final j'ai passé plus de temps à survoler qu'à vraiment lire parce que j'avais atteint le comble de l'insupportable à des niveaux que je n'imaginais pourtant pas.
Cette agréable expérience s'est poursuivie avec les parties 3 et 4, pleines de mots mais vides d'intérêt. Max Aue n'a toujours aucun appeal en tant que personnage principal, ce n'est même pas un anti-héros qui pourrait avoir ses fans parce que derrière tout défaut, on trouve toujours une qualité. Eh bien là, non, pas du tout. Aue c'est un type qui aime se promener et faire chier les gens en plein Stalingrad assiégée, qui se prend une balle fatale mais qui en ressort vivant (y a pas de justice, on le savait déjà…), qui aime bouffer quitte à manger à tous les râteliers, qui part en convalescence au grand air et fait des pieds et des mains pour se caser une place au soleil loin du front, tout en se tapant toujours sa soeur ou fantasmant sur elle tout en se tapant des putes, nous précisant régulièrement où il fourre sa verge, avant d'aller emmerder sa mère et son beau-père qu'il finit par achever lui-même sans même se l'avouer (il devait déjà connaître les faits alternatifs, celui-là). Après le scato : le porno, toujours sur fond de Juifs et Bolcheviques à supprimer, toujours avec tous ces gradés qui, passez-moi l'expression, ne se sentent plus pisser.
Je pense que j'ai tellement détesté la deuxième partie, le personnage et l'écriture qui n'a rien d'extraordinaire quoi que d'autres en disent, que c'en était déjà fait de ce livre pour moi. Je subissais plus qu'autre chose, je ne prenais strictement aucun plaisir de lecture, j'ai même eu l'impression que j'avançais plus vite sur
Ulysse, c'est dire.
J'en devenais à force presque plus choquée du personnage de Aue que des exactions commises contre l'Etre Humain. Je m'aperçois que le roman ne se focalise par sur ça mais sur Aue, qui est un personnage hyper complexe, absolument pas empathique pour un sou, qui pense à tout sur ses entrailles et extrémités mâles mais n'est jamais capable de formuler un argumentaire de lui-même contre les Juifs, car ce sont toujours d'autres personnages qui développent des théories.
Ensuite, il y a eu cette longue partie 5, que je n'avais jamais hâte de retrouver le soir ou le week-end. Si à de rares moments j'ai trouvé le contenu sensiblement plus intéressant une fois que Max arrive à Auschwitz grâce aux études hallucinantes sur les rations accordées aux détenus et toutes les coulisses en fait de la gestion de ces camps et de la solution finale, l'ennui et l'inintérêt sont restés de mise. Monsieur blablate à mort et s'attarde sur des détails dont on se fout royalement (j'ai dit, il a dit, alors j'ai répondu, et il a répondu, on a droit à tout le dialogue ou presque les 9/10èmes du temps...), et même lui le dit qu'il nous emmerde, je cite :
"Mais peut-être qu'au fond vous vous moquez de tout ceci. Peut-être préféreriez-vous, à mes réflexions malsaines et absconses, des anecdotes, des histoires piquantes. [...] je vous l'ai dit, je fatigue, il faut commencer à en finir. Et puis si je devais encore raconter le reste de l'année 1944 dans le détail, un peu comme je l'ai fait jusqu'ici, je n'en finirais jamais. Vous voyez, je pense à vous aussi [...] ; et puis, vous disposez d'un pouvoir sans appel, celui de fermer ce livre et de le jeter à la poubelle [...]."
Mais grave, mec !!! C'est fou, l'auteur est conscient qu'il fait chier, qu'il donne trop de détails et que son livre est digne de la décharge publique ! Si cette lecture ne constituait pas un challenge, c'est clair que j'aurais fermé ce livre bien plus tôt !!
Dans cette partie toujours aussi longue, on a droit à Aue qui pète toujours plus haut que son cul, qui tente de se faire passer pour le gentil Nazi qui donne des chaussures et couvertures aux détenus des camps meurtris dans le froid et que c'est le seul qui veut leur donner plus à bouffer (genre son humanité s'est réveillée au bout de trois ans et six millions de morts, quel brave homme !), qui utilise les femmes comme bon lui semble, qui continue à nous bassiner avec le sexe, sa verge et celle des autres, qui croit dur comme fer qu'il est blanc comme un linge dans l'histoire du meurtre de sa mère et son mec. Un autre fait ahurissant est la visite répétitive des deux flics qui le suspectent des meurtres qui viennent toujours de super loin juste pour cinq minutes d'entretien et pour le narguer. Ils arrivent tellement toujours comme un cheveu sur la soupe que c'est franchement peu plausible.
Ce qui est pénible quand même, c'est que l'auteur a certainement fait plein de recherches pour parvenir à autant de détails, même supposés, sur le fonctionnement du régime nazi, les façons de penser, les théories développées... Sauf que la narration et le personnage principal avec ses élucubrations personnelles et en particulier sexuelles sont tellement imbuvables qu'ils balaient complètement le travail historique titanesque effectué. Je suis en fait bluffée par cet auto-travail de sape de l'auteur. A quoi pensait-il donc en nous abreuvant d'autant de détails sans aucun but et de considérations sur le sexe ??
Et donc, à presque cent pages de la fin, j'ai arrêté les frais, n'en pouvant plus. Oui, à seulement cent pages alors que j'en avais lu près de huit-cents. J'en étais venue à un point où je me fichais royalement de connaître la fin, le dégoût profond l'ayant emporté sur tout.
Tout ça m'amène à ces questions essentielles : c'est quoi ce Goncourt chiant et illisible dans son ensemble à 100% si c'est pour sauter des pages et des passages chiants et inutiles pour pouvoir avancer ?? Comment ce bouquin a-t-il justement pu avoir le Goncourt et comment de nombreux lecteurs peuvent l'ériger sur l'autel des meilleurs romans qu'ils aient pu lire, vu qu'on ne compte plus le nombre de critiques dithyrambiques ??
Ce livre est pour moi une impasse, un sentiment rare et étrange quand même pour un bouquin...
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