Au moment de commencer à écrire quelques lignes sur le ressenti de la lecture de
L'ami arménien, c'est un vertige qui me saisit tant il me paraît difficile d'exprimer l'enthousiasme toujours renouvelé, avec plus ou moins d'intensité, en quittant un livre d'
Andreï Makine.
Celui-ci débute, ainsi que c'est souvent le cas avec cet auteur, dans une légère confusion au point que l'on pourrait se demander durant plusieurs pages quel est le thème dominant traité. Et puis, au fur et mesure que l'on pénètre dans l'univers de cet auteur, c'est l'éblouissement, toujours plus intense, de page en page, jusqu'à l'apothéose finale.
Le thème de l'amitié et, sous-jacent, celui de la découverte de l'amour, revient régulièrement dans les romans de
Makine. Il prend ici une dimension historique avec l'histoire de ces réfugiés arméniens qui sont venus attendre aux abords de la prison soviétique, le verdict impitoyable qui tombera sur leurs proches.
Makine dépeint cette attente au travers de ses deux jeunes héros, le narrateur, qui se remémore des dizaines d'années plus tard, le partage qui lui a été donné auprès de son ami arménien, de sa mère et de ceux qui l'entouraient. Il le fait toujours avec cette écriture extraordinaire capable de magnifier des instants simples, comme le vol d'oiseaux migrateurs ou juste le ciel avec ses étoiles observées avec espérance dans ces temps d'adversité.
Petit à petit, il construit autour des deux adolescents une vision du monde, de ses futilités et vanités, de ses richesses qu'appréhenderont seulement ceux capables d'écouter en silence, pour découvrir l'essentiel "invisible pour les yeux" si bien exprimé par
Saint-Exupéry. A cela vont parvenir les deux jeunes et c'est surtout l'évolution de l'attention et de l'écoute portée par le narrateur aux déracinés arméniens qui enrichit sans cesse la trame de ce court roman.
Emotion, sensibilité sans sensiblerie, références historiques, dureté du régime stalinien, héroïsme des protagonistes, douleurs secrètes, mystérieuses,
Makine anime tout cet ensemble avec les mots qui atteignent les coeurs.
Andreï Makine sait admirablement terminer ses romans. Les dernières pages de celui-ci m'ont apporté une nouvelle fois les vibrations de l'âme que l'on ressent devant cette poésie nostalgique, cette image finale si simple de
l'amour humain.