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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
La cinquantaine comme point final de l'existence ? Les femmes obsolètes à partir d'un certain âge ? C'est sur ce principe pour le moins choquant et clivant que s'ouvre le dernier roman de Sophie Loubière, Obsolète. Arrivées à un certain âge, les femmes sont convoquées au Grand Recyclage. Les voilà parties pour une vie loin de la société, pour un avenir dont on ne sait rien. Des rumeurs courent, mais rien de certain : un paradis où elles peuvent se détendre sans plus de responsabilité ? Ou, au contraire, la mort comme dans Soleil vert ? Pendant ce temps, les hommes, moins nombreux sur la planète, sont censés reprendre une compagne afin de fabriquer de nouveaux enfants. Car la population est en baisse, suite aux nombreuses malformations génétiques et aux cas de stérilité.

Malgré quelques réfractaires accrochés à leurs certitudes envers et contre tout, la plupart des gens ont pris conscience des bouleversements climatiques qui agitent notre planète et vont l'agiter pour les années à venir. Les écrivains se sont bien évidemment emparés du sujet et les ouvrages fleurissent qui mettent en scène notre monde après le passage de la catastrophe. Par exemple, Li-Cam, dans Visite, imaginait une société qui vivait dans le respect de la nature parce qu'elle n'avait pas le choix. La récup était obligatoire et le travail solidaire et communautaire la norme. On retrouve ces principes dans le roman de Sophie Loubière. Cette autrice a imaginé un monde extrêmement réfléchi. Un vrai catalogue de pistes possibles pour notre avenir. Depuis la forme des maisons (courbes pour résister aux vents de plus en plus puissants) jusqu'au choix des plantes (résistantes à la chaleur et couvrante pour protéger les humains des rayons de l'astre brûlant) ; de la nécessité de se répartir les tâches du quotidien à la maison comme dans le village à l'obligation de recycler, de réparer (y compris les humains, semble-t-il, mais cela reste à découvrir au fur et à mesure de l'avancée du roman).

D'ailleurs, autant crever de suite l'abcès : c'est ce côté catalogue qui m'a le plus gêné à la lecture d'Obsolète. Étant un lecteur de SF, je connaissais pas mal des idées évoquées, des solutions proposées. Souvent, donc, je ne les découvrais pas. Aussi, le temps que l'autrice a pris à les exposer, les détailler, de façon très encyclopédique, m'a lassé un peu. Surtout qu'elle l'a fait de façon assez systématique, au début des chapitres, à travers les mots de sa personnage principale. Cela me fait penser (comme la publication dans une collection non spécialisée en SF) que cet ouvrage est destiné avant tout à des lecteurices non habitués au genre. Qui ont donc besoin qu'on leur explique de manière détaillée les tenants et les aboutissants d'un tel état de fait.

Malgré cette réserve, la richesse de la réflexion de Sophie Loubière m'a convaincu. On sent qu'elle a fait des recherches et qu'elle a tenté d'imaginer une Terre en 2224 réaliste. Et je pense qu'elle y a pleinement réussi. Bien sûr, on peut choisir la voie apocalyptique, dans laquelle l'humanité n'a pas su construire des solutions viables face aux changements brutaux. Mais on peut aussi, comme elle, comme aussi Émilie Querbalec (Les Sentiers de Recouvrance), Li-Cam donc (Visite) ou Elisa Beiram (Le Premier jour de paix), imaginer des visions plus positives. Où, malgré le choc, l'effondrement des nos sociétés, la chute de nos civilisations face au choc des forces naturelles, les êtres humains ont su remonter la pente et tenir compte de nos erreurs. Bien sûr, cela impose de glisser sur la terreur induite par la chute, sur les millions de morts que l'autrice évoque rapidement.

Autre point très fréquent dans la littérature de genre actuellement (et dans la vie de tous les jours, en tout cas, si l'on écoute, lit les médias), l'avènement de l'I.A. Comme d'autres auteurs français récemment (Christopher Bouix dans Alfie ou Pierre Raufast dans La Tragédie de l'Orque et dans le Système de la Tortue), Sophie Loubière a choisi de la localiser dans une boite, comme les Alexa et autres « assistants numériques ». On y retrouve cette boite qui répond à toutes les questions. Y compris celles des enfants, le soir, dans leur chambre. Questions qui semblent naïves mais sont existentielles et leur permettent de se créer une représentation du monde, puisque les réponse remplacent ou complètent celles que fournissent les parents. D'où son importance capitale, malgré son côté discret et fondu dans le décor.

Enfin, la place de la femme est évidemment interrogée dans ce roman. Tout tourne autour de leur future disparition de la société. Dès leurs premières minutes, les jeunes filles sont conditionnées à accepter ce sacrifice. Dès les premières heures, on leur apprend à rester à leur place. À vivre pleinement, certes, mais en sachant qu'elles ont une date de péremption, une limite fixée d'avance. Cela interroge nécessairement. Certes, la Terre compte davantage de femmes que d'hommes. Mais cette mesure est-elle réellement nécessaire ? Et s'il faut faire quelque chose, ce choix est-il le bon ? Car il est prodigieusement inhumain et injuste. Tant pour les femmes qui disparaissent (on sait ce qu'elles deviennent en fin de roman, rassurez-vous) que pour les hommes qui doivent oublier une longue vie commune pour en créer, sur injonction, une nouvelle (vous me direz, certains ne se gênent pas de nos jours pour le faire sans en recevoir l'ordre, abandonnant épouse et enfants au profit d'une jeune conquête…). Obsolète pose la question, offre des éléments de réponse. Mais c'est à nous, lecteurices, de faire nos propres choix. D'imaginer ce qui serait le mieux. Et c'est ce que j'ai apprécié dans ce roman.

Obsolète est un récit d'une grande richesse, un peu comme une grande synthèse de là où nous en sommes dans notre projection vers l'avenir. Vers ce que nous pourrons faire dans ce monde qui se réchauffe, où les évènements climatiques violents se multiplient et où, pour l'instant, on regarde ailleurs en espérant que cela s'arrange tout seul ou qu'un génie trouve une solution technologique miracle (compréhensible, mais déprimant). Dans ce texte où la météo est, comme chez les Romantiques du XIXe, en accord avec les sentiments des personnages, l'humanité se débat avec constance contre l'extinction. Les questions se multiplient, des réponses sont apportées, d'autres sont en devenir. Une lecture importante en ce début d'année.
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Nous sommes en 2224. Après le Grand Effondrement, la civilisation que nous connaissons aujourd'hui n'est plus. Une des préoccupations majeures de la nouvelle société, c'est de tenter de survivre au mieux malgré les ravages d'un terrible réchauffement climatique, et ce, avec très peu d'énergies fossiles. Pour y arriver, on recycle presque tout. Il est logique que cette société modèle dans ses pratiques énergétiques ait aussi éradiqué toutes formes de violences : plus de meurtres, plus de racisme, en bref, plus de violences physiques, psychologiques ni sexuelles. La société s'est transformée : beaucoup d'hommes et de femmes sont devenus stériles et la baisse drastique le la population demande des ajustements. Pour tenter de conserver un ratio acceptable dans la population, à 50 ans, les femmes sont « retirées ». Ainsi les hommes capables de se reproduire pourront féconder une femme plus jeune. Mais ce Grand Recyclage, qu'est-ce que c'est exactement ? où vont les femmes qui ne peuvent plus se reproduire ? Eh bien, Maya, une IA extrêmement performante et incroyablement compétente, promet à toutes les Retirées un avenir radieux, une vie idyllique dans le domaine des Hautes-Plaines… Vraiment ?
***
La narratrice des chapitres en italique, les seuls numérotés, s'appelle Rachel. Elle est sur le point d'être retirée et se pose forcément beaucoup de questions. Elle commence à nous raconter son enfance, sa soeur autiste, son père Charlus, qui a eu des jumeaux avec sa troisième compagne, Keen, son compagnon, leurs enfants Neo et Sky. Elle nous apprend aussi assez rapidement que, si on veut, on peut se retirer avant l'heure volontairement, et choisir un suicide assisté. C'est ce qu'à fait Marie, sa mère, en toute conscience. Tous portent un BMH, un Bracelet Modérateur d'Humeur dont le petit écran leur donne des renseignements sur les émotions qu'ils éprouvent et qui prend en charge leur modération… On suivra Rachel dans ses souvenirs, pas toujours chronologiques, puis nous l'accompagnerons au présent et nous partagerons ce qu'elle est en train de vivre.
***
En choisissant les titres des six parties de ce roman d'anticipation doublé d'une enquête sur des meurtres, Sophie Loubière nous raconte déjà une histoire : Conditionner, Retirer, Collecter, Trier, Réduire, Recycler… Je ne sais plus où j'ai lu qu'une dystopie, c'était somme toute une utopie entièrement réalisée. Voilà une définition qui semble parfaitement convenir à Obsolète : une société en apparence idéale, où tout a été pensé pour une vie en collectivité, un bonheur sans nuage au sein d'une communauté altruiste et bienveillante. C'était le projet de départ qui, réalisé, ne s'apparente guère au monde parfait dont les humains avaient rêvé. Obsolète est à mon avis un bon roman qui pose des questions essentielles et qui met en lumière les terribles résultats de nos aveuglements contemporains. Sophie Loubière s'attache à traiter de nombreux thèmes (trop sans doute)  scolarité et mentorat, vie familiale, supériorité du collectif sur le particulier, etc. Ce qui m'a le plus intéressée, c'est la vision volontairement tendancieuse du rôle des femmes. L'autrice ne cesse de souligner les contradictions entre ce que la société impose à ces femmes : faire comme si elles étaient libres et agissaient par choix pour le bien de la collectivité, alors qu'elles sont formatées pour suivre une voie toute tracée, finalement un peu comme dans les années cinquante. Les costumes conçus par Charlus concrétisent cet incroyable retour en arrière… Si j'ai bien aimé ce roman, je regrette de nombreuses longueurs, des passages extrêmement détaillés qui n'étaient pas nécessaires à la compréhension et qui viennent souvent casser le rythme de la narration.

[Lu dans le cadre du Grand Prix des Lectrices de ELLE]
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À 50 ans, si tu es une femme, que tu aies une Rolex au poignet ou pas, tu es quand même has been, retirée de ton foyer et envoyée au Domaine des Hautes-Plaines, pour y mener une vie tranquille. C'est le grand recyclage, la retraite à 50 ballais, en fait. Fuck la réforme des retraites !

Nous sommes en 2224, au cap Gris-Nez, dans un monde post-apocalypse, dans une dystopie qui met en scène une petite société d'humains qui se sont adapté à leur nouvel environnement, dans des sociétés avec moins de dépenses énergétiques, plus écologiques, sans violences (fini les meurtres, les vols, les viols,…), avec de l'empathie pour les autres, sans homophobie, sans racisme, sans religions…

Purée, mais c'est le pied, cette société ! Je signe où ? On pourrait l'avoir en 2024 et ne pas attendre 200 ans ??

Ah oui, mais il y a un mais… Un gros MAIS ! Les émotions des gens sont régulées, contrôlées… Alors oui, c'est facile d'endiguer les crimes et autres saloperies. Et puis, comme la fertilité a diminué et que les femmes sont plus nombreuses que les hommes (pauvres choux, va), elles doivent se retirer du jeu, à 50 ans et leurs époux (ou leurs compagnes, pour les couples lesbiens) est prié de reprendre une autre femelle et de refaire des enfants. Repeuplement démographique, en fait !

Oups, ça sent déjà moins bon, vous ne trouvez pas ? Et c'est là que réside toute la puissance de cette dystopie, car l'autrice, au lieu de nous plonger dans une société totalitariste et horrible, version "Servante écarlate" ou "1984", nous amène dans une société qui ressemble à un cocon, à un modèle parfait, à une société dans laquelle il fait bon vivre, loin du métro-boulot-dodo, en harmonie avec la Nature (qui a morflé).

Ce qui fout la trouille, dans cette dystopie, c'est lorsque l'on comprend ce qu'il pourrait y avoir derrière l'envers du décor (et on ne met pas 200 pages à capter qu'il doit y avoir une couille dans le pâté). Mais pour tout savoir, il faudra attendre le chapitre concerné et l'autrice vous donnera les détails au fur et à mesure… Glaçant et troublant, notamment avec les sempiternelles excuses du "nous n'avions pas le choix".

D'ailleurs, une scène m'a fait penser à celles de l'arrivée des Juifs et autres prisonniers, dans les camps de concentration… Et pourtant, je vous assure que la scène était joyeuse, dans ce roman ! Mais elle m'a fait l'effet d'une douche glacée. le talent de l'autrice était là aussi.

Mais avant d'arriver à l'épisode du grand recyclage, nous aurons à résoudre la mort mystérieuse de trois habitants du village et il faudra de la persévérance à certains pour mener l'enquête, sans se faire remarquer, puisque l'on a dit que c'était un tragique accident.

Deux arcs narratifs, donc, dans ce pavé de 500 pages : enquêter sur des morts mystérieuses, découvrir le/la/les coupables et se préparer au départ de certaines femmes pour le grand recyclage et à la vie d'après. Dire que personne ne se révolte…

Le côté polar est un peu léger, car ce n'est pas le plus important, mais ce qui arrivera lors des conclusions de celui qui a mené l'enquête et qui tentera de faire comprendre aux autres leurs erreurs, qui ont mené à cette folie ! Et là, c'était brillant, une fois de plus.

Si au départ, j'ai eu un peu de mal en commençant la lecture de cette dystopie, je me suis faite happer ensuite et même si je n'ai pas ressenti de véritable empathie pour les différents personnages, j'ai grandement apprécié ce récit d'anticipation, de ce post Grand Effondrement et cette société que l'autrice a mise en place, qui semble être un havre de paix, mais qui cache des trucs pas nets et qui nous renvoie vers nos sociétés à nous, notamment dans certains de nos travers, telle la surconsommation…

Une dystopie à découvrir absolument !


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Cette dystopie-polar est bien réalisée et agréable à lire. Elle répond pas mal, même si c'est particulier, à de nombreuses questions contemporaines. Notamment celle de la surpopulation. On avance de deux siècles, et la solution trouvée est radicale (en plus de résoudre le problème du financement de la vieillesse et de ses maladies) : à 50 ans les femmes, plus nombreuses, sont obsolètes, recyclées ; les hommes, de leur côté ont le droit de refonder une famille. La ménopause se concrétise par un "Grand remplacement". Je vous laisse deviner ce qui est décidé de leur sort, dans une société totalement contrôlée, aseptisée, réglée comme du papier à musique. Côté polar : si c'est plutôt léger, en revanche les mobiles développés sont très intéressants. Côté science fiction c'est malin, un savant mélange, je trouve, entre "Soleil vert" réservée aux femmes et la série brésilienne "3%" avec cette idée de méritocratie. Bien pensé.
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Les dystopies sont peu représentées dans le choix littéraire, souvent dénigrées par les maisons d'édition et les lecteurs, qui l'assimilent à de la science-fiction. Avec Obsolète et les éditions Belfond, Sophie Loubière donne du sens à ce style littéraire et les retours dithyrambiques témoignent de sa légitimité dans l'offre littéraire. Pour ma part, cette lecture m'a beaucoup plu.

2224, la vie sur terre a changé. Suite aux dérèglements climatiques, à l'épuisement de ressources, l'homme s'est adapté. le recyclage est au coeur de cette nouvelle société, un recyclage qui concerne aussi les femmes de cinquante ans !
A travers les différentes phases du processus, on suit Rachel de ses souvenirs d'enfance jusqu'au fameux domaine des hautes-plaines d'où personne n'est jamais revenu.

Une très belle plume et une idée originale.
Une vision futuriste sur notre société plutôt réaliste et pessimiste avec l'hyperconnexion, la surconsommation et toutes les aberrations de notre ère. Écolo-féministe ce roman n'est pas pour autant militant ni moralisateur. C'est surtout un constat et chacun y voit sa vérité.

A regretter, quelques longueurs.

Ce roman interroge et invite au débat. A lire absolument.
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Après l'effondrement de 2050, les humains survivent et doivent s'adapter aux conditions météorologiques particulières. En 2224, les naissances viables sont difficiles et trop de femmes naissent par rapport aux hommes. Et par conséquent, les femmes, dès qu'elles atteignent l'âge de 50 ans, partent pour le Grand Recyclage dans le domaine des Hautes Plaines. Elles laissent leur place à de jeunes femmes qui pourront donner naissance à de nouveaux enfants.

Dès que j'ai eu connaissance de ce roman et de sa thématique, je n'avais qu'une envie l'acheter car je voulais savoir ce que devenaient ses femmes puisque je m'associe à elles ayant 50 ans et je ne me sens absolument pas obsolète !

Attention, il ne s'agit pas d'un roman policier ni d'un roman noir comme l'autrice a pu en écrire. C'est un roman d'anticipation où nous découvrons le village n°6, comment il est organisé, comment se déroulent les journées pour le bien de la civilisation et comment il est régulé par une intelligence artificielle. Cette découverte se fait au travers de la famille de Rachel, coiffeuse, avec son mari, archéologue, ses enfants, son père, sa belle-mère puisque sa mère a laissé sa place à cette jeune femme après ses 50 ans. Je me suis attachée à cette famille, à leurs émotions même si elles sont régulées (je vous laisse découvrir comment), le vide qu'engendre un départ. Mais ce roman aborde des thématiques qui nous fait réfléchir : notre surconsommation, notre action sur les ressources, l'écologie, notre individualisme. Et c'est surtout un livre féministe : la femme est au coeur de ce roman.

Et j'ai adoré me plonger dans ce récit futuriste, au rythme lent qui pose cet environnement, ces personnages pour lesquels j'ai eu beaucoup d'empathie et c'est avec tristesse que je les ai quittés en refermant la dernière page.
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L'homme a détruit notre monde actuel, le nombre d'habitants est passé de 9 milliards à une dizaine de millions, l'infertilité domine : il faut penser à faire perdurer la race humaine.

A l'âge de 50 ans, les femmes sont donc Retirées de la circulation, comme des objets obsolètes, pour se rendre dans un monde idéalisé, dont elles connaissent l'origine depuis leur naissance. C'est le grand Recyclage. Cette séparation d'avec leurs proches n'est pas forcée, elle se fait avec le consentement de tous. Dans ce nouveau monde, un bracelet (BMH) régule les humeurs, la méchanceté a été bannie, on ne gaspille plus, la compétition n'a plus sa place, seulement la compréhension, le bien-être collectif et la bienveillance. Et Maya, une IA hyper compétente, est là pour accompagner chacun, à la manière d'un Google Home, Alexa et autres assistants vocaux, pour répondre à toutes vos questions.

Nous sommes dans le meilleur des mondes. Sauf que.
Quelque chose déraille, et une enquête va amener un peu de suspens dans ce merveilleux monde de Maya.

C'est travaillé, construit, le monde est décrit avec une rare précision. On a l'impression que Sophie Loubière a pensé à tout, et qu'elle a poussé le "Bien" et les bons comportements à leur maximum. Ça dérange et ça percute.

On s'attache à la famille au centre de l'histoire, et à son personnage principal, Rachel, une femme qui va être Retirée. Si j'ai trouvé la partie "policière" un peu moins réussie, ce n'est pas grave, l'objectif est atteint.

Ce roman est une belle prouesse. Bravo.




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● L'auteure, le livre (528 pages, 2024) :
Sophie Loubière, journaliste et auteure de polars vient de signer avec Obsolète, un roman d'anticipation, une dystopie pour reprendre ce qui qualifie ce genre très à la mode mais dont on redoute souvent la trop grande facilité.
Mais quelques très bons avis nous ont finalement convaincus de plonger dans ce conte philosophique et de répondre à l'appel du futur de l'auteure qui nous expédie 240 ans après le 1984 de George Orwell.
En 2224, Big Brother est devenu écolo : bien obligé pour tenter d'enrayer l'extinction de l'humanité.
Histoire de mettre le lecteur au diapason, Sophie Loubière y va même d'une exergue bien sentie :
[...] À ma descendance. Puisse-t-elle connaître un monde formidable.

● On aime :
❤️ Sophie Loubière a choisi de ne pas déstabiliser son lecteur par une anticipation de techno parade. Bien au contraire, chacun des détails de la vie en 2224, pris isolément, est crédible voire réaliste. Mais c'est leur accumulation qui dérange et crée un certain malaise : l'auteure se moque pas mal de 2224 et préfère brosser une féroce critique de notre monde actuel, celui d'aujourd'hui en 2024.
❤️ le monde de 2224 semble paradisiaque, ce qui reste de notre civilisation y est bon, beau et gentil, écolo-recyclable même, et l'on s'y souhaite "belle journée" à tout bout de champ !!!
Mais on frémit bientôt à l'idée qui est au coeur de l'intrigue : ces femmes ménopausées, qui ne sont plus en mesure de procréer pour reconstituer l'humanité, et que l'on "retire" du circuit pour que les hommes puissent fonder une nouvelle famille.
Une alternative à la polygamie nous dira-t-on.
Sauf que personne ne sait vraiment ce que deviennent les "retirées" quand elles partent pour le fameux "Domaine des Hautes Plaines", même si l'on se doute bien que l'auteure est suffisamment habile pour ne pas nous resservir un simple remake féministe de Soleil vert.
Bref on est très impatient d'apprendre ce qu'il advient des "retirées" ...
❤️ Pour corser encore le suspense, Sophie Loubière ne renie pas ses origines d'auteure de polars et nous a préparé quelques morts suspectes, impensables dans ce monde idyllique où la violence n'existe plus et donc où l'on ne sait plus pratiquer une autopsie !
❤️ On apprécie quelques petites inventions savoureuses (qu'on vous laisse découvrir) comme l'euthanasie raisonnée ou l'enterrement de vie de maman, ou encore ces bracelets régulateurs d'humeur.
Tout cela est évidemment très inconfortable, l'humour est grinçant, on ne sait trop quelle est la part du second degré, si c'est du lard ou du cochon, ou plutôt on se doute bien que l'auteure nous invite à jeter un oeil inquiet du côté obscur de la force.
❤️ On s'inquiète aussi de la manipulation exercée par une IA (la version 2224 d'Alexa ou Siri s'appelle Maya) qui va jusqu'à imiter Orwell et créer une "novlangue".
❤️ Bref, seul le lecteur vraiment naïf voudra bien croire que Sophie Loubière s'intéresse plus à 2224 qu'à 2024 ...
C'est un miroir éblouissant et à peine déformant que nous tend l'auteure.
😕 Bon, le grincheux de service regrettera peut-être quelques longueurs ou digressions trop explicatives.

● L'intrigue :
2224. Notre civilisation dite "fossile" n'est plus.
L'humanité est réduite à peau de chagrin et survit sur quelques territoires encore épargnés.
On s'efforce de lutter contre l'effacement, les malformations, la stérilité, les fausses couches. Les femmes ménopausées, devenues "obsolètes" sont "retirées" du circuit pour que leur conjoint puisse fonder une nouvelle famille avec une femme plus jeune en mesure de procréer.
Mais il semble bien que quelques grains de sable se soient glissés dans cette belle mécanique idyllique du futur ...
Pour celles et ceux qui aiment se souhaiter "belle journée".
Lien : https://bmr-mam.blogspot.com..
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Avec Obsolète, Sophie Loubière nous propose un roman absolument glaçant de la première à la dernière page. Convoquant tout autant le roman d'anticipation que la littérature de suspense, l'autrice nous offre une plongée fascinante et terrifiante dans un monde rétrofuturiste visionnaire où la femme est un produit sans grand avenir.

Je découvre Sophie Loubière avec cette dystopie qui met au coeur de son système l'obsolescence des femmes programmée à 50 ans. Car oui, dans ce monde où la stérilité est un problème pour la survie de l'espèce, les quinquagénaires ne servent à rien puisqu'elles sont ménopausées.

Dans ce futur, je serai déjà recyclée ! Je me suis donc sentie très concernée et révoltée par cette histoire dans la droite lignée de la servante écarlate et de Vox, bien que très différent dans ces thématiques. Ici le monde imaginé par Sophie Loubière peut paraître idyllique : il n'y a plus de chômage, de précarité, de solitude, de violence grâce aux bracelets qui contrôlent les émotions. Exit les meurtres, les guerres et les conflits liés à la religion car elle n'existe plus non plus.

Sans cette obsolescence des femmes, c'est un monde qui pourrait apparaître idyllique bien qu'aseptisé. Ici chacun accepte son sort, scellé depuis la naissance. Aux hommes, la vie de centenaires aux côtés de femmes de plus en plus jeunes pour procréer. Aux femmes, l'euthanasie ou le grand recyclage passé 50 ans.

Cette dernière option est auréolée de mystère car on ne sait pas ce qui attend les femmes au bout de ce dernier voyage en train. Il y a de nombreux parallèles avec la shoah dans le transport des femmes et dans ce qui leur arrive ensuite et les chasses aux sorcières qui ont embrasé l'Europe et qui ont causé la mort des femmes, pour la plupart, elles aussi ménopausées.

Ce qui est révoltant c'est que ce monde n'est pas particulièrement remis en cause, chacun a intégré cette norme depuis plus de 200 ans. Mais en suivant Rachel, Hosna et leurs copines, on découvre le grand chamboulement que cela peut créer ou non au sein de leurs familles.

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Un roman d'anticipation dérangeant et audacieux.

Il fallait oser traiter d'un sujet pareil ! Sophie l'a fait, pour notre plus grand bonheur.

Nous sommes en 2224. La société telle que nous la connaissons n'existe plus. le Grand Effondrement de 2050 a laissé la place à une société éco-responsable, vivant dans l'harmonie. Plus de croyances, les religions ont trépassées, plus de possessions superflues, le collectif prime sur le reste. Plus d'émotions non plus, ou presque, puisque chaque humain est doté d'un bracelet modérateur d'humeur injectant des hormones de synthèse dès que le besoin s'en fait sentir. Une vie sans angoisses, sans stress et sans colère ! le rêve, me direz-vous ?

« Un bracelet modère nos humeurs, enregistre nos émotions et contrôle nos montées d'adrénaline, une manière de fermer nos yeux, de mettre des oeillères. Mais à l'intérieur, nous sommes restés les mêmes. Fragiles, imprévisibles et sots. »

Le seul hic étant que suite au Grand Effondrement, la population mondiale est passée de neufs milliards à neuf cents millions. La surpopulation féminine et la chute de la fécondité créent un déséquilibre, s'ajoutant à la nécessité de repeupler la Terre, un grand programme a vu le jour : le Grand Recyclage. Toute femme atteignant la cinquantaine est purement et simplement recyclée. Elle quitte son foyer et s'installe dans le Domaine des Hautes-Plaines pour une retraite bien méritée. Son mari, quant à lui, reprend une femme bien plus jeune et fonde une nouvelle famille.

Voilà pour les grandes lignes. Il faut avouer que Sophie a une imagination débordante, elle ne laisse rien au hasard dans cette société. Il y a de quoi frémir car tout semble hyper réaliste. Sophie utilise des outils que nous connaissons déjà, comme Maya, l'IA dont personne ne peut plus se passer, ressemblant comme deux gouttes d'eau à Alexa, l'assistant vocal d'Amazon.

« le cerveau humain a toujours été doué pour occulter ce qui ne lui convient pas. »

La construction du roman alterne des chapitres en italiques où le personnage utilise le « Je » pour nous décrire sa vie, et, par la même occasion, la société dans laquelle il vit, et des chapitres mettant en scène une famille, celle de Rachel, Keen et Néo Taylor. L'utilisation de la troisième personne du singulier propose un autre angle de vue. le rythme est haletant, « Obsolète » est dur à poser. Les pages défilent à une vitesse folle. Je suis arrivée au bout sans même m'en rendre compte, pourtant, c'est un bon pavé !

Rachel va bientôt recevoir son avis de retrait. Elle deviendra une Retirée, et partira pour le Domaine des Hautes-Plaines. Keen, son mari, devra choisir une nouvelle compagne. Keen, leur fils, sera contraint de vivre dans ce nouveau foyer, sans sa mère.

Toute la première partie du roman pose les bases de cette société attentive à son empreinte carbone. J'ai trouvé cette partie passionnante. Voir comment l'Humanité a réussi à se métamorphoser, afin de respecter la Terre, la nature, et surtout, s'adapter au changement climatique. Les pistes sont bonnes et on a déjà commencé à en prendre certaines.

Après, de nombreuses questions se posent. L'éthique, les défaillance, l'écologie. le fonctionnement d'une société encore plus patriarcale que celle que nous connaissons, où la femme est réduite à un objet, formatée depuis sa naissance au black out de ses cinquante ans. L'obsolescence programmée que l'on essaye d'éviter sur les objets du quotidien revient en force sous une autre forme.

J'arrive bientôt à cette date fatidique, la cinquantaine, c'est probablement pour cela que ce roman a raisonné en moi. Il faut tout de même avouer qu'il y a déjà de cela dans notre société : une femme ménopausée est considérée comme vieille, inutile. Dans notre société, la femme est respectée lorsqu'elle donne la vie…

La plume de Sophie est percutante, saisissante et musclée. Elle ajoute une pointe d'humour (j'ai adoré le passage de la Fête ou un bon vieux radar est recyclé en quelque chose de ludique). Sophie inclut trois meurtres et une enquête dans son récit, ce n'est pas ce que j'ai le plus apprécié, mais cette partie est nécessaire à la conclusion du roman. Une fin qui m'a laissée sans voix. Et qui pose le doigt sur toutes les dérives que ce système si parfait en apparence peut avoir, finalement, et auxquelles on n'a pas pensé.

Comment résoudre une enquête dans une société où le Mal n'existe plus ? Que se passe-t-il lors du Grand Recyclage ? Nul ne le sait. Tout n'est que supposition. Autant de questions auxquelles Sophie propose ses réponses, dans une dystopie angoissante, oppressante et dérangeante.

« Obsolète » est un roman engagé qui donne des sueurs froides, car pas si éloigné de notre société finalement…Il laissera des traces dans l'esprit du lecteur, perso, je ne suis pas prête d'oublier cette histoire. Je vous conseille ce roman, il vaut vraiment le coup !

« – …Je n'arrivais pas à comprendre pourquoi ma mère avait fait ce choix. Pas de maladie chronique, pas de troubles psychiques, je me demandais ce qui avait pu la pousser à mettre fin à ses jours. Maintenant, j'ai la réponse.

Un silence, puis :

– On nous arrache comme une mauvaise herbe à ceux que l'on aime. »

#Obsolète #SophieLoubière #Belfond
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