Aujourd’hui, les fouets sont invisibles et ne laissent des traces qu’à des endroits fragiles tels que le cerveau et le cœur.
Avant de mourir, il me reste encore un peu de temps pour comprendre pourquoi j'ai vécu...
"...Les Africains passent une grande partie de leur vie à aller à des enterrements.... Dans ce pays rien n'est impossible.
Ce sont les restes d'une époque révolue se dit Hans Olofson. Aujourd'hui le colonialisme n'existe plus...Mais les Blancs sont encore là et leur mentalité n'a pas changé. Une époque transmet toujours une poignée d'hommes nostalgiques du passé à l'époque suivante. Ils regardent leurs mains vides en se demandant où sont passées les armes du pouvoir et ils découvrent avec stupéfaction qu'elles sont passées dans les mains de ceux à qui ils ne se sont jamais adressés autrement qu'en leur donnant des ordres. Ils vivent l'Epoque de l'Amertume. Les Blancs en Afrique ne sont plus que des débris humains dont tout le monde se fout. Ils ont perdu leur fondement. Ce qu'ils croyaient appartenir à l'éternité n'existe plus..."
Devenir adulte, c'est peut-être se rendre compte de sa solitude, pense-t-il.
Il se réveille dans la nuit africaine avec la soudaine impression d'avoir le corps fendu en deux. Ses intestins ont explosé et son sang ruisselle le long de son visage et de sa poitrine.
Non, ce n'est pas du sang, s'efforce-t-il de penser. J'ai une crise de paludisme et c'est la transpiration qui suinte de mon corps.
Un dragon est plus aisé à combattre qu'un ange.
Chaque vie achevée est une entité, se dit-il. Après, on ne peut plus rien changer, rien retoucher.
C'est le sort des femmes de décider de l'avenir de l'Afrique, songe-t-il. Les hommes passent leur temps à l'ombre des arbres alors que les femmes travaillent dans les champs, mettent des enfants au monde, transportent d'énormes sacs de maïs sur leur tête. Ma ferme emploie essentiellement des hommes, mais elle ne donne pas une vraie image de l'Afrique. Ce sont les Africaines qui portent l'Afrique sur leur tête.
Or, lorsque cette question inconnue avait surgi dans sa tête -pourquoi je suis moi? -, il était devenu un être spécifique et donc mortel. A présent, sa décision était prise: il était lui et ne serait jamais quelqu'un d'autre. Il avait compris l'inutilité de se dérober. Il avait une vie devant lui, une seule, et, tout au long de cette vie, il serait lui.
je pourrai lui parler de l'Afrique. De ce continent blessé. De sa superstition et de son infinie sagesse. De sa misère et de sa souffrance que nous, les Blancs, lui avons imposées. Mais je pourrais aussi lui parler de l'avenir de l'Afrique, dont j'ai vu moi- même des signes précurseurs