Pierre Loti connait son sujet, il connait les bateaux, les marins, car il est officier de marine. Il a peut-être côtoyé des pêcheurs de morue, lors de son séjour chez un ami à Rosporden (près de Concarneau), il les décrit fichtrement bien.
Yann dit vouloir se marier avec la mer, alors que Gaud se languit de lui et qu'elle de surcroit ne lui est pas indifférente. Oui, mais trop orgueilleux, il la mènera en bateau pendant trois Islande, trois longs étés sans marins et trois hivers à se fuir. Jusqu'au dernier été, où il craque enfin. "De raison, il ne pouvait pas lui en donner, parce qu'il n'y en avait pas, il n'y en avait eu jamais. Et bien oui, tout simplement il avait fait son têtu et c'était tout " Enfin, c'est le bonheur. le bonheur ne dure jamais. Pour eux, ce fut six jours.
Pierre Loti nous décrit des personnages attachants. On sent beaucoup d'empathie, pour les marins, pour les femmes restées à quai, pour les vieilles comme Yvonne, pour les petits gars morts à la guerre qui ne les concerne pas, pour cette pauvre Gaud languissante, pour ce couple délicieusement heureux. La vie est dure en ce temps-là.
Et connaissant la mer du fond des tripes, il nous raconte les navires, les vagues, les ciels, les vents, les mauvais temps, les tempêtes, comme un peintre, en le lisant je voyais Turner.
Par rapport au livre de Dina (de
Herbjorg Wassmo) qui se passe aussi au milieu du XIX°S dans le même milieu de la mer la Bretonne est beaucoup moins délurée. Autant Dina était une femme libre, débordante de vie et capable de tous les excès, autant Gaud est une jeune fille, certes pleine de qualités, mais un peu engoncée dans le carcan des conventions et des interdits. La Norvège était sans doute plus ouverte que la Bretagne.
Evidemment, les conditions de pêche sont bien différentes maintenant, mais il y a toujours des bateaux, toujours des tempêtes et toujours des amants séparés. J'ai bien aimé ce livre, il m'en reste un sentiment de mélancolie, poignant.