Les mots de
Pierre Loti sont aussi violents que des paquets d'eau de mer jetés à la figure un jour de tempête. On se retrouve aux cotés de ces marins islandais à partager leur quotidien. On respire leur odeur, on partage leur repas et on pêche avec eux dans ces mers froides de l'Islande. Ce type de pêche est très particulier, en effet les hommes partaient entre février et avril, pour ne revenir qu'en septembre. Je suis moi aussi descendant de ces pêcheurs islandais originaire d'un petit port du Nord de la France au nom de Grand Fort Philippe à côté de Dunkerque. Comme leurs homologues Boulonnais, Normands ou Bretons, ils allaient chasser la morue pour gagner leur vie.
Pierre Loti sait nous décrire ces petites maisons de pêcheurs avec leurs rues étroites, leur port et le calvaire des marins. Comment ne pas se s'attacher à la religion lorsque l'on est seul en mer face à la tempête? Comment ne pas prier lorsque l'on attend l'être aimé qui n'est pas encore rentré? Lorsque le monument aux disparus en mer d'un village de pêche comporte autant de noms gravés sur son marbre que celui des soldats morts pour la France? Mais
Pierre Loti sait aussi nous faire partager les moments de fête lors du retour des campagnes de pêche, Les fêtes communales, les mariages, les bars à matelots, les beuveries et les filles faciles. Je me suis ainsi retrouvé dans les rues de Paimpol en Bretagne. Quelle prose, quelle belle écriture, un style qui vous porte et qui vous inspire. Vous êtes dans l'image du paysage, dans les odeurs du port, dans la lumière du jour, dans le parfum des landes bretonnes !!!
Pierre Loti nous parle aussi de ces histoires d'amour entre le marin et leur épouse, entre la vie au jour le jour, sans possibilité de penser à l'avenir et où Il faut beaucoup d'enfants à ces pêcheurs pour faire face à cette Islande qui les dévore… Je n'ai pas voulu vous parler de la belle Gaud, du séduisant Yann, du petit frère Sylvestre ou de la vieille grand-mère Yvonne. Je vous laisse les découvrir comme moi je les ai découvert avec leur qualité et leur défaut, leur espoir et leur regret, leur vie et leur mort.
Je me suis plongé corps et âme dans le roman de
Pierre Loti et je remercie HordeduContrevent de m'avoir entraîné dans cette galère enfin dans ce bateau de pêche. Un petit roman de 200 pages pour une immense fresque, un chef d'oeuvre à lire et à relire les soirs de grands vents lorsque la mer se déchaine : « …Le vent tantôt donnait en plein son bruit caverneux avec un tremblement de rage; tantôt répétait plus bas à l'oreille, comme par un raffinement de malice, avec des petits sons effilés, en prenant la voix flutée d'une chouette. Et la grande tombe des marins était tout près, mouvante, dévorante, battant les falaises de ses mêmes coups sourds. Une nuit ou l'autre, il faudrait être pris là-dedans, s'y débattre, au milieu de la frénésie des choses noires et glacées:- ils le savaient… »