La plongée dans un monde disparu...
Albert Londres publie ici un reportage sur le Golfe arabo-persique tel que nous ne le connaissons plus : celui d'avant le pétrole, d'avant les gratte-ciel et les marinas de luxe, d'avant les stades flambant neuf et les influenceurs de télé-réalité...
Mais il y avait déjà de pauvres morts parmi les travailleurs, et déjà de la richesse, celle d'un or blanc nacré, celui des perles des huîtres. Migrants arabes, somaliens, persans... tous accourent pour pêcher ces huîtres et venir donner leurs poumons, leur ouïe, leurs yeux, donner leur sang pour un travail épuisant physiquement et un salaire si miséreux que leurs dettes augmentent, les rendant prisonniers de l'armateur du navire, tout en implorant Dieu de les aider. Les femmes, elles, restent sur terre mais invisibles. Quelques uns en profitent, grands propriétaires étrangers qui gagnent des millions. Et de riches occidentaux se réjouissent de ces perles tâchées de sang, sans même y songer, sans même parler de boycott...
Oui, le parallèle avec cette Coupe du Monde 2022 au Qatar est saisissant sur bien des points. Sur le ton faussement enthousiaste et ingénu aussi d'
Albert Londres, qui se place dans la peau d'un observateur naïf qui regarde et décrit, sans intervenir : "c'est une autre culture". Cependant, ici, ce n'est pas un appel stérile au boycott, mais une description clinique de la réalité, qui révèle toute sa force de conviction dans les dernières lignes.
Un récit d'autant plus fort qu'il résonne avec notre actualité, tout en nous évoquant une mer regorgeant encore de biodiversité, aux eaux encore transparentes car non souillées par le pétrole.