" Gege1968" nous dit que c'est livre référence sur la seconde guerre mondiale.. Je confirme (presque) : c'est un livre fort (mais
l'Oiseau Bariolé, de
Kosinski, lu trop jeune sans doute, m'avait presque plus impressionné). Passant de Tendre Stocks de
Morand ( cité p.274) et
La mésaventure espagnole, de
Lucien Bodard à
Kaputt, j'ai eu quelques agacements , au début du livre, à relire des scènes avec des têtes + ou - couronnées dans des palais ornés de références culturelles qui m'étaient, pour l'immense majorité d'entre elles, inconnues, mais heureusement ( si je peux dire..) assez vite le récit change de propos pour des "scènes de guerre" - ou plutôt des scènes de bas-côtés de la guerre - qui relatent, avec à la fois pudeur et froideur, quelques atrocités de celle-ci. le livre alterne récits de soirées, ou nuits, de dîners, avec des officiels, chefs allemands ou diplomates, de Ministres ou secrétaires d'ambassade ( et leurs femmes) de tous pays et descriptions de faits que je qualifierais " d'égoûts.". Il (le livre) aurait gagné si les récits "élégants" eussent été moins longs et fréquents (d'où 4 * et non 5), mais
Malaparte alternaient sur le terrain entre les 2 et c'est le précieux moyen d'avoir une idée des réalités des "chefs de guerre" et de la périlleuse crête sur laquelle l'écrivain-journaliste-diplomate se trouvait lors de ces échanges avec, par exemple, "le roi allemand de Pologne", entre être assez courageux pour faire comprendre ce qu'il pense des actes commis et assez prudent pour ne pas à nouveau s'attirer des ennuis (expulsion, arrestation ou emprisonnement (
Malaparte avait déjà fait 5 ans de prison avant la guerre). Les descriptions, habilement écrites, d'épisodes allant de la cruauté à l'horreur, sont nombreuses et font souvent référence à des animaux (d'où le titre des parties), de manière à la fois réelle (les chiens) et métaphoriques (les mouches). Autant de scènes qui feraient de puissantes scènes de film..Pour l'analogie avec le cinéma, un lecteur ( Woland) a évoqué Coppola et
Fellini. D'accord à la rigueur, pour, peut-être
Fellini pour la fin du livre à Naples ( mais il y a du burlesque chez
Fellini, pas chez
Malaparte) et pour Apocalypse Now par l'importance du mot "horreur", mais c'est davantage au Visconti des Damnés par exemple, ou encore plus au Tambour de Schlöndorff ( sorti la même année qu'Apocalypse) que m'a fait penser ce livre ou encore le Pianiste de
Polanski (pour le ghetto)..
L'écriture :
Malaparte use souvent de répétitions sans que cela soit gênant et la manière dont il décrit la nature, les paysages, les ciels, les fleuves.. est assez surprenante je trouve, utilisant des images dans des domaines a priori éloignés (il compare souvent, par exemple, le ciel a des tissus), le tout donnant un effet assez original mais qui, selon moi, épaissit trop le livre).
L'impression qui me reste est - outre les horreurs de la guerre - que
Curzio Malaparte était un sacré bonhomme et la sorte de Bunker-villa épurée, minimaliste dans la démesure, qu'il s'était faite construire au bord d'une falaise à Capri (celle que Godard a utilisé dans le Mépris) est bien à cette image que j'aie de lui et prend tout son sens à la lecture de ce puissant (par moments) récit : le bout du monde d'un homme de grande culture, intelligence, lucidité et courage, qui a vu trop d'horreurs et qui désire se retirer dans un paysage rugueux, tourmenté, tragique et grandiose, à l'écart tout au bord d'un abîme face à la mer, pour que sa contemplation le distrait de ses souvenirs ou pour s'y laisser chuter..