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Quelle surprise inclassable : Voici un western…à la sauce pékinoise !

Parmi les nombreuses novellas de la collection « Une heure-lumière » des éditions du Bélial', j'ai choisi celle-ci tout particulièrement car j'apprécie les nouvelles de Ken Liu, auteur américain d'origine chinoise.
Et contrairement à ce que je croyais il ne s'agit pas du tout d'un récit de science-fiction, de fantasy ou un récit fantastique (SFFF) comme c'est le cas pour la plupart des tomes de cette collection, mais un livre étonnant mêlant western et légendes, entremêlant un moment de l'Histoire des Etats-Unis et la force des contes.
Un western à la sauce aigre-douce, touchant et poétique. Je ne cessais d'attendre le moment où l'auteur allait nous entrainer dans une autre dimension, de guetter le pas de côté faisant basculer l'histoire dans le fantastique, ce moment arrive parfois tardivement dans une novella, je pense notamment à « 24 vues du mont Fuji, par Hokusai » de Roger Zelazny où la facette SF ne se dévoile que vers la fin de livre. Mais pas du tout. Cela m'a perturbée je dois avouer. Puis j'ai compris que cette histoire est inspirée de l'Histoire des Etats-Unis et nous montre avec délicatesse comment des étrangers peuvent s'intégrer sur un territoire, comment ils peuvent devenir citoyens d'une nouvelle contrée…en en dégustant toutes les nouvelles saveurs tout en conservant précieusement leurs racines grâce aux chants et aux légendes de leurs origines.


L'épilogue nous explique que les Chinois représentaient un pourcentage conséquent de la population du Territoire d'Idaho à la fin du XIXe siècle. Ils formaient une communauté dynamique de mineurs, de cuisiniers, de blanchisseurs et de jardiniers qui s'intégrait aux populations blanches des villes minières. le livre souligne ses aspects et pose la question du travail parfois pris à la population locale. C'est intéressant et explique, entre autres, pourquoi un fort sentiment anti-chinois va se développer au point de proscrire les mariages mixtes et de promulguer des lois d'exclusion des Chinois.


Avec ce récit, nous sommes précisément dans l'Idaho, au XIXe siècle. Dès les premières pages, le registre du western est convoqué, depuis la structure de la petite ville, les façades des maisons, la présence de hors-la-loi que l'on expulse d'un saloon, les Smith & Wesson qui sifflent… En pleine effervescence, la ville accueille une forte minorité chinoise exploitée dans les mines d'or par des Blancs. Faisant fi des préjugés et du racisme, de certaines pratiques pour le moins surprenantes aussi (comme manger du chien sauvage), Lily Seaver, fille d'un notable de la ville, se lie d'amitié avec un Chinois prénommé Lao Guan et surnommé Logan. Ce dernier lui raconte alors des histoires sur Guan Yu, le dieu chinois de la guerre tout en lui faisant déguster des plats aux saveurs totalement inédites. Nous écoutons et savourons à ces côtés tout en découvrant comment, avec courage et une certaine philosophie, ses amis chinois sont arrivés en Amérique et comment ils ont appris à aimer ce nouveau lieu. C'est ainsi qu'alternent la légende racontée et le récit western, les deux se mariant étonnamment avec subtilité, s'imbriquant même.

Ce texte est savoureux tant par les histoires épiques racontées, par la confrontation de deux cultures, par la découverte du jeu du Wei Qi, « jeu d'encerclement » stratégique de conquête de territoires, très important dans la culture chinoise, que par les plats culinaires présentés dont on devine les odeurs et les gouts, mais aussi par la description de paysages bucoliques mettant à l'honneur la nature sauvage de l'Ouest américain.
Les plats qui ponctuent le récit m'ont souvent fait saliver en effet…Riz au tofu et au porc enrobés d'une sauce rouge mélangés à des cives et des tranches de margose, raviolis, une cuisine bruyante où « l'huile crachotait, grésillait, le tranchoir martelait la planche à découper, le tout formant un rythme syncopé. Et non content de résonner fort, elle sentait fort : la fumée issue de la porte ouverte du logis charriait une odeur piquante d'épices et de légumes qui traversait la rue, faisant gronder l'estomac de Lily ».
La cuisine élaborée et subtile chinoise met à l'honneur les cinq saveurs du monde, le sucré, le salé, l'aigre, l'amer et le piquant, que nous retrouvons dans la vie, toutes les joies et les peines venant de leurs mélanges. Une question d'équilibre à avoir en cuisine comme dans la vie.


Ce livre mérite-t-il donc de faire partie de cette collection dédiée à la SFFF ? Nous pouvons nous le demander. Si la part de l'imaginaire est ténue, elle constitue cependant un aspect fondamental du récit : les légendes, racontées dans le détail, sont les textes fondateurs, les mythes, d'un peuple permettant de lui procurer force, consolation et repères lorsqu'il quitte sa terre natale.
Par ailleurs, la confrontation des légendes chinoises et du western américain est la rencontre de deux cultures, de deux légendes, de deux imaginaires totalement différents mais se mêlant avec subtilité, confrontation qui s'inscrit complètement dans une lecture de l'imaginaire.
Enfin, il s'agit de Ken Liu, auteur de science-fiction, à qui les éditions ont laissé carte blanche lui permettant, par le biais de ce beau récit, de faire honneur à ses ancêtres qui ont émigré aux États-Unis. Il a voulu montrer combien un tel voyage, une telle décision est éprouvante, combien il est délicat de faire fi des préjugés et de garder confiance en soi, et combien s'intégrer peut s'avérer difficile. Combiner les saveurs du pays d'origine et celles du pays d'accueil s'avère être une recette délicate mais ô combien savoureuse. Ken Liu en est ici l'excellent cuisinier.

Citons Alexis de Tocqueville pour conclure :
« Échanger les plaisirs purs et tranquilles que la patrie présente au pauvre lui-même contre les stériles jouissances que donne le bien-être sous un ciel étranger ; fuit le foyer paternel et les champs où reposent ses aïeux ; abandonner les vivants et les morts pour courir après la fortune ; il n'y a rien qui à leurs yeux méritent plus de louanges ».
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Dès ma 1ère lecture d'une oeuvre de Ken Liu j'avais été subjuguée par cet auteur. Mon admiration ne s'est pas démentie depuis et Liu a intégré mon panthéon personnel des auteurs que je serais prête à suivre aveuglément. le nom de Ken Liu suffit à me donner envie de lire un livre. C'est donc sans rien en savoir que je me suis plongée dans la lecture de la novella « Toutes les saveurs ». Mon amour pour l'auteur n'est pas prêt de s'éteindre. Quel délice ! « Toutes les saveurs » est une petite merveille.

Il est difficile de classer ce récit tant il est singulier. Cette novella a beau être publiée au Bélial dans l'excellente collection « Une heure lumière », l'aspect relevant de l'imaginaire est finalement très léger, très ténu. Pour autant, je trouve que « toutes les saveurs » a toute sa place dans la collection. En premier lieu parce que ce n'est pas la première fois qu'y est publié un texte dont les éléments SFFF sont minces (par exemple « Dragon » de Day). Ensuite et surtout parce que l'aspect imaginaire ayant beau sembler réduit il est à mon avis essentiel au récit, il en est à la fois l'ossature et le coeur-même.
A la lecture des premières pages, on est tenté de classer « Toutes les saveurs » dans le registre du western. A raison, le récit en a bien des atours : le décor de la petite ville en développement, les souvenirs de la Guerre de Sécession, les figures classiques des histoires de l'Ouest tels les affreux hors-la-loi sans foi ni loi… La novella va s'intéresser à la rencontre de deux cultures en suivant une petite communauté chinoise venue s'installer dans cette petite ville d'Idaho. Si la communauté chinoise n'a que rarement été mise en avant dans le western, elle fait tout de même partie de l'imaginaire collectif lié à ce genre pour peu que l'on s'y intéresse un peu. Quoi qu'il en soit, alors que le récit semble tourner autour d'une histoire classique, le gentil est contraint de tuer un gros vilain pour se défendre, Liu décide de nous emmener ailleurs, il y a longtemps, en nous racontant, par la bouche de son héros, l'histoire de Guan Yu, le dieu de la Guerre. « Toutes les saveurs » prend alors l'allure d'un conte. Vont alors s'entremêler le récit de la légende ancestrale et l'histoire se déroulant au XIXème siècle. le mélange est parfait, les passages de l'un à l'autre sont d'une fluidité remarquable, il n'y a aucune sensation de rupture. La légende chinoise et le récit western se répondent dans une sorte de dialogue narratif. Finalement, il n'y a rien d'étonnant à ce que ces deux genres se marient aussi bien. L'un comme l'autre, le western et la légende folklorique, s'inscrivent dans le registre du mythe. L'ouest du western a donné lieu à des motifs récurrents et des archétypes au même titre que les légendes ancestrales. de plus l'histoire du dieu Guan Yu joue sur le ressort dramatique de la vengeance, thème ô combien récurrent du western. Selon moi, c'est bien cela, le fait que la novella joue sur une dimension mythologique, qui fait que « Toutes les saveurs » s'inscrit pleinement dans l'imaginaire et a toute sa place dans cette collection.

Cette richesse narrative est magnifiée par l'écriture toujours aussi séduisante de Ken Liu. « Toutes les saveurs » est un récit enchanteur plein de poésie. Ce charme est tout particulièrement présent lors des descriptions culinaires qui émoustillent les papilles et font saliver. Quant au récit de l'histoire de Guan Yu, il est à la fois épique et poétique et emporte totalement le lecteur dans sa magie.

Liu livre une nouvelle fois un récit beau, touchant, humaniste, subtil, magique, intelligent, fin, enchanteur… Je vais arrêter là cette vaine énumération de qualificatifs, la liste serait trop longue. « Toutes les saveurs » est une magnifique novella. Si vous ne connaissez pas encore Ken Liu, vous serez séduit. Si vous le connaissez déjà, vous ne serez pas déçu.

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Cette novella de Ken Liu est une petite pépite!

On y raconte l'arrivée et l'intégration des immigrants chinois aux États-Unis du 19e siècle, entremêlé à la légende du dieu de la guerre Guan Yu que l'un d'eux raconte à une jeune Américaine.

Plusieurs thèmes s'entrecroisent, notamment celui de la dynamique entre identité culturelle et intégration dans un nouveau pays, avec ses hiatus mais aussi ses bons côtés - un sujet que j'ai rarement vu abordé de manière aussi juste. L'ambiance western se combine à merveille avec celle de la Chine traditionnelle et l'une et l'autre se répondent subtilement, le tout servi par une écriture très fluide et immersive.

L'abondance de thèmes et le mélange d'ambiances auraient facilement pu donner quelque chose d'indigeste, mais l'ensemble est à la fois riche, subtil et parfaitement équilibré. Un mélange de saveurs très réussi!
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Rôôô !
Je n'ai pas encore lu grand-chose de Ken Liu, mais il fait quine et carton plein à chaque coup.

Bien que cette novella soit intégrée à la collection UHL, elle ne raconte pas une histoire SFFF. On est plutôt dans l'historique et la légende. On suit au 19ème siècle un groupe de Chinois chercheurs d'or installé à Idaho City. Lily, la fillette de leur propriétaire, va faire ami-ami avec eux et surtout avec Lao Guan – qu'on simplifie en Logan – un géant débonnaire à la barbe longue (et peut-être fleurie) qui va lui apprendre les règles du wei qi (le Go) et lui conter les aventures du dieu de la guerre Guan Yu à l'époque des Han et des Trois Royaumes.

Certains passages nous plongent tout habillés dans nos bons vieux westerns, avec les méchants à la langue bien pendue et le colt prêt à chanter, alors que d'autres nous entrainent au fond de la Chine antique comme dans un grand film de Hong-Kong, avec là aussi des méchants nettement plus rusés et des gentils épris d'une justice que le gouvernement refuse de leur donner. Western et eastern, les deux se renvoient la balle et leur exotisme respectif augmente leur beauté en amplifiant le contraste.

Je craignais quelque chose d'assez noir, mais c'est au contraire un esprit positif qui règne dans cette histoire, qui montre que des communautés différentes peuvent apprendre à se parler et à s'apprécier. A Idaho City, la cuisine exotique n'est pas le dernier élément à favoriser cette intégration. Les Américains européens découvrent les saveurs salées, sucrées, acides, épicées et même amères, se mélangeant et se succédant dans une seule bouchée. Ça m'a donné envie de découvrir le sorgho ou le mala (mais pas la viande, beuh).
Cette atmosphère n'empêche pas Ken Liu de montrer et s'offusquer de la condition des Chinois qui venaient travailler sur le chemin de fer. C'était de l'esclavagisme déguisé.

Une novella dont le plaisir éprouvé par les personnages émane du bouquin comme les saveurs de la cuisine des Chinois. Et aussi, en opposition à ce que je disais au début, une petite parcelle de fantastique qui tient dans le seul personnage de Logan.
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Guan Yu, dieu chinois de la guerre, arrive dans l'Amérique du 19e. Bon, peut-être n'est-ce qu'un immense immigrant chinois comme un autre venu trouver du travail sur les chemins de fer qui s'adonne à porter le nom divin.

Lui et ses compagnons tentent de s'installer et de lutter contre les injustices qui les poursuivent. Dans ce livre, il raconte son histoire à une fillette du village, à mesure qu'ils s'intègrent à la communauté.

C'est court et plutôt joli comme lecture. C'était mon premier Ken Liu et ça ne sera pas mon dernier.
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Je continue ma découverte de l'oeuvre de Ken Liu à travers ses nouvelles ( mais patience, j'ai aussi trois beaux pavés dans ma PAL).
Une fois de plus, je suis époustouflée par le talent de cet auteur dans l'art de la nouvelle. Ce n'est clairement pas mon genre d lecture préférée, mais pourtant, avec lui, je me laisse emporter et je suis à chaque fois transportée et emballée !! Il est trop fort le Ken !!
Et oui, la magie a à nouveau fonctionné avec ces 125 pages qui ne se lisent pas mais se savourent ( quoique, il faut que j'avoue que pour ma part, en grande gourmande, je les ai dévorées !)
L'histoire se déroule en Idaho, en1865. Dans ce petit état, la communauté chinoise est bien représentée. Si cette histoire débute comme un western, très vite, grâce à la plume de Ken Liu, nous allons bien plus loin, car à travers l'amitié d'une petite américaine, Lily avec Lao Gan( ou Logan) , nous allons plonger dans le merveilleux avec les récits que va lui conter ce personnage énigmatique…
Un instant de lecture magique….

Challenge Mauvais Genres 2021
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Mythologie chinoise.

En pleine fièvre de l'or, des immigrés chinois arrivent à Idaho City. Une jeune fille va s'intéresser à eux.

Cette novella est très belle ! Deux époques s'entrecroisent dans celle-ci, la Chine antique et l'Amérique de la fin du XIXe siècle. L'héroïne s'intéresse aux prospecteurs chinois qui se sont installés dans les logements de son père. L'un d'entre eux va lui raconter l'histoire de Guan Yu dieu de la guerre.

En parallèle de ce conte, nous suivons l'installation et l'intégration des chinois dans Idaho City. D'abord victimes de racisme, ils se feront peu à peu une place. L'auteur parvient à nous toucher en nous montrant les nombreuses difficultés qui se dressent en travers de leur route.

Point de fantastique ici. Il n'est question que de mythologie chinoise. Celle-ci sert de prétexte pour raconter l'arrivée et la vie des premiers immigrants chinois aux États-Unis. Cette novella se veut avant tout leur rendre hommage.

Bref, j'ai retrouvé avec un immense plaisir Ken Liu. Il a de nouveau réussi à m'émouvoir avec cette magnifique histoire.
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C'est la troisième histoire que je lis de Ken Liu et à chaque fois je suis captivée. Je me doutais que le titre de celui-ci me donnerait envie de manger chinois mais heureusement d'autres éléments m'ont tenu en haleine : comment les chinois sont arrivés dans ce nouveau monde que les européens s'étaient arbitrairement attribués... Très intéressant. Merci à Ken Liu une fois de plus
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Un dieu de la guerre au pays des cowboys. A priori, ce n'est pas évident. Mais Ken Liu a osé ce mélange des genres. Et cela fonctionne à merveille. Dans cette novella de 2012 publié le 20 mai dernier par les éditions du Bélial', il a su associer deux grandes nations, deux grands mythes dans un conte plein de tendresse et de rage, de marques de préjugés et d'autres d'ouverture d'esprit. Une ode, pas sans aspérité, à la tolérance et à l'émerveillement. Un beau texte, qu'il est agréable de savourer en ces temps pleins d'incertitude.

Au pays des cowboys
Nous sommes dans l'Idaho, à l'époque des cowboys, des prospecteurs, des conquérants de l'« Ouest sauvage ». Bienvenue à Idaho City, vaste bourgade aux multiples commerces (studio de photographie, journal, agence de colis, restaurants, brasseries, drugstores, épiceries, ateliers de forgeron, boucheries, boulangeries, hôtels, cabinets médicaux, cabinets d'avocats, saloons et bazars), tenus, entre autres par des Irlandais qui recherchent la tranquillité dans leur ville. Tout le contraire des Missouri Boys, deux pauvres types, deux éponges habitués à ce qu'on leur obéissent et qui n'hésitent pas à jouer de la gâchette en cas de désaccord. Comme ils ont été mis à la porte de la cité, ils ont voulu se venger : au moins deux morts et des dizaines de bâtiments détruits par l'incendie qu'ils ont déclenchés lors de leur fuite. Il faut reconstruire Idaho City.

Les Chinois, des nouveaux venus pas tellement appréciés
Une groupe d'immigrés venus de Chine, passés par San Francisco, où ils ont été quasi réduits à l'état d'esclaves, vient tenter sa chance dans cette ville, attirés par l'or que l'on trouve dans la région. Ils sont de suite regardés de travers : ils dorment à cinq ou six dans des maisons que les autres habitants ne jugent assez grandes que pour un ou deux ; leur cuisine sent fort ; ils chantent fort. En gros, ils sont différents et sans doute pas de bons chrétiens. La cohabitation n'est pas toujours simple. Sauf aux yeux de Lily (et de son père), fascinée par toutes ces différences, justement. Mais aussi par cette joie de vivre apparente. Et de la tranquillité et du calme de l'un des Chinois, Lao Guan (qu'on appelle plutôt Logan, ce qui est plus proche des standards américains), un géant au visage rouge et à l'énorme barbe. Lily va progressivement se lier d'amitié avec lui et son groupe, permettant, peut-être, au habitants d'Idaho City de vivre ensemble plus pleinement.

Des histoires qui se mêlent
La beauté de ce texte, outre sa simplicité apparente, c'est le mélange qui semble évident de plusieurs folklores, de plusieurs mythes. D'un côté, l'histoire de la conquête de l'Ouest par ces pionniers venus de multiples continents. On y retrouve un part d'évènements historiques, ou, en tout cas, réalistes, mais façonnés par les multiples récits que nous avons tous connus (enfin, surtout les plus anciens), sous forme de films ou de livres ou de BD (ah ! Lucky Luke : impossible de ne pas y songer en lisant Toutes les saveurs), et maintenant de séries (je suis d'ailleurs en train de regarder Hell on Wheels, plongée sacrément violente dans les coulisses de la construction des chemins de fer : certains moments de la novella m'ont fait penser à cette ambiance). de l'autre, les mythes chinois, avec le conte raconté par Lao Guan à Lily, au fil du récit, presque comme une illustration de certains passages de leur propre vie. Il lui narre la naissance et les combats d'un dieu de la guerre qui lui ressemble étrangement (visage rouge, barbe gigantesque). Ken Liu sait y faire, quand il s'attaque aux contes asiatiques. Il suffit de lire les trois ouvrages déjà parus de sa série de la Dynastie des Dents-de-Lion, vaste saga de fantasy qui mêle habilement les marques classiques de ce genre très codifié aux mythes chinois.

Une simplicité très agréable
Malgré la violence, malgré les Missouri Boys, malgré la méfiance de la plupart des habitants d'Idaho City qui font régner un climat inquiétant sur le récit, la tonalité générale reste à l'apaisement. L'amitié forte et sincère qui lie le géant chinois à la jeune Américaine rejaillit sur tous les autres et semble capable de créer une bulle de tolérance et d'ouverture d'esprit rassurantes. de plus, quand Ken Liu évoque l'alimentation, passerelle absolue entre les deux cultures, malgré des réticences bien naturelles, la novella s'illumine de couleurs et de goûts, resplendit de saveurs et d'odeurs qui donneraient presque l'eau à la bouche. Un régal pour l'espirt.

Avec Toutes les saveurs, Ken Liu signe une novella particulièrement réussie, une belle histoire qui, sans simplisme bêta, est un hymne à la tolérance et un rappel de l'histoire qui associe un grand nombre de Chinois aux États-Unis d'Amérique. Et qui rappelle le rôle de ces immigrés dans la construction de ce pays. Il interroge encore la place accordée à leurs descendants actuels, un peu comme Charles Yu, dans son très bon Chinatown, Intérieur (paru aux Forges de vulcain en août 2020). Une lecture nécessaire et si agréable.
Lien : https://lenocherdeslivres.wo..
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Trente-et-unième numéro de la collection « Une Heure Lumière » du Bélial, toutes les saveurs est aussi le second titre de Ken Liu à figurer au sommaire de cette collection de novella dont on ne dira jamais assez de bien. Rien à voir toutefois avec le glaçant « L'homme qui mit fin à l'histoire » qui s'inspirait des exactions commises par l'armée impériale japonaise au moment de la Seconde Guerre mondiale et livrait une intéressante réflexion sur la mémoire et le travail de l'historien. Cette fois, le sujet est un peu plus « léger », de même que le traitement qui en est proposé : direction les États-Unis du XIXe, où quantité d'immigrés venus de toute l'Europe et l'Asie se lancent dans la prospection, espérant ainsi décrocher le pactole et commencer une nouvelle vie. Parmi les candidats à la ruée vers l'or, on trouve notamment de nombreux Chinois, dont une communauté vient justement de s'installer dans la petite ville d'Idaho, partiellement détruite par un incendie il y a peu et donc ravie de cet afflux inespéré de voyageurs. Si certains se montrent réservés face à l'arrivée du petit groupe, voire carrément hostiles, d'autres ne tardent pas à être fascinés par l'exotisme de leur culture (et de leur cuisine !). C'est notamment le cas de Lily, la fille de leur propriétaire, qui va peu à peu tisser des liens d'amitié avec les membres de cette communauté chinoise et en particulier avec un homme d'une carrure et d'un charisme impressionnants qui lui apprend quelques unes des traditions de son pays et lui narre les aventures de Guan Yu, le dieu de la guerre. Un héros qui se bat pour faire régner la justice et qui, par bien des aspects, ressemble à ce doux géant plein de sagesse mais aussi capable de faire montre d'une force redoutable pour défendre les siens.

Contrairement à la précédente novella de l'auteur, qui contenait des scènes difficilement soutenables et baignait dans une atmosphère très sombre, celle-ci se révèle bien plus positive. Certes, les conditions de vie de ces prospecteurs chinois ne sont pas des plus agréables, et l'auteur mentionne bien à plusieurs reprises l'hostilité et le racisme dont ils font l'objet, mais le récit met en avant de nobles valeurs et transpire la bienveillance (un peu à la manière de « La fille aux mains magiques » de Nnedi Okorafor, novella parue récemment chez ActuSF). le résultat est incontestablement moins prenant mais n'en demeure pas moins agréable dans la mesure où il est plutôt rare de trouver des textes « feel-good » relevant de la science-fiction, de la fantasy ou du fantastique, genres plus prompts à miser sur la noirceur. Ce qui relie le texte à l'imaginaire est d'ailleurs relativement ténu, l'auteur préférant se concentrer sur la relation entre la petite fille et le géant ainsi que sur la rencontre entre deux civilisations qui s'apprivoisent et s'influencent l'une l'autre. Pour se faire, Ken Liu mise sur deux aspects clés de la culture chinoise : la cuisine (difficile de ne pas sentir ses papilles s'exciter à la mention des mets préparés ici) et les légendes. On quitte ainsi régulièrement cette petite ville américaine du XIXe pour une Chine impériale merveilleuse dans laquelle on fait la connaissance du héros Guan Yu et de quelques unes de ses aventures les plus rocambolesques. Difficile à ces occasions de ne pas penser à une autre oeuvre de l'auteur, « La dynastie Dent-de-lion » qui se déroule dans un décor similaire et dans laquelle le personnage haut-en-couleur mis en avant ici pourrait tout à fait figurer, de même que la galerie de seconds-couteaux qui l'entourent.

Ken Liu nous offre avec « Toutes les saveurs » une novella très douce qui met en avant de belles valeurs comme l'amitié et la tolérance tout en invitant au dépaysement au moyen de légendes mettant en scène une Chine fantasmée. le texte permet également de se projeter dans les États-Unis du XIXe et de découvrir l'importance de l'immigration chinoise à cette époque, ainsi que les difficultés que ces communautés purent rencontrer. Une lecture qui fait du bien et qui, comme tous les Une Heure Lumière, se dévore très rapidement.
Lien : https://lebibliocosme.fr/202..
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