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La Russie des soviets de 1920 racontée par Albert Londres est bien sombre : la misère et la famine règnent sur Moscou et Petrograd. Trois années se sont écoulées depuis la révolution bolchevique de 1917 et des promesses faites par les dirigeants du Parti, ne subsistent que des désillusions. C'est au prix de gros efforts qu'Albert Londres entreprend de se rendre en République Socialiste Fédérative des Soviets Russes (RSFSR). Après s'être notamment fait balader en Allemagne, en Estonie et au Danemark, le journaliste finit par atteindre son objectif et c'est avec ahurissement qu'il découvre les premières conséquences du bolchevisme. Les valeurs défendues par la toute jeune république soviétique lui sont incompéhensibles. Il est notamment frappé par l'humiliation de la soupe populaire : "C'est le dernier degré de la dégradation, ce sont des étables pour hommes. C'est la troisième Internationale. A la quatrième, on marchera à quatre pattes, à la cinquième, on aboiera." (p.32). Et pour lui le traité de paix de Brest-Litvosk n'est qu'un prétexte pour "tailler un empire au marxisme." (p.33). Par ailleurs, celle qu'il surnomme cyniquement Sa Majesté Prolétariat 1er, fait le malheur des honnêtes citoyens russes. A tel point que manger du pain blanc et porter des vêtements propres est un luxe de l'ancien temps car dans la RSFSR de 1920, "L'homme n'est pas arrivé au vingtième siècle pour posséder des libertés individuelles. Qui recherche sa liberté, liberté d'agir, de vivre, de penser, est un réactionnaire." (p.35) et Albert Londres de conclure que "Trotsky a décidé de karl-marxiser ces pauvres jeunes hommes" (p.42) au nom de la dictature du prolétariat.

Et puis il se ravise : il ne s'agit en fait pas de la dictature du prolétariat mais de la dictature au nom du prolétariat ! Lors de ses diverses rencontres, Albert Londres se rend compte qu'on le prend pour un fou : venir en Russie juste pour voir et ce, sans provisions ? Quelle idée saugrenue ! Quant à ce que les bolchéviques disent des socialistes, il ne faut pas l'occulter et le journaliste ne s'en cache pas : ils se demandent tout simplement "Où sont les Liebknecht et la Rosa Luxemburg du socialisme français ? Que la bande petite bourgeoise de nos anciens camarades nous montre son martyr, alors ce jour-là, nous changerons d'avis ; pour l'instant, nous les considérons tous comme les arlequins du capital." (p.68). On retrouve aussi les références à Lénine, Trotsky. On part aussi à la rencontre de Gorki dont on ne sait finalement pas s'il défend le bolchévisme ou non. Il y a également les Français pro-communistes ou non, expatriés en Russie et les histoires de la V. tché K...

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Combien Pasteur a-t-il sacrifié de cobayes pour parfaire son sérum ? Voilà, n'est-ce-pas, ce que personne aujourd'hui ne songerait à lui reprocher.
Les cobayes de Lénine, ce sont des hommes. Il en a tué déjà des centaines de mille. La formule n'est pas encore au point. Mais dans un pays grand comme la Russie, il y a de la marge…
(Article de l'Excelsior, du 13 mai 1920)

J'ai lu, il y a quelques semaines, « Dans la Russie des soviets », ce petit livre constitué des articles qu'Albert Londres avait écrits lors de son périple en Russie en 1920, et j'ai décidé d'en écrire un billet, car j'ai trouvé que nombre de ses commentaires résonnent encore de façon étonnante, avec les méthodes et l'idéologie du pouvoir en place aujourd'hui au Kremlin, en commençant par cette citation qui amène à réfléchir sur la notion de la valeur humaine, qui a priori, n'est pas la même pour tous en ce bas monde !

Depuis la révolution bolchévique d'octobre 1917, de nombreux commentaires avaient circulé à Paris, les uns favorables, les autres tout à fait hostiles à cette révolution, y voyant l'incarnation du mal.
A l'époque, les journalistes occidentaux ne sont pas admis en Russie rouge, c'est la guerre civile, la famine dans les villes et les campagnes, l'effondrement de la production agricole et industrielle.
Mais Albert Londres (1884-1932), journaliste-reporter français de grand renom, travaillant pour le journal
« L'Excelsior » à Paris, était déterminé à se rendre sur place pour couvrir cet événement considérable… Sa démarche semblait alors pour le moins inouïe, et rendait sceptique plus d'un !

Les premières pages de ce livre relatent d'ailleurs bien les difficultés de son voyage. C'est au bout d'un véritable parcours du combattant et d'un périple de 52 jours depuis son départ de Paris, et grâce à sa grande pugnacité, qu'il va parvenir à entrer à Petrograd (St-Pétersbourg) et y découvrir l'horreur. C'est la désolation partout : « On dit que c'est une ville assassinée, ce n‘est pas assez : c'est une ville assassinée depuis deux ans et laissée là sans sépulture, et qui maintenant se décompose. »
Son reportage va faire sensation à Paris lors de sa publication en fin avril 1920.

« Personne dans la rue (..) Les bolchéviques, prenant le pouvoir, ont saisi Petrograd, l'ont comme pendue à un crochet et l'ont écorchée de sa civilisation. (..) Affamé, pour conquérir une maigre proie qui le soutiendra encore, chacun traîne péniblement ses pas à travers sa déchéance. L'homme est redevenu un loup pour l'homme. «...la soupe soviétique. C'est les yeux agrandis que nous avons regardé distribuer cette manne communiste. Chacun porte son écuelle, ou une vieille boîte de conserve, ou un ex-plat à barbe. La portion de bouillon immonde, éclaboussant, tombe comme elle peut dans leurs baquets. Avidement, ils l'avalent. C'est le dernier degré de la dégradation, ce sont des étables pour hommes. C'est la troisième internationale. A la quatrième, on marchera à quatre pattes, à la cinquième, on aboiera. »

La succession de ses articles met en évidence son désir d'analyser la situation du pays et de comprendre la finalité de ce régime soviétique.
Il fait le triste constat que sous le régime de Lénine, l'homme ne doit plus exister en tant qu'homme, mais en tant qu'atome de la communauté.
Dans ce régime, l'homme n'est plus libre, libre d'agir, de vivre, de penser, sinon c'est un réactionnaire ! « La Révolution française avait proclamé les Droits de l'Homme, la révolution bolchévique proclame les Droits de l'Etat sur l'Homme. » écrit-il !

Albert Londres nous livre ses impressions à chaud. Ses phrases sont percutantes, il délivre ses mots comme des coups de poing ! Et il a le sens de la formule !
Et dans ses réflexions se mêlent ironie et aberration :
« Ils ont divisé la Russie en deux, les prolétaires et les parasites. le prolétaire vivra ; le parasite doit mourir. »
- « le bolchévisme n'est pas l'anarchie, c'est la monarchie, seulement le monarque, au lieu de s'appeler Louis XIV ou Nicolas II se nomme Prolétariat Ier. »
- « Lénine est le cerveau, Trotski est la poigne. »

Albert Londres ne va pas ménager ses efforts. Après Petrograd, on le suit à Moscou, où il va séjourner et observer le comportement des gens, les conditions de vie dans lesquelles ils se débattent… Il veut confronter la terrible réalité qu'il constate à l'intention des dirigeants communistes, et pour ce faire, il va aller poser beaucoup de questions à de hauts dignitaires soviétiques, - un Commissaire aux affaires étrangères, -un Commissaire à la justice, … pour tenter de comprendre ce qu'est le bolchévisme.
Il va même pouvoir s'entretenir avec l'illustre écrivain Maxime Gorki, qui est traité en seigneur au sein de ce régime, lui qui se dit non communiste ! « C'est sûrement le seul homme, depuis que nous sommes en Russie, que nous voyions sûr de lui. Comment ? Voilà un être qui n'a pas le regard de chien battu, ni l'oreille aux aguets. Il marche carrément et sa voix sonne comme il entend qu'elle sonne ! »

Et pour terminer ce billet par une petite note d'humour…
« Avez-vous lu « le Capital » de Karl Marx ? C'est indigeste. Cela vous conduira immédiatement dans une ville d'eaux pour une cure d'estomac ! »
Justement, en parlant de ville d'eaux… c'est en me baladant à Vichy que j'ai découvert la maison natale d'Albert Londres, et que j'y ai acheté ce livre ! L'exposition réalisée dans cette maison, devenue musée, m'a permis de comprendre réellement qui était ce grand reporter qui a sillonné le monde et couvert aussi le scandale du bagne de Cayenne, la condition des aliénés dans les asiles psychiatriques, la traite des blanches en Argentine, la traite des noirs au Congo et au Sénégal, les pêcheurs de perles de Djibouti, les terroristes dans les Balkans, etc.

Aujourd'hui le doute plane encore sur la cause de la mort de ce grand journaliste d'investigation, en mai 1932 : accident ou attentat ?
En effet, Albert Londres semblait avoir découvert un grand scandale en Chine : « Il est question d'armes, de drogue, d'immixtion bolchévique dans les affaires chinoises », rapporte la biographie écrite par Pierre Assouline à son sujet. le journalisme d'investigation a ses dangers !

Pour conclure, je trouve que « Dans la Russie des soviets » est un document exceptionnel.
Ce témoignage de la Russie des premiers temps du bolchévisme est poignant, il est instructif, parsemé d'anecdotes, et non dénué d'une pointe d'humour. Et c'est écrit de manière talentueuse, sans prisme idéologique, sans oeillères, sans discours préfabriqué, de la part d'un grand journaliste courageux et déterminé. Alors pour toutes ces raisons, à mon sens il mérite un 5/5.
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Il lui en a fallu, à Albert Londres, du courage et de la détermination, pour rentrer en RSFSR (la proto URSS) et faire ce reportage.
Après ses quatre ans de guerre en tant que reporter "embedded", et son reportage en Italie qui lui a coûté sa place au Petit Journal pour avoir déplu à Clemenceau, on comprend qu'il en ait marre de la censure et des demi-mesures, et, pour la première fois de sa carrière, il ne va pas y aller de main morte avec ce qu'il voit, préfigurant les charges tête baissée contre le bagne et biribi, qui arriveront 3 et 4 ans plus tard.
Certes, le reporter occidental a de quoi être scandalisé face à ce qu'il voit à Petrograd et à Moscou, et l'on peut à bon droit se demander pourquoi les communistes français ont, pour la plupart d'entre eux, attendu l'invasion de Budapest en 1956 pour se désolidariser de l'Union soviétique. Pourtant, je n'ai pas pu m'empêcher de voir dans ce reportage une bonne dose de partialité. Il arrive en Russie au printemps 1920, en pleine révolution doublée d'une impitoyable guerre civile. Il y voit donc famine et purges, et un régime paranoïaque (à juste raison), donc dictatorial et impitoyable, comme c'est toujours le cas dans des conditions aussi précaires (cf 1793-94 en France).
Sans doute était-il un peu tôt pour tirer des conclusions par trop hâtives sur le régime communiste soviétique en 1920 (et tout en disant cela, je ne dis pas que ce qui a suivi a été merveilleux, mais je me remets dans le contexte où le reportage a été écrit). D'ailleurs, ses interlocuteurs ne cessent de lui dire : oui, pour le moment c'est comme ça, mais ce n'est qu'une transition, après ce sera différent.
Certains passages, exigeant à mon avis des pré-requis d'époque, m'ont également semblé un peu nébuleux.
Mais l'ensemble reste malgré tout un témoignage essentiel de ce qui s'est passé dans cette période troublée où peu de choses filtraient hors des frontières russes.
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En 1920, après plus d'un mois et demi de tribulations, Albert Londres, journaliste pour l'Excelsior, parvient à entrer sur le territoire russe. Il se rend à Petrograd et à Moscou, rencontre la population, des dirigeants (le commissaire du peuple aux Affaires étrangères, le commissaire du peuple aux Finances) ainsi que Maxime Gorki.
Albert Londres nous livre un témoignage ahurissant sur la Russie dans les premiers temps du bolchevisme et établit à la fin de l'ouvrage une comparaison intéressante entre Lénine et Trotski.
Comme toujours chez Londres, le récit est vivant. Dans cet ouvrage, le récit est tantôt poignant avec la description des conditions de vie des habitants de Petrograd et de Moscou, miséreux et affamés, soumis au joug bolchevique, tantôt il contient des touches d'humour.
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En 1920, Albert Londres se lance à l'assaut de la Russie soviétique qui refuse tout journaliste étranger sur son territoire, et honnit jusqu'aux socialistes des pays occidentaux. de Berlin à Copenhague, de Reval (l'ancienne Tallinn) à Helsingfors, ses nombreuses tentatives pour pénétrer en Russie se heurtent à la bureaucratie soviétique, jusqu'à ce qu'il parvienne enfin à Pétrograd, où, confronté à la foule de personnes errant en haillons, il lève le voile sur un régime au sein duquel "l'homme ne doit plus exister en tant qu'homme, mais en tant qu'atome de la communauté", et demeure sans voix devant l'autoritarisme bolchévique acclamé par une partie de la gauche française, qu'il invite à voyager en Russie.

Dans la Russie des Soviets laisse entrevoir un désarroi que l'on rencontre peu chez Albert Londres, toujours si prompt à se moquer avec humour de ce dont il est témoin. Poignant !
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Enquête à charge sur la révolution russe sans efforts de contextualisation. Certains passages devraient alerter le lecteur et l'inciter à prendre le récit avec un surcroît d'esprit critique : "Règnent le Sibérien, le Mongol, l'Arménien, l'Asiatique et, au détour de tous les couloirs des commissariats, derrière les paravents, entre deux buvards, sous la corbeille à papier, le roi, le juif." Une erreur de jeunesse, ou un sujet mal préparé, car Londres est un journaliste qui a réalisé un travail fascinant sur d'autres sujets.
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