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319 pages
Éditions du Scorpion (01/12/1959)
4/5   1 notes
Résumé :
La Cité flamboyante est le premier roman de l'écrivain congolais Dominique Loango, paru en 1959, dans la collection Alternance des éditions du Scorpion, à Paris. Situé dans le Congo de la fin des années 1950, il décrit les déboires sentimentaux et relationnels d'un groupe d'expatriés français de Brazzaville, alors que se précise l'émancipation politique de la colonie. Passé inaperçu, ignoré de la critique malgré un propos visionnaire et une écriture raffinée, La Cit... >Voir plus
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
On était maintenant en pleine saison sèche. Aux premières lueurs du jour, un brouillard blanchâtre et dense apparaissait au fond des vallées. Une deuxième couche cotonneuse formait une sorte de voûte opaque au-dessus de la ville, les rayons du soleil réussissaient à grand-peine, vers midi, à traverser cet écran et les nuées qui rampaient au ras du sol se dissipaient en vapeurs légères. Pendant toute l'après-midi, une lumière sans chaleur baignait la cité d'une atmosphère languide. Parfois, au crépuscule, le rideau brumeux se déchirait pour le spectacle d'une fulgurante apothéose.
Aucun souffle n'animait les feuilles des arbres qui jaunissaient, s'étiolaient lentement ou restaient vertes, selon les espèces. Les herbes folles qui envahissaient les terrains vagues, les bas-côtés des rues et même le milieu des pistes, se desséchaient après avoir disséminé les graines qui assureraient leur reproduction. Les maraîchers, qui faisaient pousser des légumes au bord du Congo ou de la rivière Mfoua, allaient de maisons en maisons pour offrir le produit de leur récolte. Ils avaient beau améliorer sans cesse les variétés qu'ils cultivaient, beaucoup de ménagères européennes préféraient acheter des légumes de France qui, transportés à grands frais par avion, perdaient pendant le voyage une grande partie de leurs qualités nutritives.
Toutes les voitures découvrables circulaient sans capote. On sortait les couvertures et les pull-overs des housses en nylon où elles avaient passé la saison humide à l'abri des insectes. Dans les jardins, on installait des tables et des chaises pour des repas en plein air. Beaucoup de bungalows, cependant étaient vides, leurs occupants préférant rejoindre le soleil dans l'hémisphère Nord. À Poto-Poto et à Bacongo, un malaise régnait, comme si le ralentissement de la vie végétale se communiquait aux animaux et aux hommes.
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Il y avait bien eu une période d'euphorie, à l'issue de la guerre, lorsque les Français arrivaient nombreux, avec leurs femmes et leurs enfants, que des maisons se construisaient partout dans une cité en plein essor. Chaque ménage employait alors un minimum de cinq domestiques : cuisinier, marmiton, boy, blanchisseur et jardinier, sans parler du chauffeur. Les salaires étaient incroyablement bas : mais, pour les indigènes qui accouraient de la brousse, où ils restaient parfois des semaines sans toucher une pièce de monnaie, deux mille francs représentaient une fortune. Une réglementation plus équitable du marché du travail eut vite pour conséquence d'obliger les familles à réduire leur train de vie ; les maîtresses de maisons achetèrent des machines à laver et d'autres appareils ménagers qui leur permirent de n'avoir qu'un seul boy ou même pas de boy du tout. Les mères de famille, pour faire face à la hausse des prix, se mirent à travailler dans les bureaux, faisant concurrence aux employés noirs, une seule sténo-dactylo remplaçant avantageusement trois ou quatre écrivains. Les chantiers de construction et de travaux publics réduisirent leur activité et employèrent une main-d'œuvre moins nombreuse et plus qualifiée. Les nouvelles circulent lentement dans la brousse. Des paysans noirs rêvaient encore au moyen d'amasser suffisamment d'argent pour payer le voyage jusqu'à Brazzaville sans se douter de la misère qui les y attendait.
La naissance de la République du Congo avait accru encore cette attraction des villes sur la brousse, qui allait de pair avec une diminution constante de la population européenne de l'ancienne colonie.
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Richard aperçoit maintenant un Noir de belle taille qui vient à sa rencontre. Il raidit ses muscles : ce n'est pas à proprement parler qu'il a peur ; mais il se sent coupable étrangement, comme si on le surprenait en train de voler ou de commettre une indiscrétion. Sans chercher à éviter l'inconnu, il marche droit vers lui et le salue d'un ton qu'il parvient à rendre naturel.
L'autre aussitôt s'arrête et lui tend la main :
— Bonjour.
— Je me suis perdu, dit Richard, peut-être allez-vous pouvoir m'aider à retrouver mon chemin.
Un sourire apparaît sur le visage ouvert de l'Africain :
— Je me suis égaré moi-même...et j'allais te demander de m'indiquer la rue des Kouyous.
Tout le saugrenu de la situation apparaît aux deux hommes qui éclatent de rire.
— Moi, explique Richard, je ne sais même pas le nom de la rue où j'habite ! J'aurais voulu regagner le quartier résidentiel. Dans quelle direction est-il ?
— Par ici...Ou plutôt...enfin...je ne suis pas sûr !
Et comme Richard le dévisage, intrigué, il ajoute :
— Je suis un étranger.
— Un étranger ? Mais n'es-tu pas Africain ?
— Je suis un Mbanza, originaire de Fort Crampel, et je suis arrivé il y a quelques heures de Bangui par bateau. Je m'appelle Jean Yanga.
— Et moi, Richard Tesnières. Comme toi, je suis un nouveau venu. Avant hier j'étais encore à Paris.
La similitude de leurs situations les rapproche, et ils sont déjà presque des amis.
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Orphelin élevé par l'Assistance publique, puis enfant de troupe, Soutard s'était porté volontaire en 1914, pour combattre au Cameroun. À la fin de la guerre, il resta en Afrique, bien décidé à y faire fortune ou à y laisser sa peau. Aucun scrupule, aucun sens moral ne le gênaient dans ses entreprises. Les richesses naturelles de l'Afrique Équatoriale Française étaient là pour qu'on s'en empare et la main-d'œuvre indigène recrutée de force et menée à coup de cravache, ne coûtait rien. Les grandes compagnies, d'ailleurs donnaient l'exemple. D'une résistance à toute épreuve, également capable d'un effort prolongé et de coups de colliers pleins de mordant, doué d'une puissance de récupération étonnante, dur et autoritaire, Soutard n'avait pas son pareil pour résoudre les problèmes pratiques où les difficultés doivent être surmontées les unes après les autres. Lorsque des réglementations très strictes vinrent empêcher les exactions, Soutard pouvait se retirer satisfait : il avait amassé suffisamment d'argent pour vivre de ses rentes jusqu'à la fin de ses jours.
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Richard est tellement envoûté qu'il en oublie presque la présence, à ses côtés, de deux jolies femmes. La première est une magnifique créature, altière et piaffante, avec une peau mate et des yeux de biche : c'est Roxane, la secrétaire du juge d'instruction, dont Merlin a entrepris la conquête. La deuxième n'est autre que Madeleine Chénérailles, la jeune fille que Richard a entrevu à l'aérodrome le jour de son arrivée. Elle ne manque pas une audience, car elle se passionne pour tout ce qui concerne l'Afrique. Elle est sinon jolie, du moins infiniment séduisante, avec son visage aux traits marqués mais fins, son profil court, sa bouche assez grande aux lèvres bien ourlées et sa lourde chevelure blonde qui lui couvre les épaules. Elle est vêtue d'une robe claire très simple. Sa figure juvénile, sans maquillage ni rouge, où l'on aperçoit quelques taches de rousseur, est celle d'une écolière saine et sage. Ses grands yeux bleus, en amande, très ouverts et légèrement saillants, sous des sourcils bas et rapprochés, ont un sourire railleur et pourtant confiant.
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