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sur 2554 notes
La période de la Seconde Guerre Mondiale a été abordée dans la littérature à de nombreuses reprises, que ce soit sous forme de fictions, de documentaires ou d'essais. On peut citer parmi les oeuvres les plus connues, Si c'est un homme de Primo Levi, le silence de la mer de Vercors ou encore le Journal d'Anne Franck. S'inscrivant, quant à lui, dans la lignée des romans s'intéressant plus particulièrement au personnage de l'officier SS, Les bienveillantes de Jonathan Littell n'est pas sans rappeler le très bon roman La mort est mon métier de Robert Merle. Publié en 2006, il reçoit la même année, le grand prix de l'académie française mais aussi le prix Goncourt et remporte un franc succès auprès des lecteurs. Néanmoins il essuie certaines critiques négatives qui lui reprochent le manque de crédibilité du narrateur, le manque de modernité et la faiblesse du style mais aussi des problèmes éthiques liés au risque de voir le lecteur se complaire dans la violence et de développer de l'empathie pour le narrateur, un officier SS. Quel groupe de lecteurs ai-je rejoint? Celui des convaincus ou celui des désappointés?

Prenons tout d'abord l'objet en main. Ce qui frappe c'est son poids et son nombre de pages…1400 pages dans la version poche. Et oui ce roman est long, trèeeees long. Cela pourrait légitimement suffire à en décourager plus d'un surtout qu'au nombre de pages, se rajoute une mise en page très dense, peu de marges, peu de sauts de ligne, une police d'écriture petite, pas de chapitres mais uniquement des parties très longues. Bref ça ne donne pas forcément envie et quitte à s'infliger un gros pavé on a vite fait de se tourner vers une intégrale de Game of Thrones… Mais n'oublions pas, il est souvent nécessaire d'ôter l'emballage pour pouvoir apprécier pleinement la chose convoitée…ou pas.

Revenons sur le style qui a été décrié par certains critiques. Pour son premier roman, on peut dire que Jonathan Littell manie la plume avec brio. Certes l'auteur ne réinvente rien mais il fait preuve d'une grande maîtrise de la langue. Il réussit à entraîner le lecteur dans le récit très cru de cet officier SS, à le suivre dans le « tour du monde » de ce conflit mondial, alors qu'au final, sur les 1400 pages on dénombre peu d'actions. Une étrange force emporte le lecteur dans ce tourbillon de violence et d'horreur. J'ai toutefois ressenti un certain ennui et une lassitude dans les passages où le narrateur se trouve dans le Caucase et en Hongrie. L'auteur ne ménage pas le lecteur en utilisant abondamment un langage cru et dérangeant tout en alternant avec un langage on pointe l'érudition. Il n'est pas toujours facilement de suivre l'auteur quant il s'adonne à cet « étalage de savoir ». Il me reviens en mémoire notamment, un passage dans le Caucase, où Maximilien Aue, le narrateur, à une longue discussion avec un professeur qui porte sur les différentes langues et ethnies du territoire sur lequel ils se trouvent…pas très loin de tomber dans le bon vieux ouvrage universitaire…L'utilisation de mots et termes allemands tout au long du récit peu déstabiliser et égarer parfois; il aurait été judicieux d'intégrer des notes de bas de page ou un lexique plus conséquent que celui présent dans la version de poche, afin de guider le lecteur.

La richesse de la documentation est selon moi, le point fort de ce roman. Il foisonne de détails historiques, de descriptions de lieux et de personnages: on sent que l'auteur a abattu un travail colossal de recherches documentaires en amont de son oeuvre. Ça ne fait qu'accentuer la crédibilité du récit. Ainsi on nous apprendre des tonnes d'informations sur cette période, certaines complètement inconnues pour ma part. J'ai trouvé certains passages passionnants et cela m'a même donné envie d'approfondir les connaissances ainsi acquises. le roman va au delà des connaissances que l'on aurait pu avoir acquises lors de la scolarité, qui malheureusement faute de temps, ne fait que survoler cette période et délaisse certains faits.

Jonathan Littell fait le choix de mettre en scène une palette de personnages fictifs mais aussi et surtout réels comme Hitler (bien sûr…), Albert Speer, Heinrich Himmler, Adolf Eichmann, Reinhard Heydrich ou encore Rudolf Hoss (le narrateur de la mort est mon métier). M. Aue rencontre TOUS ces personnages, il peut trop « facile » à mon sens… Cela aurait-il être possible dans la réalité? Je ne pense pas…un petit manque de crédibilité sur ce point… En ce qui concerne les personnages fictifs, c'est assez difficile de s'y attacher, peu d'émotions s'en dégagent et la plupart « passe vite » dans le champ du narrateur. Relative exception, le personnage de Thomas, un officier SS comme M. Aue, on peut même dire son seul ami? qui l'aidera à de nombreuses reprises et le suivra jusqu'à la fin du roman…

Le point qui a très certainement posé des difficultés à de nombreux lecteurs sont les scènes de scatologie, de sexe et d'inceste qui ponctue le récit…L'avant dernière partie intitulée « Air » en est l'apothéose…En effet l'auteur ne ménage pas son lecteur, il provoque, il dérange. Mais à mon sens cela va de pair avec le personnage de Maximilien Aue: torturé par son amour pour sa soeur, une haine envers sa mère, une homosexualité cachée, un trouble de l'identité. Je ne m'aventurai pas sur un terrain que je ne maîtrise pas mais il ferait indéniablement un bon cas d'analyse psychanalytique.

De nombreuses questions sont soulevées dans Les bienveillantes notamment sur le mal: doit-on faire le mal par devoir? Est ce légitime? Faire le mal pour la « bonne cause » n'est-il pas en fin de compte faire le bien? le roman aborde également les questions sur l'antisémitisme et sur ce concept de race supérieure, sur l'inceste, l'homosexualité et bien autres choses…



La maîtrise de l'écriture, les thèmes abordés, l'énorme travail de documentation ainsi que les nombreuses connaissances apportés sur ce conflit, fait des bienveillantes, un Grand roman. Certes, ce n'est pas une lecture facile de par la violence qui s'en dégage mais aussi par la densité du texte et parfois les « dérapages » d'érudition. C'est une lecture exigeante mais vraiment pas insurmontable, il faut juste prendre son temps…Bref c'est un roman vraiment passionnant pour tout ceux qui souhaitent en savoir davantage sur ce conflit mondial mais c'est également un roman qui offre une occasion presque inédite d'observer la cruauté et la bêtise humaine à travers les yeux d'un Hauptsturmfuhrer…
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Ardu mais passionnant, glaçant. le parcours d'un monstre, qui aurait été monstrueux dans n'importe quel contexte mais qui trouve dans le régime nazi un système à sa démesure. L'analyse du régime nazi est aussi intéressante qu'effroyable et l'impunité du "héros" met une touche finale au malaise...
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Il y a eu tant de critiques sur ce livre que j'ai hésité à en ajouter une autre, si tard après sa parution (qui a fait un si grand bruit). Ce roman-fleuve m'a laissé des impressions contrastées. Son sujet est énorme: il ne s'agit pas seulement du destin d'un homme, mais aussi de la vie et de la mort dans un conflit sans merci (la seconde guerre mondiale), et plus généralement de la nature humaine, si étonnante, si ambigüe - et si cruelle, dès qu'elle en a la possibilité. Il y a bien un souffle extraordinaire dans ce récit immense, qui s'ordonne autour du personnage principal, pour lequel on n'a pas d'empathie, mais qui est campé d'une manière inoubliable. L'auteur montre une ambition et une maturité hors du commun, recréant comme un démiurge le monde dément du troisième Reich, multipliant les morceaux de bravoure, conduisant le lecteur d'horreurs en horreurs. J'ai été estomaqué pendant une bonne partie du livre, mais… j'ai parfois trouvé que "trop, c'est trop". A ces moments-là, je trouvais que J. Littell en faisait des tonnes. Alors, mon intérêt retombait brutalement et je regardais sournoisement combien de pages il me restait à lire pour finir ce pavé. Et puis, après avoir laissé le roman "en jachère" pendant quelques jours, je finissais par reprendre la lecture et, à nouveau, je me laissais prendre à la gorge par cette folle histoire et par son "héros" sulfureux. C'est pourquoi mon avis reste globalement positif et je pense sincèrement que, malgré ses défauts, "Les Bienveillantes" ont bien mérité le prix Goncourt.
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Les bienveillantes est une sorte de “rise and fall du IIIème Reich”, vécu à travers les destinées de Maximilien Aue, directeur d'usine de dentelle en France, et accessoirement ex officier SS, revenu de la guerre vide et amer. Ce personnage, cynique et froid, spectateur de lui-même, et vivant les atrocités de la guerre comme curieux d'une expérience scientifique, est le narrateur inquiétant et halluciné d'une époque barbare. Sorte de témoin privilégié de la Grande Histoire, il est dépêché sur le front russe, en Ukraine, il y décrit les exécutions de masse, leurs ratés et le lent processus qui conduira à l'élaboration scientifique et rationnelle de la solution finale. Il progresse dans la hiérarchie, favorisé par les événements, les rencontres, la chance aussi, et découvre progressivement les arcanes du pouvoir Nazis. de Stalingrad à Auschwitz en passant par Berlin, le roman, en l'espace de 1400 pages (édition folio), balaye, en un large spectre, les différentes facettes de cette période, dans toute son horreur et sa démesure, avec toujours en toile de fond la réflexion sur la chaîne des responsabilités dans les crimes à vastes échelles, perpétrés par un ensemble d'individualités consciencieuses et obéissantes. Ce roman foisonnant et riche met en scène les personnalités saillantes du régime nazis et de la collaboration des pays occupés. A ce titre on peut qualifier l'oeuvre de somme littéraire. Plus discutable est le choix d'un narrateur complètement déséquilibré, narcissique et déviant sexuel, alors que par ailleurs Jonathan Littell montre bien que les bourreaux étaient très probablement, en grande majorité, des bons pères de famille, scrupuleux et méticuleux dans la tache qui leur était attribuée. Ainsi on ne nous épargne pas les épisodes hallucinatoires, obscènes et fangeux décrit avec une certaine forme de complaisance. C'est à mon avis un point de vue discutable; le roman aurai gagné en horreur, en réalisme et en suggestivité, en adoptant un ton administratif, plus froid et clinique comme dans La mort est mon métier de Robert Merle. Les Bienveillantes est un récit très bien documenté, on sent que l'écrivain a lu ses illustres prédécesseurs comme Malaparte, Speer ou Grossman; néanmoins placer ce roman sous l'égide de Vie et Destin ou d'Eschyle comme le fait la quatrième de couverture me semble exagéré, je peux énumérer une demi-douzaine d'oeuvres ayant trait à cette période, qui m'ont paru bien supérieures du simple point vue littéraire. le style du roman est simple, un peu vulgaire, le recours à l'analepse dans le cours du récit est néanmoins intéressant et ajoute de la profondeur au récit.
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Dans cette fresque de plus de 900 pages, l'auteur raconte l'ascension (et la chute) d'un officier SS durant la Seconde Guerre mondiale. Jonathan Littell décrit l'ambition personnelle de certains et les rouages politiques qui ont conduit à la Shoah.
Très bien documenté et servi par une écriture acérée, ce livre nous plonge dans les méandres du mal, jusqu'à la nausée. Une réussite.
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Dans le cadre du bookclub #lallemagneauvingtiemesiecle du @prixbookstagram, j'ai décidé de relire Les Bienveillantes de Jonathan Littell.

Pour ce livre, l'auteur utilise la banalité du mal pour brosser les portraits des différents protagonistes, qu'ils soient soldats nazis ou collaborateurs.

En se plaçant du côté des bourreaux, l'auteur trace le parcours de Maximilien Aue, un juriste homosexuel et enrôlé dans la SS dès 1934. Dans ce récit introspectif, Max, un homme ordinaire, est un nazi convaincu. Il est du genre calme, intransigeant et posé. Il raconte son rôle et sa participation aux massacres de masse. Son histoire personnelle et ses relations intra-familiales - dont sa relation incestueuse avec sa soeur - viennent s'entremêler avec celle de la Seconde Guerre Mondiale et celle de la Shoah.

En sept chapitres, Littell raconte l'horreur, l'effroyable. Il brosse la mise en place de toute la mécanique nazie dans sa politique d'extermination. le livre est captivant, impressionnant, polémique et extrêmement érudit. La lecture est parfois éprouvante, voire effroyable en raison des scènes réalistes, obscènes, brutes, atroces et narrées sans détours avec violence.

En 2008, mon professeur de philosophie m'avait conseillé de lire ce livre. Depuis plusieurs mois, je désirais le relire. Sur un coup de tête, j'ai décidé de me replonger dans cet enfer. Les sensations de ma première lecture étaient intactes. Je reste encore sans voix, saisie par l'effroyable fascination que peut provoquer ce récit. Ce livre est de ceux qui vous marquent à vie tant par son caractère dérangeant que captivant ! Dans les semaines prochaines, je vous présenterai un livre qui interroge ce type de figures dans le roman.
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Comment qualifier ce livre, sinon de terrible ? Incroyable, grandiose, démesuré !

Un pavé d'un seul paragraphe. Quelle histoire, quel talent !
Vais-je réussir à écrire ma critique sans emphase ?

Ce livre est un bonheur. Celui de se glisser dans la peau d'un nazi et de suivre ses pensées, ses problèmes et les horreurs et situations de la guerre. de l'action, de la description, de l'humain.

La question n'est pas de se demander si le thème va nous plaire ou non. C'est juste de se dire "quand vais-je ouvrir ce livre et oser lire les premiers mots, me laisser emporter par le tourbillon et profiter d'un formidable plaisir ?"

Car c'est le genre de livre qui se classe dans les 6 étoiles, de ceux qu'on emporterait sur une île déserte pour y mourir en sa compagnie. Avec Hypérion de Dan Simmons. Oui, je sais, ces deux livres n'ont qu'une chose en commun : nous procurer un immense plaisir de lecture et hélas pour l'écrivain, nous montrer qu'il y a un certain niveau que nous ne pourrons jamais atteindre.

Mais qui nous empêche de tenter d'écrire, plus modestement, motivé par une si belle démonstration de littérature ?
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J'ai terminé hier la lecture de cet immense pavé et je suis encore ébranlé par ce que j'ai lu. J'ai 70 ans et je suis donc un enfant de l'après guerre, j'ai lu et j'ai vu beaucoup de chose concernant la guerre 39-45 et j'ai rarement été aussi scandalisé par un livre sut ce sujet. Je suis scandalisé par la façon dont cette guerre à été menée par les allemands dans la narration qu'en fait Jonathan Littell, je suis scandalisé par l'incompétence des officiers SS qui ont été nommés sans avoir aucune expérience militaire, je suis scandalisé par la froideur avec laquelle " la solution finale" à été planifiée et par la rhétorique justifiant cette extermination, en tout cas telle que racontée dans ce livre. Et bien sûr je suis scandalisé par le personnage de Maximilien Aue qui n'a rien de héroïque bien au contraire. Quel monstre d'égoïsme et de depravation sexuelle! Je suis scandalisé par son obsession, par sa scatologie, par sa folie. Il y a d'autres sujets scandaleux mais je ne veux rien devoiler de l'intrigue et des personnages.

Vous vous demandez peut-être être si j'ai aimé ce livre? Eh bien oui je l'ai aimé malgré tout.Si je suis si troublé et scandalisé C'est que l'auteur à bien fait son travail. Bien sûr ce livre n'est pas sans défauts, premièrement tous les grades d'officiers sont en allemand ce qui alourdit la lecture et rois les acronymes qui alourdissent encore plus la lecture: Pour comprendre ces acronymes il faut constamment aller consulter l'appendice à la fin, ce que j'ai rapidement cessé de faire parce que ce n'était pas si important dans cette histoire. Un autre irritant ce sont ces nombreuses pages sans paragraphes et les trop rares chapitres. Voilà pour les défauts. Ce roman aurait-il pu être plus court? Peut-être , personnellement je ne me plains pas de la longueur. Plusieurs lecteurs se sont désolés et ont été indisposes par les nombreux passages parlant de mer de et C'est vrai qu'il en est beaucoup question. Je ne me souviens que d'un seul autre roman où il en est autant question et C'est " la religion" de Tim Willock, sauf que dans la religion il en est question presque seulement sur les champs de bataille et pour démontrer le côté sale de la guerre alors que dans les bienveillants Maximilien s'y complaît et l'auteur aussi lui en rajoute beaucoup et avec insistance sur ce sujet scabreux et C'est aussi objet de scandale. Pour ce qui est des qualités, je trouve que l'auteur écrit ses plus belles pages quand il traité de la psyché de son personnage principal. Probablement aussi que l'auteur s'est beaucoup documenté avant d'écrire mais ça on ne le sait pas vraiment car il n'y a ni bibliographie à la fin ni remerciement ni épilogue. le roman finit abruptement et nous laisse sur le cul. Tout au long on se demande comment Max va se sortir de ce bourbier qu'est devenu Berlin et on ne le découvre qu'à la dernière page.

J'ai mis deux semaines à lire ce pavé et je crois qu'il faut le lire sans étirer trop longtemps sa lecture pour rester intéressé par ce roman. Ce roman restera pour moi un des romans les plus inoubliables que j'aie lu. Un roman peut être inoubliable pour bien des raisons et celui-ci le restera par son côté scandaleux et par le point de vue différent qu'il apporte sur cette guerre car il nous présente le point de vue allemand sur ce conflit mondial.
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Max Aue est un SS singulier, privilégié et pas toujours convaincant dans son rôle, trop exceptionnel. D'abord, il a la « chance » d'assister et de participer à la mise en place sur le terrain de toute l'élaboration du plan pour exterminer les Juifs, il est partout où il faut être, du front de l'Est à Auschwitz, des massacres de Kiev aux chambres à gaz, il passe aussi par le Caucase (l'endroit idéal pour évoquer les thèses raciales), la France, Berlin. Je crois qu'à lui seul il a assisté à la mort de plusieurs milliers d'hommes et lui-même a dû abattre directement quelques dizaines ou centaines de Juifs, juste au début, en Ukraine, après son rôle devient plus ambigu. Il croise beaucoup de célébrités : Maurras, Céline, Jünger, Eichmann, Himmler, Hitler et bien d'autres. Ce roman peu vraisemblable, avec des rencontres fortuites, des coïncidences improbables, mais très documenté, est parfait pour tout savoir sur les exactions nazies et le déroulement des opérations. L'opposition de la Wehrmacht à la SS, qui tourne au problème entre utiliser les Juifs dans des camps de travail ou les tuer dans des camps d'extermination, la surenchère au massacre, les justifications, l'habitude. On voit bien la machine se mettre en place.
Cette grosse partie informative est entrecoupée par la découverte de la personnalité de Max Aue, des souvenirs et des épisodes plus intimes. Là encore, il est si particulier, avec une vie parfois hors norme, qu'on peut difficilement le définir et surtout le réduire à un nazi. On peut juste donner quelques-unes de ses particularités, sans trop dévoiler : il est né un 10 octobre (comme Jonathan Littell), il est juriste de formation, cultivé, éduqué en partie en France, il ne se considère pas comme un « antisémite du type émotionnel », il a été circoncis (pour une infection dans l'adolescence, précise-t-il), il a une sexualité troublée, il a l'air de bien encaisser psychologiquement mais il somatise (on va dire que les massacres le font quand même un peu chier). Ce ne sont que quelques informations au hasard, pas forcément les plus significatives. Pour ma part, je trouve que c'est un nazi trop bizarre pour être représentatif. Il s'est engagé dans le parti avec enthousiasme mais aussi en réaction à son histoire personnelle, et la manière dont il a rejoint le SD est assez cocasse et involontaire : « Et c'est ainsi, le cul encore plein de sperme, que je me résolus à entrer au Sicherheitsdienst », ça veut bien dire ce que ça veut dire.
En fait, il est plus nihiliste que nazi. Il suit le mouvement avec un sentiment de fatalité et c'est la raison pour laquelle il est ouvert à toutes les idéologies et semble chercher la vérité sans a priori ; il pense qu'il n'y a pas de vérité absolue, que tout s'équivaut à peu près, et cette façon de penser peut mener à des polémiques. Plusieurs fois, Max Aue met en avant des équivalences qui sont tout à fait discutables. En bon nazi il distingue mal les bolchéviques des Juifs, mais en mauvais nazi il est enclin à accepter les thèses selon lesquelles les nazis ne seraient pas très différents des bolchéviques, que leur opposition est plus apparente que fondamentale. Encore plus problématique, dans son idée que les hommes « haïssent naturellement ce à quoi ils ressemblent le plus », il va jusqu'à affirmer que les antisémites voient dans les Juifs un miroir ; il fantasme Hitler en rabbin, il se rêve en petit juif sauvé par Himmler et Eichmann affirme : « si j'avais été juif, j'aurais été sioniste, un sioniste fanatique ».
J'ai bien aimé ce roman même s'il m'a parfois agacé. Il est écrit un peu pour ça, je crois, et un peu aussi pour épater la galerie. Il a un côté « totalitaire », à cause de son désir d'exhaustivité. C'est un fourre-tout peut-être trop riche, avec des bouts de roman de guerre, politique, érotique, psychanalytique, psychologique, policier. Est-ce un mythe moderne, une caricature ? le mélange d'informations détaillées et de pur délire laisse une impression étrange. Par contre, il n'y a pas trop de doute à avoir sur Max Aue, c'est un personnage plus symbolique que représentatif.
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Ce livre m.a marquée. Il ne laisse pas indifférent. C'est le changement de paradigme qui m'a frappée. Alors que la seconde guerre mondiale nous est toujours présentée sous le regard du Français, cette fois c'est un officier allemand qui raconte. Bien sûr il y a un côté dérangeant mais J.Littel nous offre la possibilité de voir les événements autrement. Certaines scènes sont très descriptives et extrêmement longues, des passages sont atroces par ce que la guerre nous est décrite sans concession. Mais j'aime les auteurs qui me font réfléchir, c'est pourquoi j'ai aimé ce livre et je suis allée au bout des 800 pages.
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