Or, c’est bien cette dernière éventualité qui est en train de se réaliser sous nos yeux : ce que nous disent tous les porte-parole du monde moderne – et spécialement les scientifiques qui sous prétexte de « lutte contre l’anthropocentrisme » se font en réalité les propagandistes de l’obsolescence de l’homme – à travers leur dénégation des nécessités concrètes de la condition humaine, c’est qu’ils ne veulent pas de cette conscience, qu’ils ne veulent pas de cette responsabilité et qu’ils ne veulent pas bâtir un monde habitable pour l’homme. Mais le fait de ne rien vouloir de tout cela, et de persister pourtant à vivre et habiter le monde tel qu’il est, produit néanmoins un monde. Un monde qui n’est pas le nôtre, qui nous est de plus en plus étranger, voire hostile. Un monde organisé selon la logique de la machine et non selon celle du vivant.
Maintenant, la machine est au cœur de notre monde, elle est le centre
autour duquel tout s’anime et s’articule, son modèle et son but. Et quelle
autre “philosophie de la nature” avons-nous à mettre en avant lorsque les
États calculent la valeur monétaire des « services rendus à l’économie par la nature »* sans que les écologistes eux-mêmes voient là un scandale ?…
* Du 18 au 29 octobre 2010, s’est tenue à Nagoya (Japon) la conférence mondiale sur la biodiversité. Il s’agissait de faire progresser un accord international lancé en 1992, la Convention sur la diversité biologique (CDB) afin de lutter contre la disparition accélérée des espèces. A cette occasion la biodiversité fut présentée comme un ensemble de « services rendus à l’économie par la nature », dont il convient de chiffrer la valeur ou le coût de la dégradation en vue de financer des « compensations ». Voir Politis du 14 octobre 2010, dossier “Nature à vendre”.
Si l’homme n’est plus le centre de la Création – de quelque manière que l’on conçoive ce centre – il n’en reste pas moins qu’il ne peut faire autrement que de rester le centre de ses propres créations, de ses œuvres et du monde qu’il bâtit par son activité ; bref, que nous le voulions ou non, nous sommes le centre de notre monde.
Mais cette nécessité propre à notre existence sur Terre, nous avons toute liberté de la réaliser de la manière qu’il nous plaira – ce qui comprend également le risque d’échouer en nous fourvoyant dans une impasse.
Librairie LA CARLINE
Le mercredi 8 juin 2022, nous avions la joie de recevoir Bertrand Louart pour un échange autour de son ouvrage "Réappropriation", sous-titré Jalons pour sortir de l’impasse industrielle. un essai technocritique passionnant, radical et optimiste, publié en juin 2022 aux éditions de La Lenteur.